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RéessayerDepuis quelques jours, le nom de Ghislaine Maxwell refait surface. L’ex-compagne et complice de Jeffrey Epstein refuse de témoigner le 11 août devant une commission parlementaire sans immunité judiciaire ou action présidentielle. Condamnée à vingt ans de prison pour trafic sexuel en 2022, la Franco-Britannique de 63 ans, naturalisée américaine, joue une nouvelle carte : coopérer, mais à ses conditions.
La demande, déposée mardi 29 juillet par ses avocats, intervient alors que l'affaire Epstein embarrasse l'exécutif et divise la droite américaine. Quelques jours plus tôt, Ghislaine Maxwell a été interrogée par Todd Blanche, numéro deux du ministère de la Justice, et ancien avocat de Donald Trump. Ses avocats ont également sollicité la Cour suprême pour un réexamen de sa condamnation. Ils assurent que leur cliente est prête à témoigner "honnêtement et en public", à condition de recevoir une grâce présidentielle. Un geste que Donald Trump, tout en affirmant ne pas avoir été sollicité, n’a pas explicitement exclu.
Jeffrey Epstein avait été retrouvé pendu dans sa cellule à New York, le 10 août 2019, avant son jugement pour crimes sexuels. Un suicide qui n'a pas manqué d'alimenter d'innombrables théories du complot selon lesquelles il aurait été assassiné pour empêcher des révélations embarrassantes sur des personnalités de premier plan. La soudaine volonté de collaborer de Ghislaine Maxwell relance les spéculations, tandis que le ministère de la Justice a annoncé début juillet n'avoir découvert aucun élément nouveau qui justifierait la publication de documents supplémentaires.
Certains médias conservateurs s’emparent du cas Maxwell. Sur la chaîne Newsmax, l’animateur Greg Kelly l’a dépeinte comme une "victime", injustement diabolisée. Alan Dershowitz, ancien avocat de Jeffrey Epstein - mais aussi de Donald Trump -, va plus loin : "Elle est la pierre de Rosette. Elle sait tout. Il suffit de lui accorder l’immunité, et elle témoignera", a-t-il lancé sur Fox News.
Une enfance dorée, une loyauté sans faille
Avant d’être associée à l’un des pires scandales pédocriminels de l’histoire américaine, Ghislaine Maxwell a grandi dans l’opulence et les privilèges. Née en 1961 à Maisons-Laffitte, dans les Yvelines, elle est la benjamine d’une famille de neuf enfants. Son père, Robert Maxwell, est un magnat britannique des médias, d’origine juive tchécoslovaque. Ce parlementaire est le seul survivant de sa famille décimée par la Shoah.

Sa mère, Élisabeth Meynard, est une historienne française, spécialiste de la Shoah, issue d’une famille protestante de l’Isère. Ils élèvent leurs enfants au cœur de la haute société britannique. Deux jours après la naissance de Ghislaine, un drame touche la famille lorsqu’un de ses frères est victime d’un accident de voiture et sombre dans le coma. Il décédera six ans plus tard, un traumatisme familial que sa mère estime fondateur du comportement anorexique de Ghislaine dès son plus jeune âge.
La jeune fille fréquente les meilleures institutions : Marlborough College, puis Oxford, où elle étudie l’histoire moderne et les langues. "Même lorsque j'étais étudiante, il était très clair pour moi qu'elle s'intéressait au pouvoir et à l'argent", se souvient l’autrice Anna Pasternak, camarade d’université, dans une interview avec la BBC. "Elle regardait toujours au-dessus de votre épaule pour voir qui d’autre était dans la pièce."
À Oxford, Ghislaine Maxwell croise brièvement la route d’un jeune Boris Johnson, qui aurait eu un faible pour elle, selon la sœur de ce dernier. Son père, figure aussi charismatique que tyrannique, lui ouvre les portes du monde professionnel en la plaçant au conseil d’administration d’un club de football qu’il possède. Très présente à ses côtés, elle joue souvent les hôtesses quand sa mère se consacre à ses recherches historiques. Elle se forge peu à peu une place dans les cercles mondains, tissant des liens avec la noblesse britannique, dont le prince Andrew, troisième enfant de la reine Elizabeth II.
Dans les années 1980, Robert Maxwell alias "Captain Bob" est au sommet de sa gloire. Il possède notamment le Daily Mirror au Royaume-Uni et le New York Daily News aux États-Unis. En hommage à sa fille préférée, il baptise son yacht personnel "Lady Ghislaine". Mais la chute sera brutale. En novembre 1991, son corps est retrouvé flottant au large des Canaries. La thèse accidentelle est retenue. Mais pour Ghislaine, la version officielle ne tient pas : elle reste convaincue qu’il a été assassiné.

Après sa mort, l’ampleur de la supercherie de Robert Maxwell est révélée : pour maintenir son empire à flot, il avait puisé illégalement dans les fonds de pension de ses employés. Le scandale éclabousse tout le Royaume-Uni. L’État doit verser 100 millions de livres pour indemniser les victimes. Mais Ghislaine Maxwell reste fidèle à celui qui l’a toujours privilégiée : "Ce n’était pas un escroc", déclarait-elle encore en 1992 à Vanity Fair, malgré les preuves accablantes.
"The British socialite"
À 30 ans, Ghislaine Maxwell quitte Londres pour New York et tente de se reconstruire. Elle trouve rapidement refuge dans les cercles mondains de Manhattan, où elle croise la route de Jeffrey Epstein. Ancien professeur de mathématiques devenu magnat de l'immobilier, ils vivent une brève idylle. Il la présente rapidement comme sa "meilleure amie". Leur relation, tour à tour décrite comme amoureuse, professionnelle ou ambiguë, intrigue leur entourage.

Ensemble, ils deviennent omniprésents dans les réceptions de la haute société, à la Maison Blanche, au golf de Mar-a-Lago, à Palm Beach en Floride, propriété de Donald Trump. Comme avec son père, Ghislaine Maxwell joue les assistantes-organisatrices. En échange, elle retrouve le luxe auquel elle a été habituée : jets privés, palaces ou hôtels de luxe. Avec Jeffrey Epstein, elle semble avoir trouvé un substitut à son père et un partenaire complémentaire : elle apporte ses relations, lui, sa fortune. Ils deviennent dépendants l’un de l’autre.
Pendant des décennies, Ghislaine Maxwell s’affiche au bras des puissants, surnommée the "British socialite" (la mondaine britannique en français). Elle côtoie Bill Clinton, assiste au mariage de Chelsea Clinton, apparaît dans les soirées aux côtés de la mannequin Naomi Campbell, le milliardaire Elon Musk ou l’ancien maire de New York Michael Bloomberg. En 2012, elle fonde même une ONG pour la protection des océans, TerraMar.
Le "visage acceptable" d'un système d'exploitation
Mais derrière cette façade respectable, de nombreux témoignages évoquent un mode opératoire bien rodé : "Toutes les nouvelles filles jolies qui arrivaient à New York finissaient par prendre le thé avec Ghislaine, puis étaient présentées à Jeffrey", confie Euan Rellie, ancien proche du couple. "Elle était le visage acceptable d'un milliardaire plutôt mystérieux."

Progressivement, Ghislaine Maxwell gère les résidences de Jeffrey Epstein. Selon plusieurs témoignages, elle aurait recruté de jeunes filles mineures, les présentant comme "masseuses". Elle affirme ne jamais avoir vu de mineures : "Toutes les personnes présentes dans ses maisons étaient des adultes professionnels", a-t-elle déclaré à la justice il y a près de dix ans.
En 2005, les parents d’une adolescente de 14 ans portent plainte contre Jeffrey Epstein pour agressions sexuelles. Il est condamné en 2008 à 18 mois de prison. Les accusations s'accumulent : trente-six victimes sont identifiées. Jeffrey Epstein est arrêté en juillet 2019, accusé de "trafic sexuel en bande organisée de mineures" entre 2002 et 2005. Il se suicide dans sa cellule un mois plus tard, privant ses victimes d’un procès. Ghislaine Maxwell reste introuvable pendant un an, jusqu’à son arrestation en juillet 2020 dans une petite ville du New Hampshire, où elle vivait cachée.

En décembre 2021, elle est reconnue coupable de cinq chefs d’inculpation. Lors de son procès, elle exprime un semblant de regret envers les victimes : "Je suis désolée pour la souffrance ressentie", tout en rejetant la responsabilité sur son ancien complice, "un manipulateur (...) qui a trompé tous ceux qui étaient dans son orbite" selon elle.