
Des navires en attente pour entrer dans le port de Los Angeles, le 26 juillet 2023, aux Etats-Unis © Daniel SLIM / AFP/Archives
Les pays membres de l'Organisation maritime internationale (OMI) ont repoussé vendredi 17 octobre d'un an leur décision sur l'adoption d'un plan mondial destiné à réduire les émissions de gaz à effet de serre des navires, une victoire pour les États-Unis, catégoriquement opposés au projet.
Ce report, initialement proposé par l'Arabie saoudite, fait suite à une semaine chaotique de tractations à Londres pendant lesquelles Washington a cherché à tout prix à faire capoter le texte, allant jusqu'à menacer de sanctions les pays favorables.
L'adoption de ce plan ambitieux, dont le principe avait pourtant été approuvé en avril, permettrait au secteur, extrêmement polluant, de prendre un virage climatique historique en contraignant les navires à réduire progressivement leurs émissions dès 2028, jusqu'à décarbonation totale vers 2050.
"Je n'ai pas grand-chose à vous dire pour l'instant. Ça n'arrive pas souvent", a réagi, visiblement abattu, Arsenio Dominguez, le secrétaire général de l'OMI, une organisation dont les 176 membres prennent traditionnellement leurs décisions par consensus.
Ce report d'un an est "regrettable" et l'UE est prête "à reprendre les discussions sur l'accord sous l'égide de l'Organisation maritime internationale (OMI) lorsque cela sera opportun", a réagi une porte-parole de la Commission européenne.
Tarification du CO2
"Grâce à son leadership, les États-Unis ont empêché une augmentation massive des taxes imposées par l'ONU aux consommateurs américains, qui aurait servi à financer des projets climatiques progressistes", a félicité le chef de la diplomatie américaine Marco Rubio.
Donald Trump, attaché aux énergies fossiles et qui a enclenché une marche arrière sur le climat depuis son retour au pouvoir, avait appelé jeudi sur son réseau Truth Social à voter contre ce plan.
"Les États-Unis ne toléreront PAS cette arnaque verte mondiale sous forme de taxe sur le transport maritime et ne s'y conformeront d'aucune manière", avait-il affirmé.
"Nous ne tolérerons pas d'augmentation des prix pour les consommateurs américains NI la création d'une bureaucratie verte pour dépenser VOTRE argent dans leurs rêves écologiques", avait poursuivi le président américain, qui a dans le passé qualifié le changement climatique de "plus grande arnaque" de l'Histoire.
Les États-Unis menaçaient les délégations favorables au projet des restrictions de visas pour les membres de leurs équipages, des pénalités commerciales ou des frais portuaires supplémentaires.
Le système envisagé "n'est pas parfait", avait reconnu Arsenio Dominguez à l'ouverture du sommet mardi. Mais "il fournit une base équilibrée."
Le plan litigieux vise à faire payer aux bateaux une sorte de taxe sur leurs émissions au-delà d'un certain seuil, en vue d'alimenter un fonds récompensant les navires à faibles rejets et soutenant les pays vulnérables au changement climatique.
Cette tarification du CO2 doit les inciter à utiliser des carburants moins émetteurs de gaz à effet de serre.
"Méthodes" américaines
Les pays de l'Union européenne, le Brésil et la Chine avaient réitéré cette semaine leur soutien à l'adoption de ce "cadre net-zéro" (appelé aussi NZF).
Les États insulaires du Pacifique, qui s'étaient abstenus en avril, jugeant la mesure insuffisante, ont finalement indiqué qu'ils y étaient favorables. Mais aux côtés des États-Unis, l'Arabie saoudite, la Russie et les pays producteurs de pétrole ont fait front contre ce projet.
Le représentant brésilien a dénoncé vendredi en plénière les "méthodes" américaines, disant espérer "que cela ne remplacera pas la manière habituelle de prendre des décisions au niveau mondial".
Certains pays comme les Philippines, pays qui fournit le premier contingent mondial de travailleurs du secteur, où les îles des Caraïbes, dépendantes économiquement des croisières américaines, étaient particulièrement concernés par ces menaces.
Les principales associations et organisations maritimes se sont pour leur part déclarées favorables à l'adoption du NZF, dans un souci de lisibilité réglementaire.
Avec AFP