Attendu ce mardi à Londres, le président pakistanais a estimé, dans un entretien accordé au journal "Le Monde", que la communauté internationale, dans laquelle il inclut son pays, "est en train de perdre la guerre contre les Taliban".
AFP - Le président pakistanais Asif Ali Zardari a averti mardi que la coalition était "en train de perdre la guerre" en Afghanistan et rejeté les critiques du Premier ministre britannique David Cameron sur un double jeu de son pays avec les talibans.
"La communauté internationale, à laquelle appartient le Pakistan, est en train de perdre la guerre contre les talibans. Et ce, avant tout, parce que nous avons perdu la bataille de la conquête des coeurs et des esprits", a-t-il déclaré au quotidien Le Monde alors qu'il achève mardi une visite en France avant de se rendre à Londres.
Estimant cependant que "la communauté internationale n’acceptera jamais de voir les talibans diriger à nouveau le pays", le chef de l'Etat pakistanais juge que les talibans "n’ont aucune chance de reprendre le pouvoir" même si "leur emprise progresse".
Alors que des documents confidentiels de l'armée américaine, diffusés par le site internet Wikileaks, font état de liens entre le Pakistan et les talibans, M. Zardari juge "absurde" l'idée d'un double jeu de son pays.
"Le Pakistan et sa population sont victimes des terroristes. Nous ne faisons pas que défendre nos frontières, nous luttons contre la terreur et ceux qui la propagent", a-t-il affirmé.
Les zones tribales du Nord-Ouest, frontalières avec l'Afghanistan et bastion des talibans pakistanais, sont le sanctuaire d'Al-Qaïda et la base arrière des talibans afghans.
"Il n’y a pas de bons talibans avec qui on pourrait parler et d’autres, mauvais, qu’il faudrait combattre", ajoute-t-il, même s'il "respecte le choix" du président afghan Hamid Karzaï "d'engager son pays dans un processus de réconciliation avec les insurgés disposés à accepter le dialogue".
M. Zardari doit rencontrer M. Cameron vendredi à Chequers (sud-est) en dépit des appels de certaines personnalités au Pakistan pour qu'il annule sa visite en signe de protestation aux propos du chef de gouvernement britannique.
En visite la semaine dernière en Inde, voisin et rival du Pakistan, M. Cameron avait déclaré: "nous ne pouvons tolérer en aucun cas l'idée que ce pays (le Pakistan) soit autorisé à regarder des deux côtés et puisse, de quelque manière que ce soit, promouvoir l'exportation de la terreur en Inde ou en Afghanistan ou n'importe où ailleurs dans le monde".
"Je lui dirai en face que la guerre contre le terrorisme devrait nous réunir et non nous opposer. Je lui expliquerai (...) que c’est mon pays qui paye le prix le plus élevé de cette guerre en vies humaines", répond M. Zardari.
Pour sa deuxième journée en France, M. Zardari devait avoir un entretien mardi avec le ministre des Affaires étrangères, Bernard Kouchner.
Dans l'après-midi, il devait se rendre dans son chateau familial de Mesnil-Lieubray, en Normandie, où son père a l'habitude de séjourner l'été, avant de gagner Londres dans la soirée.
Le dirigeant n'a pas prévu de raccourcir son voyage au Royaume-Uni, prévu jusqu'à la fin de la semaine, alors que la colère monte contre son absence au Pakistan où jusqu'à 3,2 millions de personnes ont été touchées par les pires inondations depuis 80 ans.
Devenu chef de l'Etat par défaut en 2008 à la suite de l'assassinat de son épouse Benazir Bhutto, M. Zardari demeure un symbole de la corruption aux yeux des Pakistanais et des médias.
Il continue d'être surnommé "M. 10%" depuis que, ministre sous les gouvernements Bhutto dans les années 1990, il était accusé d'encaisser des commissions occultes sur les marchés publics.
Son poids politique est cependant limité, l'essentiel des pouvoirs exécutifs étant détenu par le Premier ministre, Yousuf Raza Gilani, et les militaires gardent une grande influence.