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"La situation pourrait encore se détériorer avec l'arrivée des cyclones"

Six mois après le séisme dévastateur qui a détruit l'île, près de 1,5 million d'Haïtiens vivent toujours dans des camps. Pour Hélène Robin, d'Handicap international, les distributions d'urgence sont terminées mais les besoins restent immenses.

Le séisme qui a frappé Haïti le 12 janvier dernier a fait près de 230 000 morts et plus de 300 000 blessés et déclenché une vaste mobilisation humanitaire. Depuis, l'ONG française Handicap International (HI) intervient dans plusieurs régions du pays, notamment dans le domaine de la santé : 10 000 personnes ont bénéficié de soins, du matériel orthopédique a été distribué, des mutilés ont été équipés d'une prothèse... L'organisation gère également une plateforme d'acheminement de l'aide humanitaire et a mis en place des programmes psycho-sociaux et d'appui aux communautés. Une équipe de 500 personnes, dont 80 expatriés, est présente sur place.

Hélène Robin, responsable des programmes d'urgence d'HI, juge le bilan de l'ONG globalement satisfaisant, même si les besoins, à tous les niveaux, restent immenses.

France24.com : Quel est le quotidien des Haïtiens ?

Hélène Robin : Celui que vous pouvez imaginer quand vous vivez dans une tente et qu'il pleut toute la journée... Pourtant, c'est la capacité des Haïtiens à garder un état d'esprit positif et à aller de l'avant malgré les difficultés qui ressort de tous les témoignages de ceux qui sont sur le terrain. Nous avons été surpris par leur capacité à "bien" réagir à la catastrophe. Nous ne ressentons pas de sentiment d'agressivité par rapport à nos équipes, parce que la reconstruction serait trop lente par exemple. Reste que la situation pourrait encore se détériorer avec le début de la saison des cyclones. Port-au-Prince devrait être relativement épargnée mais, dans le nord du pays, ces cyclones risquent de créer de nouveaux besoins.

Quelles sont aujourd'hui vos priorités ?

H. R. : Au cours des 12 ou 15 prochains mois, le défi est de poursuivre les actions que nous avons entreprises. La phase d'urgence liée au séisme est pour nous terminée - nous pourrions néanmois relancer des distributions d'urgence en raison des cyclones. Nous devons assurer le suivi de nos patients, car s'ils ne soignent pas correctement leurs blessures ou ne font pas de rééducation, ce qu'on a fait jusqu'à présent ne servira quasiment à rien. Nous allons poser des prothèses définitives à ceux qui n'ont pour l'instant que des prothèses temporaires, et ils vont devoir apprendre à vivre avec. Nous investissons aussi beaucoup dans un projet de construction d'abris para-sismiques, anti-cycloniques et dignes. J'insiste sur ce dernier point : nous ne voulons pas simplement assembler cinq bouts de tôles ! Ces abris sont construits dans des matériaux qui font partie de la culture haïtienne, comme le bois, et qui sont adaptés à l'environnement. Ils sont temporaires mais pourront durer plus de cinq ans.

À plus long terme, nous voulons renforcer les capacités de nos partenaires et mettre en place des formations. S'il y a autant d'expatriés qui travaillent pour HI à Haïti, c'est en partie parce qu'il manque de compétences techniques locales. Il n'y a pas de kinésithérapeutes, pas d'orthoprotésistes... Il faut former des personnes qui pourront assurer la rééducation et l'appareillage des patients. Cela peut prendre trois, voire cinq ans.

Quelles difficultés rencontrez-vous pour mettre en œuvre vos programmes ?

H. R. : À Port-au-Prince, les enjeux politiques sont très importants. Il y a beaucoup de travail à faire en amont, afin de définir comment l'on souhaite reconstruire la ville et le pays. Il y a également des problèmes de propriété. Peu d'organisations internationales devraient être sollicitées pour intervenir là-bas ; les autorités vont certainement faire appel à des entreprises, d'autant plus que l'ampleur des travaux sera gigantesque. Nous intervenons à Port-au-Prince dans les domaines de la santé et de la distribution d'abris pour des populations cibles très vulnérables mais, pour le reste, nous avons choisi d'intervenir dans des zones rurales reculées, où nous avons pu commencer à agir rapidement.

La coordination entre les différentes organisations fonctionne-t-elle ?

H. R. : Les systèmes de coordination qui sont en place ont le mérite d'exister, mais il y a beaucoup trop d'organisations pour que cette coordination soit fluide. Dans les trois premiers mois après le séisme, on parlait de 800 organisations sur place ! Même si ce chiffre a sûrement drastiquement chuté, il y a encore plusieurs centaines de structures.

La répartition géographique a été relativement bien faite pour qu'aucune zone ne soit oubliée. Mais, dans la pratique, les organisations responsables d'un secteur ne peuvent agir qu'en fonction de leurs moyens.... À Handicap international par exemple, nous avons récolté près de 14 millions d'euros grâce aux dons privés et aux bailleurs qui nous font confiance, mais nous n'avons clairement pas assez d'argent pour faire tout ce que l'on pourrait. Le challenge est de tenir sur la durée.