Le cinéaste franco-polonais est libre et a quitté son châlet de Gstaad. Après dix mois de procédure, les autorités suisses ont finalement décidé de ne pas l'extrader vers les États-Unis. "Bravo la Suisse !", s'est exclamé Jack Lang.
La Suisse fait volte-face dans le dossier Polanski. Depuis ce lundi, le cinéaste franco-polonais est libre. Son bracelet électronique lui a été retiré et il ne sera pas extradé vers les États-Unis. En milieu d’après-midi, Roman Polanski a quitté son chalet de Gstaad, où il était assigné à résidence.
La ministre suisse de la Justice, Eveline Widmer-Schlumpf, a précisé que "les États-Unis ne peuvent pas faire appel de la décision de la Suisse" de rejeter leur demande d'extradition concernant le cinéaste. Roman Polanski avait été arrêté le 26 septembre dernier pour avoir eu des relations sexuelles avec une mineure en 1977. Contacté par l’AFP, le ministère américain de la Justice ne souhaite pas commenter cette décision.
Le document qui aurait permis à la Suisse de collaborer
Pour appuyer leur décision, les autorités helvètes ont mentionné le refus des autorités américaines de leur transmettre le procès-verbal d'une audition du magistrat Roger Gunson, en mai dernier.
"Ce document devait permettre de confirmer que le juge avait bien assuré aux représentants des parties, lors d'une séance le 19 septembre 1977, que les 42 jours que Roman Polanski avait passés dans la division psychiatrique d'une prison californienne couvraient la totalité de la peine d'emprisonnement qu'il devait exécuter", précise le ministère suisse.
"Si ces faits sont avérés et que Roman Polanski a dès lors effectivement exécuté l'intégralité de sa peine, la demande d'extradition des autorités américaines et, a fortiori, la procédure d'extradition sont dénuées de fondement", font observer les autorités helvétiques.
Le juge de la Cour supérieure de Los Angeles en charge de l’affaire avait décidé de ne rendre public le témoignage du juge Gunson qu’à deux conditions : que Polanski soit extradé vers les États-Unis, et que Gunson, désormais à la retraite, ne puisse témoigner en personne.
Autre argument avancé par les autorités suisses : le "climat de confiance" qui s'est établi entre le pays et Roman Polanski depuis que celui-ci a "acheté son chalet à Gstaad en 2006". "Roman Polanski ne se serait certainement pas rendu au Festival du film de Zurich en septembre 2009 s'il n'avait pas eu confiance dans le fait que ce voyage n'aurait pas de conséquences juridiques", relève le ministère de la Justice.
"Le malentendu avec les autorités américaines sera plus facile à régler"
À l’annonce de la libération de Roman Polanski, les réactions de soulagement et de satisfaction ont fusé. Sur l’antenne de France 24, l’un des avocats français du cinéaste, Me Hervé Temime a affirmé qu'"il est proprement insensé que la demande d’extradition ait été faite. Roman Polanski estime à juste titre qu’il a déjà effectué sa peine". Me George Kiejman, un autre de ses défenseurs, se dit, lui, "très heureux et très ému". "Je pense que le malentendu qui persiste avec les autorités américaines sera plus facile à régler, et j'espère qu'il pourra un jour retourner aux États-Unis", a-t-il ajouté.
Les personnalités artistiques et politiques qui avaient défendu le cinéaste ont également exprimé leur soulagement. L'écrivain Bernard-Henri Lévy, qui avait été le premier à lancer une pétition de soutien à Roman Polanski, se dit "fou de bonheur". Le ministre de la Culture, Frédéric Mitterrand, a quant à lui accueilli la nouvelle "avec satisfaction".
"Merci la Suisse, bravo la Suisse !", s’est exclamé l’ancien ministre de la Culture, Jack Lang, qui se réjouit "que l'équité et le bon sens l'aient emporté". Le directeur délégué du Festival de Cannes, Thierry Frémeaux, se félicite que "cette procédure judiciaire dans laquelle il n'y aura ni vainqueur ni perdant semble s'éteindre. (…) Souhaitons qu’il puisse rapidement se consacrer à nouveau tout entier à son travail de cinéaste", a encore lancé celui-ci à l'intention du lauréat de la Palme d’Or en 2002 pour "Le Pianiste".