, envoyé spécial à Johannesburg – Depuis la fin de l'apartheid, en 1994, la fuite des cerveaux a sapé le développement économique de l'Afrique du Sud. Aujourd'hui, grâce au succès de la Coupe du monde, nombres d'expatriés sont tentés de revenir au pays.
Revenir ou pas ? Telle est la question que se posent des millions de Sud-Africains expatriés aux quatre coins du monde. La plupart sont qualifiés, souvent Blancs. Certains ont fui leur pays à la fin de l'apartheid, d'autres après leurs études, pour échapper à l’insécurité ou simplement pour trouver de meilleures conditions salariales à l'étranger. "Ce départ sans retour a laissé des traces chez la majorité d'entre eux. Souvent, ils sont devenus les premiers à critiquer l'Afrique du Sud pour justifier leur départ", explique Martine Schaffer, directrice de l’ONG Homecoming Revolution, qui incite les expatriés à rentrer chez eux.
Depuis, le Mondial de football est passé par là et la vision que les Sud-Africains vivant à l'étranger ont de leur pays d'origine a changé. "Parmi les 680 000 visiteurs qui sont venus dans le pays pour la Coupe du monde, une grande partie était des Sud-Africains. Pour certains, ils s'agissaient de leur premier retour. Si beaucoup étaient sceptiques sur la capacité du pays à organiser un tel événement, tous ont été extrêmement surpris."
Une Afrique du Sud en manque de cerveaux
Simon Newton-Smith, qui a émigré au Royaume-Uni après avoir vécu aux États-Unis, se dit, aujourd’hui, fier d’être Sud-Africain. "Ce que l’Afrique du Sud a réalisé pendant cette Coupe du monde doit nous rassembler et nous rendre dignes. Les Sud-Africains sont généralement pessimistes, mais cet événement a matérialisé nos progrès." Pourrait-il un jour revenir au pays ? "J’y pense sérieusement", dit-il.
Une réponse que l'on voudrait entendre plus souvent à Pretoria. L’Afrique du Sud, qui a redoré son blason avec le Mondial, doit toutefois faire face à plusieurs problèmes de société majeurs. L’éducation, comme la couverture médicale, est réservée aux plus aisés. Le chômage rampant, qui a atteint 25,2 % de la population active - soit 4,3 millions de personnes - en juin, plombe l’activité économique. Faire revenir des médecins, des professeurs, des chercheurs et des avocats a pourtant été une priorité sous la présidence de Thabo Mbeki. Elle le reste, aujourd’hui, sous celle de Jacob Zuma.
La crise européenne, une autre raison de rentrer
Si le nombre exact d’expatriés n’est plus tenu à jour par les autorités depuis le début des années 2000, on compte environ 2 millions de Sud-Africains vivant à l’étranger. Ils ont plus souvent pris la direction des pays du Commonwealth, comme l'Australie, le Canada ou le Royaume-Uni.
En octobre prochain, l’association de Martine Schaffer organisera un colloque à Londres, où résident entre 200 000 et 250 000 Sud-Africains. Si elle mise sur la réussite du Mondial, son association compte aussi sur la crise économique et la politique de rigueur du Premier ministre britannique David Cameron pour convaincre les indécis à prendre le chemin du retour. "La récession et le chômage qui sévissent en Europe sont une opportunité pour nous de les voir revenir, c’est certain", confirme-t-elle. Même si l’insécurité, l’inflation et les salaires relativement bas qu’offre toujours l’Afrique du Sud pourraient encore en dissuader un certain nombre de franchir le cap...