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André Bettencourt, un puissant donateur au passé trouble

L'ombre sulfureuse d’André Bettencourt, le défunt mari de Liliane, refait surface après les révélations de la comptable du couple Bettencourt. Surnommé "Dédé", l'époux de l'héritière de L'Oréal, a toujours été proche de personnalités puissantes.

"Dédé arrosait large". Cette déclaration faite par Claire T., l’ex-comptable des Bettencourt à Mediapart, ce lundi, remet au centre de l’affaire un mort encombrant : André Bettencourt. Décédé le 19 novembre 2007, le mari de Liliane était, entre autres, connu pour son passé sulfureux et ses nombreuses relations dans le monde politique.

D’après Claire T., l’ancien actionnaire principal de L’Oréal aurait donné à Eric Woerth 150 000 euros pour soutenir le candidat Nicolas Sarkozy à la présidentielle de 2007. De quoi transformer définitivement l’affaire Woerth-Bettencourt en scandale à même d’ébranler la "Sarkozie".

Ce ne serait en tout cas pas la première fois qu’André Bettencourt -toujours d’après l’ex-comptable du couple- se serait adonné à l’arrosage financier de politiques. "C’était un vrai défilé d’hommes politiques à la maison, ils venaient surtout au moment des élections", raconte Claire T.. Bon nombre d'entre eux appartenaient au Parti républicain, un mouvement de droite qui a largement soutenu Valéry Giscard d'Estaing.

La Cagoule

André Bettencourt a toujours côtoyé les sphères politiques même aux heures les plus sombres de l'histoire française. Ce Normand, né en 1919, fait pour la première fois  parler de lui dans les années 30. Il fréquente alors La Cagoule, un groupuscule d’extrême-droite dont l’un des membres éminents est Eugène Schueller, le fondateur de L’Oréal et père de sa future épouse, Liliane.

C’est aussi à cette époque qu’il rencontre un certain François Mitterrand avec lequel il

restera ami toute sa vie. Son parcours professionnel et politique prend donc racine dans ces temps troubles. S’il n’a jamais regretté ses rencontres de l’époque, André Bettencourt aura beaucoup plus de mal à assumer certains de ses écrits d’alors. En effet, il collabore au brûlot antisémite La Terre Française dans lequel il décrit les juifs comme une "race souillée pour l’éternité par le sang du Christ qu’ils ont fait verser". Après la guerre, il qualifiera à plusieurs reprises ces lignes d’"erreur de jeunesse".

En revanche, André Bettencourt a toujours fait valoir son entrée dans la Résistance en 1943, où il rejoint son ami, François Mitterrand, qu’il aide d’ailleurs à fuir à Londres. N’empêche : lui et ses amis de la "bande du 104", (foyer où de jeunes bourgeois de province séjournaient pendant leurs études) se démènent à la Libération pour éviter à Eugène Schueller la disgrâce qui lui pend au nez pour ses activités dans les milieux pro-nazis.

L'amitié n’a pas d’odeur pour "Dédé", et Eugène Schueller lui rendra amplement la monnaie de sa pièce. En 1950, il épouse Liliane et entre au conseil de direction du groupe L’Oréal qui se transforme lentement en empire économique.

Presque Premier ministre

André Bettencourt devient également un habitué des cabinets ministériels essentiellement de droite. Il participe aux gouvernements de Pierre Mendès-France, de Pompidou, de Chaban-Delmas ou encore de Pierre Mesmer. Une assiduité politique qui a bien failli culminer en 1986 lorsque François Mitterrand envisage de nommer son ami de jeunesse au poste de Premier ministre. Mais l’affaire ne s’est finalement pas faite. Le président socialiste craignait-il que le passé de "Dédé" ressurgisse et ternisse les deux dernières années de son mandat ?