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Les relations entre Israël et la Turquie connaissent leur crise la plus grave avec le raid israélien perpétré ce matin contre une flottille humanitaire internationale, au large de Gaza. Pour rappel, cette dernière était emmenée par une ONG turque.

Le Premier ministre turc Recep Tayyip Erdogan a demandé une réunion exceptionnelle du Conseil de sécurité de l’ONU, accusant Israël d’un acte de "terrorisme d’État inhumain". Selon Jean Marcou, chercheur à l'Institut français d'études anatoliennes d'Istanbul, où il dirige l'Observatoire de la vie politique turque (Ovipot), cette crise pourrait durablement affecter les relations entre les deux anciens alliés.

France 24 : Quelles sont les conséquences de cette crise pour les relations futures entre Israël et la Turquie ?

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Assaut de Tsahal contre la flottille d'aide pour Gaza
"Cette crise marque un tournant dans les relations turco-israéliennes"

Jean Marcou : Cette crise marque indiscutablement un tournant dans les relations bilatérales, mais c’est un tournant qui était déjà largement amorcé depuis l’incident de Davos [une violente dispute entre le président israélien Shimon Peres et le Premier ministre turc Recep Tayyip Erdogan au terme de laquelle ce dernier avait quitté la réunion]. Leurs relations vont sans doute continuer de se détériorer.

L’accord militaire signé entre les deux pays en 1996 n’a pas été abandonné, mais son application est nettement plus limitée. Même si les achats d’équipements militaires continuent, les manœuvres communes sont de plus en plus remises en cause – il n’y en a pas eu depuis deux ans. On a désormais l’impression qu’on achève un accord passé, que ce traité militaire n’a pas réellement vocation à se perpétuer.

Est-ce la fin du rôle de médiateur de la Turquie au Moyen-Orient ?

JM : Ce rôle de médiateur avait déjà été largement remis en cause par l’arrivée d’un gouvernement israélien très marqué à droite et l’intervention à Gaza. En pratique, la médiation turque entre Israël et la Syrie est au point mort depuis la fin de 2008. Mais la détérioration des relations avec Israël ne signifie pas la fin des ambitions médiatrices de la Turquie.

Au contraire, Ankara continue de vouloir jouer un rôle de médiateur régional sur les grands enjeux internationaux, au-delà du conflit israélo-arabe. C’est ce qu’on a vu récemment avec l’accord d’échange de combustible nucléaire signé avec le Brésil et l’Iran.

La détérioration des relations turco-israéliennes est-elle imputable au fait que la Turquie est gouvernée par l’AKP, un parti islamiste modéré ? Ces tensions survivront-elles à un éventuel changement de gouvernement en Turquie ?

JM : Il y a évidemment un enjeu de politique domestique sur cette question, car le Premier ministre turc et l’AKP s’efforcent d’apparaitre, aux yeux des concitoyens, comme le défenseur des musulmans dans le monde. Mais il s’agit avant tout de quelque chose de plus profond, d’un véritable rééquilibrage stratégique de la position de la Turquie au Moyen-Orient.

Ces aspects de politique étrangère dépassent le clivage entre l’AKP et le principal parti d’opposition, le CHP. Les positions de ce dernier ne sont pas nécessairement plus pro-occidentales. En fait, elles sont même plus rigides en ce qui concerne les relations avec les Etats-Unis.

Il y a d’ailleurs un certain consensus parmi les forces politiques turques sur l’initiative d’aide à Gaza. Plusieurs députés de l'opposition se sont d'ailleurs récemment montrés avec un keffieh.

Compte tenu de la violence de certains propos publiés sur le site après l'attaque de la flottille d'aide internationale qui se rendait à Gaza, France 24 a décidé de provisoirement désactiver la fonction "commentaires" sur les pages traitant de ce sujet.