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Le juge espagnol Baltasar Garzon a été suspendu de ses fonctions afin de pouvoir être jugé. Le magistrat est accusé d'abus de pouvoir par des organisations d'extrême-droite pour avoir voulu enquêter sur les crimes amnistiés du franquisme.

AFP - Le célèbre juge espagnol Baltasar Garzon a été suspendu vendredi de ses fonctions avant d'être jugé pour avoir voulu enquêter sur les crimes amnistiés du franquisme, provoquant la colère des victimes de la dictature qui ont dénoncé "un jour très triste pour l'Espagne".

Le Conseil général du pouvoir judiciaire (CGPJ) a décidé à l'unanimité de suspendre le juge Garzon de ses fonctions le temps qu'il soit jugé, a-t-on indiqué de source judiciaire.

Cette mesure est la suite logique prévue par la loi espagnole de la décision prise mercredi par un juge du Tribunal suprême d'ordonner l'ouverture du procès pour "forfaiture" (abus de pouvoir, ndlr) de Baltasar Garzon, dont la date n'a pas encore été fixée.

M. Garzon est poursuivi par des organisations d'extrême droite pour avoir voulu, en 2008, enquêter pour la première fois sur les disparus de la Guerre civile (1936-1939) et de la dictature franquiste (1939-1975), en enfreignant "sciemment" selon eux la loi d'amnistie générale de 1977.

Le juge de 54 ans encourt une peine de 20 ans d'interdiction d'exercice de sa fonction de juge, qui mettrait un point final à sa carrière.

"Le scénario a été respecté, c'est un jour très triste pour l'Espagne", a réagi avec amertume Santiago Macias, vice-président de l'Association pour la mémoire historique, qui regroupe des familles de victimes républicaines de la guerre civile espagnole et de la dictature de Franco.

"Aujourd'hui, quelqu'un devrait sortir et dire: +Espagnols, la justice est morte+", a-t-il ajouté, en référence au célèbre "Espagnols, Franco est mort" prononcé en 1975 par le présentateur en larmes de la télévision espagnole.

"Ce juge a été le premier à se préoccuper des victimes du franquisme. Que cela se termine ainsi, c'est lamentable", a ajouté le responsable de cette association à l'origine de l'enquêtre controversée du juge Garzon.

Quelques minutes après l'annonce de sa suspension, le juge Garzon est sorti, souriant, des locaux du tribunal de l'Audience nationale où il a salué des partisans qui criaient "Garzon, ami! Le peuple est avec toi!".

Depuis son cabinet d'instruction, ce juge vedette, pionnier de la "justice universelle", a acculé pendant 22 ans l'ETA, traqué l'ancien dictateur chilien Augusto Pinochet, le crime organisé et la corruption, se faisant au passage de nombreux ennemis à droite comme à gauche et au sein de la magistrature.

Le juge Garzon a reçu le soutien de nombreux juristes dans le monde qui estiment que les crimes contre l'humanité sont imprescriptibles et que la loi d'amnistie espagnole n'est pas conforme au droit international.

Le juge Garzon, sympathisant socialiste, a tenté jusqu'au bout d'échapper à son humiliante suspension.

Mardi, il avait demandé sa mise en disponibilité pour travailler durant sept mois comme consultant auprès du procureur de la Cour pénale internationale (CPI) de La Haye.

Mais le secteur conservateur de l'organe de tutelle des juges a déjoué cette manoeuvre, en obtenant la convocation d'une réunion extraordinaire vendredi matin pour statuer sur sa suspension avant d'avoir à se prononcer sur sa demande de mise en disponibilité.

La commission permanente du CGPJ devait se réunir dans l'après-midi pour examiner la demande de mise en disponibilité du juge Garzon.

Dans une ultime tentative pour échapper à sa suspension, le juge Garzon a demandé vendredi matin l'annulation de l'ordonnance du juge du Tribunal suprême ayant ordonné son renvoi pour jugement, alléguant d'irrégularités de procédure.

Jeudi soir, il avait confié à l'issue d'un colloque qu'il assumerait la décision de ses pairs, "avec la tranquillité que confère le fait de savoir qu'on est innocent de ce dont on vous accuse".