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Simone Veil intronisée sous la coupole de l'Académie française

L'ancienne ministre de la Santé s'est dit "émerveillée" par son entrée à l'Académie française lors de son intronisation, ce jeudi. Revêtue de l'habit vert des "immortels", elle a rendu hommage à Pierre Mesmer, dont elle occupera le siège.

C'est devant un parterre attentif, au sein duquel se trouvaient l'actuel chef de l'État, Nicolas Sarkozy, ainsi que deux anciens présidents, que Simone Veil a été intronisée membre de l'Académie française, ce jeudi. Ancienne femme politique, présidente du Parlement européen et membre du Conseil constitutionnel, restée célèbre pour avoir défendu la loi de 1975 légalisant l'avortement, féministe et européenne convaincue, Simone Veil est la sixième femme à faire partie de cette institution. 

Elle s'est exprimée pendant près d'une heure, avec émotion, en début d'après-midi. Figurant toujours parmi les personnalités préférées des Français, elle s'est dit "fière" et "perplexe". "N'ayant aucune prétention littéraire, et tout en considérant que la langue française est un pilier majeur de notre identité, je demeure surprise et émerveillée que vous m'ayez conviée à partager votre combat", a-t-elle affirmée.

Rescapée de la Shoah, Simone Veil a évoqué le souvenir de sa mère, avec laquelle elle a été déportée. Celle-ci est morte du typhus à Bergen-Belsen en 1945, un mois avant la libération du camp. Simone Veil a également parlé de son père, un architecte d'origine juive, déporté avec son frère en Lituanie. "Il serait ébloui, plus encore que je ne le suis, que sa fille vienne occuper le fauteuil de Racine", a-t-elle déclaré, évoquant le souvenir des repas familiaux au cours desquels elle vérifiait l'orthographe ou le sens de certains mots dans le dictionnaire.

À 82 ans, Simone Veil va occuper le 13e siège de l'Académie, prenant la place de l'ancien Premier ministre Pierre Mesmer. Elle lui a rendu dans son discours un vibrant hommage, évoquant son "étrange destin". "Elle a insisté sur le fait qu'il était un résistant de 'l'avant' première heure", explique Roselyne Febvre, spécialiste de la politique française à FRANCE 24.

Simone Veil a été élue membre de l'Académie il y a plusieurs mois, avec 22 voix sur 29. "C'est un très bon score", précise André James, envoyé spécial de FRANCE 24 quai Conti.

"Icône"

Pour cette cérémonie, Simone Veil avait revêtu le traditionnel habit vert des académiciens conçu par Chanel et créé par Karl Lagerfeld. Elle portait également son épée, sur laquelle sont gravées les devises de la France - "Liberté, Égalité, Fraternité"-, de l'Europe -"Unie dans la diversité"-, ainsi que le matricule 78651, qui avait été tatoué sur son bras dans le camp d'extermination d'Auschwitz-Birkenau.

L'écrivain Jean d'Ormesson, lui-même membre de l'Académie, a ensuite pris la parole pour accueillir la nouvelle "immortelle". "Une large majorité voue une sorte de culte à l'icône que vous êtes devenue", a-t-il lancé dans son discours. Il a salué une femme courageuse, loyale, indépendante et féministe, symbole à la fois de la tradition et de la modernité.

"Beaucoup, en France et au-delà, voudraient vous avoir, selon leur âge, pour confidente, amie, pour mère, peut-être pour femme de leur vie. Je baisse la voix, on pourrait nous entendre : comme l'immense majorité des Français, nous vous aimons, Madame. Soyez la bienvenue au fauteuil de Racine qui parlait si bien de l'amour", a conclu Jean d'Ormesson.

Trois présidents sous la coupole

Dans l'assemblée se trouvaient deux anciens présidents, Jacques Chirac et Valéry Giscard d'Estaing, qui est lui aussi académicien. C'est d'ailleurs comme ministre de la Santé du gouvernement Chirac, après l'élection de Valéry Giscard d'Estaing à la présidence, que Simone Veil a débuté sa carrière politique, en 1974.

Nicolas Sarkozy était lui aussi présent. Il avait pourtant envoyé une lettre à Simone Veil dans laquelle il expliquait qu'il ne pourrait assister à son intronisation. "Selon 'Le Figaro', le président aurait pris ombrage des déclarations de Simone Veil concernant les récentes nominations au Conseil constitutionnel, dont elle a été membre pendant 9 ans. Elle a déploré qu'une seule femme y siège aujourd'hui", précise André James. L'Élysée avait fait savoir ce matin que Nicolas Sarkozy avait changé d'avis et assisterait à la cérémonie.

Son mari Antoine Veil, plusieurs de ses petits-enfants ainsi que le maire de Paris, Bertrand Delanoë, le Premier ministre, François Fillon, et le ministre de la Culture, Frédéric Mitterrand, étaient aussi présents sous la coupole.

"Être sous la coupole, pour l'opinion publique, c'est la consécration suprême, a conclu Roselyne Febvre. On y trouve d'anciens hommes politiques, des poètes, des médecins..."