
France Télévisions comprend les chaînes France 2, France 3 et ses 24 antennes régionales, France 4, France 5, franceinfo et le réseau Outre-mer La Première. © Lionel Bonaventure, AFP
Cible des médias Bolloré et du RN, France Télévisions fait face à un nouveau front : mardi 23 septembre, la Cour des comptes a jugé le groupe public "dos au mur", en raison d'une "situation financière critique" imposant "sans délai des réformes structurelles".
France Télé "se trouve dans une situation à nos yeux qui n'est plus soutenable", "qu'une entreprise normale ne pourrait tolérer", a averti en conférence de presse le président de la Cour, Pierre Moscovici.
Si rien n'est fait, il existe un risque hypothétique de "dissolution" du groupe public présidé par Delphine Ernotte Cunci.
Pour la première fois, elle a fait adopter un budget en déficit pour 2025, de 40 millions d'euros.
Les "charges de personnel et de fonctionnement" ainsi que les "investissements nécessaires notamment dans le numérique" rendent "inéluctables" des changements, presse la Cour dans un rapport, dix ans après un précédent contrôle.
Alors que les contenus télévisés se consomment de plus en plus en ligne et en différé, un investissement supplémentaire de 95 millions d'euros dans le numérique est demandé, face à la concurrence des plateformes de type Netflix et YouTube.
"Nous nous tournons clairement vers la tutelle", c'est-à-dire l'État, a lancé Pierre Moscovici.
"Nous voulons une entreprise publique plus forte" et "non pas affaiblie", a-t-il aussi plaidé, considérant France Télévisions "indispensable au débat démocratique", menacé par les "fake news" et les réseaux sociaux.
La Cour demande que l'État fixe à l'entreprise "une trajectoire financière réaliste", après des "orientations contradictoires" en 2023 et 2024.
L'institution préconise également une renégociation "dans les meilleurs délais" de l'accord social s'appliquant à l'entreprise, pour davantage de polyvalence - ce qui est prévu.
France Télévisions comprend les chaînes France 2, France 3 et ses 24 antennes régionales, France 4, France 5, franceinfo et le réseau Outre-mer La Première. La Cour des comptes se félicite de la "place de premier plan" de France Télé dans les audiences, y compris en streaming.
Elle suggère d'accroître les synergies entre France 3 et le réseau Ici des ex-radios France Bleu, sans attendre que se concrétise le projet de rapprochement des entreprises de l'audiovisuel public sous une holding commune, porté par la ministre de la Culture sortante Rachida Dati.
"Situation critique après 10 années d'efforts"
Dans un courrier à la Cour, Delphine Ernotte Cunci indique en retour que "France Télévisions souscrit à l'ensemble des recommandations formulées" et "travaille déjà à leur mise en œuvre".
Le constat d'une "situation financière critique", "après 10 années d'efforts", "rejoint les alertes formulées à de multiples reprises" à l'adresse de l'État, abonde le groupe dans un communiqué.
La dotation publique annuelle qu'il reçoit s'élève à 2,5 milliards d'euros. France Télé compte quelque 9 000 salariés (équivalent temps plein), après des réductions d'effectifs.
La Cour des comptes retient quelques points de vigilance, comme "des frais de mission élevés" et "certains niveaux de salaires" pour des personnes cumulant avec d'autres emplois.
Plus globalement, France Télé se trouve dans une "impasse", malgré des réformes depuis une décennie ayant "permis de dégager des marges de manœuvre significatives", insistent les Sages de la rue Cambon.
Le contexte est très tendu pour France Télévisions et plus largement l'audiovisuel public, que le Rassemblement national veut privatiser.
"Alors que nos finances publiques connaissent une grave crise, il y a plus que jamais urgence", a réagi sur le réseau social X la cheffe des députés RN, Marine Le Pen. Elle retient du rapport une "gestion catastrophique" de France Télé et le "train de vie dispendieux" d'une entreprise "d'un autre temps".
La dirigeante RN avait réclamé samedi le départ de Delphine Ernotte Cunci, "une militante très marquée à gauche" selon elle.
La patronne de France Télé, en fonction depuis 2015 et renouvelée en mai pour un troisième mandat, avait qualifié, la semaine dernière, CNews de "chaîne d'extrême droite".
Les critiques du RN ont redoublé dans le sillage de l'affaire Legrand-Cohen, deux journalistes du service public accusés de connivence avec le Parti socialiste.
Les médias dans le giron du milliardaire conservateur Vincent Bolloré, dont CNews, accusent ceux de Radio France et France Télévisions de partialité en faveur de la gauche. Ceux-ci répliquent en faisant appel à l'Arcom et aux pouvoirs publics.
Avec AFP