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RéessayerCherchez les intrus. À première vue, deux officiers américains n’ont rien à faire en tant qu’observateurs des controversés exercices militaires conjoints russo-biélorusses Zapad 2025 en Biélorussie du 12 au 16 septembre. Surtout dans le contexte de la guerre d’agression menée par la Russie en Ukraine, censé être soutenu par une coalition de pays occidentaux dont les États-Unis.
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Accepter Gérer mes choixPourtant, Viktor Khrenin, ministre biélorusse de la Défense, a accueilli des émissaires militaires américains en "invités", leur promettant les "meilleures places pour tout voir" lors des exercices. Les autorités biélorusses se sont aussi empressées de poster, lundi, sur Telegram, une vidéo montrant le ministre serrer les mains des deux soldats – des deux lieutenants-colonels de l’armée de l’air américaine – qui le remercient en retour. En tout, sur une vingtaine de pays qui ont envoyé des observateurs en Biélorussie, trois sont membres de l’Otan : les États-Unis, la Turquie et la Hongrie.
"Situation schizophrène"
"C’est une image assez surprenante qui confirme que Donald Trump n’a absolument aucun problème de voir l’Amérique associé à des régimes autoritaires ou dictatoriaux comme la Biélorussie", remarque Natasha Lindstaedt, spécialiste des régimes autoritaires à l’université d’Essex.
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Cette poignée de main sur fond d’exercice militaire et de guerre en Ukraine renvoie à "la situation un peu schizophrène dans cette partie du monde. D’un côté, la Russie et la Biélorussie sont dans une logique d’escalade de la confrontation avec l’Occident, notamment avec l’envoi par la Russie de drones [en passant par la Biélorussie, NDLR] au-dessus de la Pologne. Et de l’autre, l’administration américaine qui a entamé un processus de rapprochement diplomatique avec la Biélorussie", résume Ryhor Nizhnikau, spécialiste des pays de la sphère de l’ex-Union soviétique à l'Institut finlandais des affaires internationales.
Car la venue des officiers américains n’est pas un geste de bonne volonté diplomatique isolé de la part de Washington envers l'allié le plus loyal de Moscou. L’envoyé spécial du président américain John Coale s’est rendu à Minsk, la semaine dernière, pour évoquer avec le dirigeant biélorusse l'amélioration les relations entre les deux pays.
À cette occasion, le président Alexandre Loukachenko a annoncé la libération de 52 prisonniers politiques sur plus de 1200, encore détenus dans les geôles biélorusses. "Pour un pays qui compte 9 millions d’habitants, c’est un chiffre extrêmement élevé de prisonniers politiques", souligne Ekaterina Pierson-Lyzhina, spécialiste de la Biélorussie à l’université libre de Bruxelles. La Russie, par exemple, compte environ 2 000 prisonniers politiques pour une population totale de plus de 143 millions d'habitants.
En échange, John Coale a suggéré la levée de certaines sanctions américaines, à commencer par celles pesant sur la compagnie aérienne biélorusse Belavia. Il a également évoqué une possible réouverture de l'ambassade américaine, et a remis à Alexandre Loukachenko une lettre personnelle de la part de Donald Trump. "Je n’avais pas vu le président biélorusse aussi content depuis longtemps", note Ryhor Nizhnikau.
Un autocrate content
Cette offensive de charme américaine arrive à point nommé. "Le dirigeant biélorusse a perdu un peu de son crédit en tant qu’allié au Kremlin ces derniers temps. En effet, avec la Corée du Nord qui envoie des troupes, la Chine qui soutient l’armée russe technologiquement, la Biélorussie – qui n’a pas fait grand-chose de concret depuis le début de la guerre – apparaît moins importante. Les démarches américaines remettent Alexandre Loukachenko au centre du jeu diplomatique", explique Ryhor Nizhnikau.
Être pris ainsi au sérieux par Washington, alors que jusqu’à présent il apparaissait comme aux ordres de Moscou, est "symboliquement important pour le président biélorusse. Tout ce qu’il attend, c’est d’être perçu comme légitime", assure Ekaterina Pierson-Lyzhina. À la fois aux yeux de la population biélorusse et du président russe.
Pourquoi faire un tel cadeau à un autocrate, connu pour réprimer férocement toute voix dissidente dans son pays et dont le territoire a été utilisé pour lancer l’invasion de l’Ukraine en 2022 ? "Je ne crois pas du tout à l’argument, avancé parfois, qui consisterait à attirer la Biélorussie davantage vers l’Occident pour priver Vladimir Poutine d’un allié", assure Ryhor Nizhnikau.
"Le pouvoir d’Alexandre Loukachenko dépend beaucoup du bon vouloir de Vladimir Poutine. La Biélorussie est complètement inféodée économiquement et militairement à la Russie, et essayer de prendre un peu de distance serait un suicide politique pour Loukachenko", affirme Natasha Lindstaedt.
"Tout ce qui se passe diplomatiquement entre Washington et Minsk, y compris la présence des observateurs militaires américains, a été validé par Moscou", assure Jeff Hawn, spécialiste de la Russie à la London School of Economics.
Opportunité pour Donald Trump et Vladimir Poutine ?
"L’envoi des officiers militaires américains s’inscrit dans les négociations entre Donald Trump et Vladimir Poutine au sujet de l’Ukraine", estime Ekaterina Pierson-Lyzhina. C’est une manière pour les Américains de tenter de faire avancer un dossier – la paix en Ukraine – qui fait du surplace pour le moment. En se montrant plus coopératif avec la Biélorussie, Washington espère qu’Alexandre Loukachenko jouera le rôle d’intermédiaire bienveillant pour Donald Trump auprès du maître du Kremlin, assurent les experts interrogés par France 24.
Donald Trump a peut-être aussi vu dans ce rapprochement diplomatique, un moyen de conclure des affaires. La levée des sanctions sur la compagnie aérienne Belavia lui permettra de réparer ou de rénover sa flotte, notamment grâce au géant américain Boeing. "C’est encore un exemple qui illustre pourquoi Donald Trump aime tant négocier avec des autocrates. Dans le cas des démocraties, il y a tout un processus à respecter. Alors qu’avec un dictateur, il peut lui dire : ‘Je vous donne ceci, et en échange vous m’offrez cela’", remarque Natasha Lindstaedt. Ensuite, "Donald Trump peut se vanter sur son réseau social d’avoir signer un nouveau super contrat censé rapporter beaucoup à l’économie américaine selon lui", ajoute Jeff Hawn.
Quitte à créer aussi, au passage, une opportunité économique pour la Russie. "Je ne serais pas étonné si c’était Vladimir Poutine qui avait suggéré à Donald Trump de lever une partie des sanctions sur la Biélorussie", note Natasha Lindstaedt.
L’opposition biélorusse a d’ailleurs prévenu que "lever des sanctions sans vrai réforme politique en Biélorussie risque de permettre à Minsk et à Moscou de contourner les restrictions sur le commerce avec la Russie", a assuré à l’agence AP Sviatlana Tsikhanouskaya, l’une des principales figures de l’opposition biélorusse en exil. "Une levée progressive des sanctions sur la Biélorussie risque de créer un corridor commercial par lequel certains pays pourront vendre des produits à la Biélorussie qui les revendra ensuite à la Russie", explique Jeff Hawn. "Combien de composants que Balavia achetera à Boeing vont ensuite se retrouver sur des avions russes ?", se demande-t-il.