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RéessayerLe locataire de la Maison Blanche n’a pas renoncé à son idée de faire de Gaza la "Riviera du Moyen-Orient", quitte à en déplacer tous ses habitants. Le Washington Post a révélé, dimanche 31 août, un document de 38 pages qui circule dans l’administration américaine et détaille un plan de reconstruction du territoire palestinien entièrement vidé de sa population.
Selon ce texte, environ un quart des plus de deux millions de Gazaouis accepteraient de quitter "volontairement" la bande de Gaza au moment de la reconstruction, et 75 % d’entre eux – soit 375 000 personnes – ne reviendraient jamais. Ceux qui partiraient recevraient 5 000 dollars en liquide et une subvention couvrant quatre ans de loyer et un an de nourriture. Les autres seraient déplacés dans des "zones sécurisées" à l’intérieur du territoire, le temps qu'il soit rebâti.
Les propriétaires terriens se verraient offrir des jetons numériques ("digital tokens", en anglais) échangeables contre un appartement dans l’une des nouvelles "villes intelligentes" promises par le projet, ou utilisables pour financer leur vie ailleurs. Le plan chiffre même le coût d’un départ : 23 000 dollars économisés par habitant, par rapport au maintien dans les zones sécurisées.
Dans ce scénario rêvé par le milliardaire, Gaza passerait sous la tutelle d’un organisme américain baptisé "GREAT Trust" (pour "Gaza Reconstitution, Economic Acceleration and Transformation Trust") pour une durée minimale de dix ans, avant un transfert du pouvoir à une entité palestinienne "déradicalisée". Israël conserverait des prérogatives sécuritaires, avec le soutien de sociétés militaires privées "occidentales" et de "ressortissants de pays tiers", avant une transition progressive vers une "police locale".
Bond dans la science-fiction
Si, selon une source proche du dossier, le plan a été finalisé en avril, il reste présenté comme "exploratoire" et non contraignant. "Les habitants de Gaza doivent pouvoir construire quelque chose de nouveau, comme l’a dit le président, et avoir une vie meilleure", explique cette même source au Washington Post.
On apprend également que le GREAT Trust a été développé par la Fondation humanitaire de Gaza (GHF), l'organisation privée soutenue par Israël et les États-Unis, et officiellement chargée de distribuer l’aide alimentaire mais qui fait l'objet de nombreuses critiques. Depuis mai, plus de 1 000 Palestiniens ont été tués lors de distributions selon l’ONU, la plupart abattus par des soldats israéliens déployés autour des sites gérés par la GHF. Et sa mission semble échouer : la famine est désormais, toujours selon l’ONU, bien installée à Gaza.
Contrastant avec cette réalité meurtrière, le document s’autorise un bond dans la science-fiction en imaginant une bande de Gaza transformée en vitrine high-tech. Truffé de schémas et d’images générées par intelligence artificielle (IA), il dépeint un territoire composé de six à huit villes intelligentes gérées par IA, des complexes hôteliers, un tramway, des centres de données, des usines de voitures électriques... et même des îles artificielles inspirées de Dubaï.
Un des "mégaprojets" financés par des investisseurs inclut la construction de l'autoroute "MBS", baptisée ainsi en l'honneur du prince héritier saoudien Mohammed ben Salmane, l'approbation de ce dernier étant perçue comme déterminante pour l'acceptation régionale du projet. Un port et un aéroport seraient également construits dans le sud de Gaza, reliés à l’Égypte, à Israël et à l’Arabie saoudite.
Le tout est présenté comme une opportunité pour investisseurs : 100 milliards de dollars de profits sur dix ans, sans que Washington ne débourse un centime. Pour les promoteurs du projet, Gaza pourrait devenir "un carrefour d’une nouvelle architecture abrahamique".

"Une idée folle"
Pour ses détracteurs, il s’agit d’un plan irréaliste, assimilable à du nettoyage ethnique. "C’est une idée folle", a confié un haut responsable arabe à NBC News, rapporte Richard Engel, correspondant de la chaîne américaine à Jérusalem.
Le professeur Adil Haque, expert en droit des conflits armés, rappelle auprès du Washington Post qu’empêcher les Palestiniens de rentrer chez eux ou leur refuser nourriture, logement ou soins médicaux suffisants reste "illégal", peu importe les compensations financières.
Depuis son retour à la Maison Blanche, Donald Trump revendique ouvertement ce projet. "Gaza est un endroit phénoménal, au bord de la mer, avec un climat idéal. Tout y est parfait. On peut en faire de belles choses", déclarait-il en janvier, faisant écho aux remarques faites en 2024 par son gendre Jared Kushner, qui avait qualifié la localisation de Gaza en bord de mer de "très précieuse".
Deux semaines plus tard, aux côtés de Benjamin Netanyahu, Donald Trump affirmait que les États-Unis "prendraient le contrôle de la bande de Gaza", promettant une "Riviera du Moyen-Orient" digne des investisseurs. Le Premier ministre israélien s’était alors rangé derrière ce projet, tout comme une partie de l’extrême droite israélienne.
Mise en garde contre tout "nettoyage ethnique"
Quelques jours plus tard, le milliardaire relayait sur son compte Truth Social une vidéo entièrement générée par IA illustrant son fantasme : après des images de l’enclave en ruines apparaissaient des gratte-ciel scintillants, des plages immaculées, des yachts luxueux, de l'argent tombant du ciel et une statue géante à son effigie. Sur son propre réseau social, la vidéo avait suscité des réactions indignées de ses partisans : "Je n’aime pas du tout. J’adore notre président mais cette vidéo est horrible", pouvait-on lire parmi les commentaires.
À l’instar de cette réaction, ce plan a soulevé une vague d'indignation à travers le monde. L'ONU a exprimé de vives préoccupations, alertant sur un projet qui pourrait s'apparenter à du "nettoyage ethnique". Cette initiative a également été largement condamnée par de nombreux gouvernements occidentaux et la quasi-totalité des pays arabes.
Au lendemain de la révélation du document confidentiel par le Washington Post, le Hamas a fermement rejeté le plan, dénonçant un projet de déplacement de la population. Sur les réseaux sociaux, Bassem Naïm, un membre du bureau politique, a déclaré que "Gaza n'est pas à vendre", affirmant que le territoire est "une partie intégrante de la grande patrie palestinienne".
Il a également souligné le "refus du Hamas et de notre peuple" de ce plan, repris par un autre responsable du mouvement, qui a déclaré anonymement que le Hamas "rejette tous ces plans qui déplacent notre peuple et maintiennent l'occupant sur nos terres".
De leur côté, les habitants de Gaza expriment des sentiments partagés, oscillant entre méfiance et désespoir. Certains, comme Waël Azzam, un déplacé à Khan Younès, se montrent ouvertement sceptiques. Auprès de l’AFP, ce soixantenaire questionne avec ironie : "Est-ce que Trump accepterait d'être déplacé de sa maison et de sa ville si la Russie devenait plus forte que l'Amérique ?"

Qassem Habib, qui vit sous une tente dans la ville de Gaza, renchérit en qualifiant le plan de "vent". Pour lui, la seule aide véritable serait une pression sur Benjamin Netanyahu pour qu'il "arrête la guerre et les tueries". À l’inverse, Ahmad al-Akkaoui, un autre habitant de la ville de Gaza, se dit prêt à tout accepter pour la paix. "Si la guerre s'arrête et que nous sommes transférés dans des pays européens pour vivre une vie normale, avec des garanties pour reconstruire Gaza, moi, je soutiens le plan de Trump", confie-t-il.