
Faisant fi des pressions internationales croissantes au sujet de la catastrophe humanitaire qui s'étend dans la bande de Gaza, l'extrême droite israélienne croit plus que jamais pouvoir recoloniser le territoire palestinien. Mardi 22 juillet, une réunion publique intitulée "La Riviera à Gaza : de la vision à la réalité" s’est tenue à la Knesset, à Jérusalem, en présence de quelques figures parmi les plus radicales de l’échiquier politique de l’État hébreu.
À commencer par le ministre des Finances, Bezalel Smotrich, lui-même colon en Cisjordanie et pilier de la coalition gouvernementale de Benjamin Netanyahu, qui œuvre en faveur d'une occupation à long terme de la bande de Gaza, actuellement peuplée de 2,1 millions de Palestiniens.
Les participants à cette réunion organisée par des partis sionistes religieux se sont penchés sur un "plan directeur" élaboré par Daniella Weiss. Cette activiste pro-colonies est la fondatrice de Nachala, un mouvement d’extrême droite qui prône notamment l’émigration "de force" des Gazaouis et la recolonisation de la bande de Gaza.
En 2005, Ariel Sharon, alors Premier ministre, avait ordonné l'évacuation des 21 colonies juives de ce territoire, où vivaient près de 8 000 colons, à la suite du retrait unilatéral israélien du territoire palestinien après 38 ans d'occupation.
"Nous occuperons Gaza et en ferons une partie intégrante de l'État d'Israël"
Ce "plan directeur" discuté prévoit notamment l’annexion du territoire, la construction de logements pour 1,2 million de juifs, ainsi que le développement de zones industrielles et agricoles et de complexes touristiques le long de la côte. Un projet qui résonne comme un écho aux sorties du président américain Donald Trump proposant une prise de contrôle de Gaza pour en faire la "Riviera" du Moyen-Orient.
"Nous avons le feu vert du président américain pour transformer Gaza en un secteur prospère, une station balnéaire et des quartiers d'affaires", a déclaré, lors de la réunion, Bezalel Smotrich. Et d’ajouter : "Nous pouvons commencer par de petits projets dans le nord de la bande de Gaza et envisager les choses de manière plus large. Nous avons la capacité de transférer les Gazaouis vers d'autres pays, et nous travaillons à sa mise en œuvre. Nous occuperons Gaza et en ferons une partie intégrante de l'État d'Israël".
Le même jour, Gila Gamliel, ministre israélienne de l’Innovation, des Sciences et de la Technologie et membre du Likoud, publiait sur X une vidéo intitulée "Voici à quoi ressemblera Gaza dans le futur", réalisée avec IA et montrant une ville ressemblant à Tel-Aviv.
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Accepter Gérer mes choixLa réunion organisée au sein du Parlement démontre que la question de la réoccupation et de la colonisation de Gaza agite les plus hautes sphères de l’État hébreu et n’est plus simplement, depuis les attaques terroristes du 7-Octobre et la guerre contre le Hamas, le projet de quelques groupes de militants, de responsables politiques pro-colonies ou de la droite dure israélienne.
Dès le début de la guerre à Gaza, Benjamin Netanyahu et plusieurs membres de son gouvernement ont évoqué l’idée de déplacer la population de Gaza, notamment vers l’Égypte voisine, ou "d’un départ volontaire de ses habitants".
Fin janvier, une dizaine de ses ministres ont même participé à une conférence appuyant ouvertement un retour des colonies israéliennes à Gaza et le "transfert" des Palestiniens hors du territoire côtier.
"Ce serait dommage d'attendre encore 15 ans pour retourner à Goush Katif [le principal bloc des colonies de la bande de Gaza, NDLR]. C’est le moment du retour chez soi, de la construction des colonies, de la peine de mort pour les terroristes et du temps de la victoire", avait tonné le ministre de la Sécurité nationale israélien, Itamar Ben Gvir, autre figure d’extrême droite et pilier ultranationaliste de la coalition.
Sous couvert de volontariat, cette politique "de transfert forcé de la population civile" pourrait "constituer un crime de guerre et un crime contre l'humanité" ont prévenu quatre ONG basées en Israël, dans une lettre datée du 12 juin et adressée au ministre de la Défense israélien, au procureur général et à l’avocat général des armées d'Israël.
Le 7 juillet, le ministre de la Défense Israël Katz a dévoilé un plan visant à regrouper l'ensemble de la population de Gaza dans une "ville humanitaire". Plus précisément dans une zone fermée dans le sud du territoire palestinien, qui accueillerait dans un premier temps quelque 600 000 déplacés originaires du sud de Gaza. À terme, l'ensemble de la population gazaouie serait relocalisée dans cette zone.
Netanyahu en phase avec les radicaux de sa coalition ?
De son côté, sur un plan personnel, Benjamin Netanyahu, qui joue presque quotidiennement la survie de sa coalition et donc sa propre survie politique, souffle le chaud et le froid sur cette question.
Début mai, le cabinet de sécurité israélien avait donné le feu vert à une intensification de l’offensive militaire à Gaza, qui comprendra notamment la "conquête de la bande de Gaza" et la promotion du "départ volontaire des Gazaouis" du territoire palestinien, dont 86,3 % de sa superficie est sous le coup d’un ordre d’évacuation ou dans une zone militaire israélienne, selon le bureau de la coordination des affaires humanitaires de l’ONU (Ocha). Selon la même source, neuf Gazaouis sur dix ont été déplacés au moins une fois depuis le début de la guerre.
La même semaine, lors d’une rencontre avec les membres du Forum des soldats blessés de guerre pour la victoire, il avait évoqué sans ambages le départ des Gazaouis. "Si nous leur offrons la possibilité de partir, je vous le dis, plus de 50 % partiront, et je pense même bien davantage", avait-il affirmé, selon un communiqué cité par l’AFP.
Le 13 mai, selon des transcriptions partielles révélées par le quotidien Maariv, il avait expliqué devant une commission de la Knesset qu’Israël "détruit de plus en plus de maisons" à Gaza et que les Palestiniens "n’ont nulle part où revenir".
Selon un article d’Haaretz publié le 6 juillet, la démolition de maisons et de logements constitue, avec les bombardements aériens, "la seule activité opérationnelle menée de manière systématique" ces dernières semaines par l’armée israélienne à Gaza.
"Le seul résultat évident sera que des Gazaouis choisiront d’émigrer en dehors de la bande", avait ajouté Benjamin Netanyahu, sans jamais préciser si ceux qui "choisissent d’émigrer" auraient le droit de revenir sur leur terre. "Mais notre principal problème est de trouver des pays pour les recevoir."
Il avait toutefois fini par tempérer son propos : "Je sais que je vais décevoir certaines personnes ici, mais nous ne parlons pas des implantations israéliennes dans la bande de Gaza en ce moment."
"Si les gens veulent rester, ils peuvent rester, mais s'ils veulent partir, ils doivent pouvoir le faire. Cela ne devrait pas être une prison", a-t-il encore déclaré en juillet, lors d'un entretien avec le président américain Donald Trump à Washington.
Quelques jours plus tard, il envoyait le chef du Mossad David Barnea à Washington pour y trouver des soutiens à même de convaincre des pays tiers d’accepter de "prendre des centaines de milliers de Palestiniens de Gaza", selon des révélations du média américain Axios.
Le patron des services de renseignements aurait affirmé à l’envoyé spécial américain, Steve Witkoff, qu’Israël était en pourparlers avec l’Indonésie, l’Éthiopie et la Libye pour "accueillir" cette population et aurait demandé à l’administration Trump de persuader ces pays d’accepter ce transfert.
Et alors que les regards sont tournés vers Gaza, la colonisation de la Cisjordanie continue : le gouvernement israélien a annoncé fin mai un projet d'expansion majeure avec la création de 22 nouvelles colonies, dont deux sont en fait des réimplantations évacuées en 2005, dans le cadre du plan de désengagement israélien de la bande de Gaza…
Ce mercredi, plus de 70 députés israéliens ont voté un appel au gouvernement à annexer la Cisjordanie occupée, afin d’y affirmer "le droit naturel, historique et légal" d'Israël et de "retirer de l'ordre du jour tout projet d'État palestinien".