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Financement du RN : qui est Pierre-Édouard Stérin, le milliardaire bienfaiteur de l’extrême droite ?
L’entrepreneur Pierre-Édouard Stérin est au cœur d’une deuxième enquête de la justice concernant des soupçons de financement illégal de campagnes électorales du Rassemblement national, selon de récentes révélations du journal Le Monde. Ce milliardaire s’est donné pour mission de faire triompher ses idées très conservatrices.
Pierre-Édouard Stérin met sa fortune au service de l'extrême droite. © OtiumCapital, Wikimedia Creative Commons

Plus discret que Vincent Bolloré mais tout aussi actif politiquement, Pierre-Édouard Stérin, 51 ans, est un autre entrepreneur milliardaire au service de l’extrême droite.

Au lendemain d'une perquisition menée au siège du Rassemblement national (RN) dans le cadre d'une enquête pour financement illicite des campagnes électorales de 2022 et 2024, le journal Le Monde a révélé, jeudi 10 juillet, que son nom figurait dans une deuxième enquête de justice portant sur des campagnes antérieures du RN.

Menée par le parquet de Marseille, elle s’intéresse également à des prêts ayant permis de financer les campagnes de candidats du Rassemblement national, mais cette fois lors des élections municipales de 2020 et régionales de 2021. Pierre-Édouard Stérin serait à l’origine de ces prêts, selon les révélations du Monde. Il a été entendu le 11 juin 2024 par les enquêteurs "sous le régime de suspect libre", a confirmé le parquet de Marseille à l’AFP. Le montant des prêts visés par cette enquête s'élève au total à 1,8 million d'euros, selon le parquet.

Voici quatre choses à savoir sur ce libertarien et fervent catholique qui a choisi de consacrer sa richesse à un combat idéologique.

  • Les coffrets Smartbox ont fait sa fortune

Pierre-Édouard Stérin a été élevé dans l’Eure par un père expert-comptable et une mère employée de banque. Il fait des études à l’école de commerce EM Lyon Business School, dont il sort diplômé en 1998, puis se lance rapidement dans une carrière d’entrepreneur. Après plusieurs échecs, il s’associe dans les années 2000 avec un entrepreneur belge pour lancer en France le concept de coffret cadeau. Cette nouveauté dans les magasins français entraîne une procédure judiciaire car l’administration estime que leur commercialisation nécessite une licence d’agent de voyages. Il est finalement relaxé – le coffret cadeau n’étant pas une réservation – et peut poursuivre son activité. Celle-ci prospère rapidement et SmartBox est bientôt lancé à l’international, en Europe et en Amérique du Nord.

Ce succès lui permet d’investir dans d’autres projets, comme le site Internet LaFourchette. Il crée également une société d’investissement : Otium Capital. Sa fortune est estimée en 2025 à 1,6 milliard d’euros, faisant de lui la 81e fortune française, selon le magazine Challenges. Il s’est exilé en Belgique pour des raisons fiscales en 2012 après l’arrivée au pouvoir de François Hollande.

  • La Nuit du Bien Commun pour changer la société "par le don"

Pierre-Édouard Stérin a créé en 2017 La Nuit du Bien Commun, une structure qui organise des soirées caritatives à travers la France pour récolter de l’argent auprès des entreprises et des particuliers dans le but de financer des associations "qui bâtissent l’avenir", selon la formule écrite en page d’accueil du site Internet du fonds de dotation.

Si son manifeste affirme vouloir "engager la société, de façon ouverte, apolitique et aconfessionnelle, au service du Bien Commun", le site d’enquête Mediapart a révélé en décembre 2024 que les associations lauréates "sont surtout des structures de la sphère catholique réactionnaire".

Anti-IVG et pro-Manif pour Tous, selon Le Monde, Pierre-Édouard Stérin a signé en 2018 l’appel "Changer par le don", dans lequel il s’engage à reverser 10 % de ses revenus ou de son patrimoine au profit d’associations. "Nous croyons au pouvoir du don pour rendre notre société meilleure", affirme l’appel. L’entrepreneur a annoncé en 2021 qu’il donnerait toute sa fortune au Fonds du bien commun, annonçant au passage son intention de déshériter ses cinq enfants.

  • Le projet Périclès : porter l’extrême droite au pouvoir

Dévoilé en 2024 par le média La Lettre et le quotidien L’Humanité, le projet Périclès consiste à mettre en œuvre une stratégie pour porter au pouvoir une alliance entre l’extrême droite et la droite libérale et conservatrice. Le nom de l’ancien dirigeant d’Athènes n’a pas été choisi au hasard, il est l’acronyme des profils que Pierre-Édouard Stérin veut voir triompher : patriotes, enracinés, résistants, identitaires, chrétiens, libéraux, Européens, souverainistes.

Le document révélé par L’Humanité décrit comment Pierre-Édouard Stérin compte "servir et sauver la France" pour permettre une "victoire idéologique, électorale et politique" face aux "maux principaux" de la France que sont à ses yeux le "socialisme, [le] wokisme, [l’]islamisme, [et l’]immigration".

Le projet Périclès prévoit d’investir 150 millions d’euros "sur les dix prochaines années" qui serviront à financer des baromètres, une école des futurs maires, un think-tank et de nombreux projets. L’objectif est clairement énoncé : "permettre au Rassemblement national de transformer ses derniers succès électoraux en victoire aux municipales 2026". Pierre-Édouard Stérin juge toutefois que le RN ne doit être "ni exclusif ni prioritaire par rapport aux autres partis" et évoque aussi le "recrutement de candidats pour LR".

Une cartographie des leaders de droite et d’extrême droite (Les Républicains, Reconquête, Rassemblement national principalement) est ainsi intitulée "Construire une présence proche des dirigeants de demain" et répertorie ceux auprès desquels Pierre-Édouard Stérin estime avoir de l’influence. Jordan Bardella et Marine Le Pen y figurent tout en haut, dans la catégorie "relation de confiance / influence réelle".

  • Un intérêt récent pour les médias

À l’image de Vincent Bolloré qui a construit un empire médiatique (CNews, Journal du Dimanche, Europe 1) au service de son idéologie, Pierre-Édouard Stérin s’intéresse lui aussi aux médias depuis quelques années. D’abord avec des médias en ligne comme Neo et Factuel, puis avec le site de débats Le Crayon.

Il porte également avec Vincent Bolloré le projet de l’Institut libre de journalisme, une école de journalisme qui "alimente les médias de la droite réactionnaire", selon une enquête vidéo du journal Le Monde. Celle-ci dévoile "le profil militant de nombreux étudiants, dont certains participent même à des organisations de la droite radicale". Le projet avait été présenté à Pierre-Édouard Stérin lors de la première soirée de La Nuit du Bien Commun à l’automne 2017.

Mais c’est en 2024 qu’il fait surtout parler de lui dans le secteur des médias en se portant candidat au rachat du magazine Marianne. La levée de boucliers de la rédaction découragera toutefois Daniel Kretinsky, le propriétaire, de finaliser la vente.

Pierre-Édouard Stérin, qui par ailleurs, dans un tout autre domaine, investit depuis 2024 dans le club de rugby du Biarritz Olympique, se console en 2025 en rachetant Cerfia et Explore Media, des médias essentiellement actifs sur les réseaux sociaux, en attendant peut-être, selon une enquête de France Inter, le rachat de Valeurs actuelles.