Le torchon brûle entre l'Inde et le Canada. Les deux pays ont chacun expulsé, lundi 14 octobre, leur ambassadeur et cinq autres diplomates de haut rang, après que New Delhi a déclaré que son envoyé avait été cité parmi les "personnes d'intérêt" dans une enquête sur l'assassinat d'un dirigeant séparatiste sikh.
L'Inde a déclaré qu'elle retirait ses six diplomates du Canada, mais une source gouvernementale à Ottawa a affirmé à l'AFP qu'ils avaient été expulsés et non retirés.
L'assassinat, le 18 juin 2023, du citoyen canadien Hardeep Singh Nijjar, qui militait pour la création d'un État sikh indépendant dans le nord de l'Inde appelé le Khalistan, a envenimé les relations entre les deux pays, le Premier ministre canadien Justin Trudeau ayant déclaré qu'il y avait "des allégations crédibles" reliant les services secrets indiens à ce crime.
L'expulsion des diplomates - les envoyés les plus haut placés des deux parties - constitue une escalade majeure dans le conflit.
"Nous n'avons pas confiance dans l'engagement du gouvernement canadien actuel à assurer leur sécurité", a expliqué le ministère indien des Affaires étrangères pour justifier le retrait de son personnel.
Représailles en chaîne
Peu auparavant, le ministère indien des Affaires étrangères avait dit avoir "reçu une communication diplomatique du Canada laissant entendre que le Haut-Commissaire indien et d'autres diplomates sont des personnes présentant un intérêt" dans le cadre de l'enquête en cours.
Il avait qualifié d'"absurdes" les allégations selon lesquelles l'Inde est impliquée dans le meurtre, y voyant une "stratégie de diffamation de l'Inde à des fins politiques".
En parallèle, la Gendarmerie Royale du Canada (GRC) a annoncé lundi détenir des "éléments de preuve" quant à l'implication d'agents du gouvernement indien dans des cas d'"intimidation, harcèlement, extorsion et coercition" sur le territoire canadien.
"Des circonstances extraordinaires nous obligent à divulguer ce que nous avons découvert dans le cadre de multiples enquêtes en cours sur l'implication d'agents du gouvernement de l'Inde dans des activités criminelles graves au Canada", a déclaré le commissaire de la GRC Mike Duheme.
La GRC lie des agents du gouvernement à "des homicides et actes de violence", à des "activités clandestines telles que la collecte de renseignements" et de "l'ingérence dans les processus démocratiques".
La police fédérale souligne qu'elle a tenté d'approcher les autorités indiennes avec ces preuves, sans succès.
Elle n'a toutefois pas lié directement ces accusations avec le meurtre du citoyen canadien Hardeep Singh Nijjar
Depuis les accusations de Justin Trudeau, New Delhi et Ottawa se sont livrés à une surenchère dans les représailles diplomatiques.
L'année dernière, l'Inde a ainsi provisoirement restreint les visas pour les Canadiens et obligé le Canada à rapatrier certains de ses diplomates.
"Preuves crédibles et irréfutables"
"L'Inde se réserve maintenant le droit de prendre d'autres mesures en réponse à ces derniers efforts du gouvernement canadien en vue de concocter des allégations contre les diplomates indiens", a mis en garde lundi son ministère des Affaires étrangères.
Il a fait savoir qu'il avait convoqué le chargé d'affaires du Canada, Stewart Wheeler.
"Le Canada a fourni des preuves crédibles et irréfutables de liens entre des agents du gouvernement indien et le meurtre d'un citoyen canadien sur le sol canadien", a, quant à lui, commenté Stewart Wheeler devant les journalistes après avoir quitté le ministère indien.
"Il est désormais temps pour l'Inde de tenir ses promesses et d'examiner toutes ces allégations. Il est dans l'intérêt de nos deux pays et de leurs peuples d'aller au fond des choses. Le Canada est prêt à coopérer avec l'Inde", a-t-il encore dit.
Tué sur le parking d'un temple sikh à Vancouver (ouest), Hardeep Singh Nijjar, qui avait immigré au Canada en 1997 avant d'être naturalisé en 2015, était recherché par les autorités indiennes pour terrorisme présumé et conspiration en vue de commettre un meurtre.
Quelque 770 000 Sikhs vivent au Canada, constituant 2 % de la population, avec une minorité active réclamant la création d'un État indépendant du Khalistan.
Avec AFP