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Escalade au Proche-Orient : Israël entretient le flou sur une incursion terrestre au Liban
Israël prépare-t-il une incursion terrestre au Liban ? Les signaux se multiplient depuis cet été et les échanges de tirs à la frontière ont gagné en intensité après la vague d'explosions mardi et mercredi de bipeurs et de talkies-walkies à travers le Liban. Le souvenir de l’opération terrestre israélienne de 2006 n’est pas loin.

Après les spectaculaires explosions, attribuées à Israël, d'appareils de transmission utilisés par des membres du Hezbollah mardi et mercredi, tous les yeux sont rivés sur la frontière qui sépare Israël du Liban.

Le mouvement islamiste et l’armée israélienne échangent des tirs quasi quotidiens depuis le début de la guerre à Gaza. Mais dans le sud du Liban, des habitants de localités frontalières ont décrit les bombardements survenus dans la nuit de jeudi 19 à vendredi 20 septembre, comme étant "d'une intensité jamais vue" au cours de l'année écoulée.

Les échanges de tirs se sont multipliés depuis jeudi entre l'armée israélienne, qui a mené des dizaines de frappes dans cette région libanaise, et le mouvement islamiste.

Jeudi soir, Israël dit avoir visé notamment des systèmes lance-roquettes du Hezbollah et frappé "environ 100 lanceurs" et d'autres infrastructures "représentant environ 1 000 canons".  Des photos et vidéos capturées jeudi soir par des journalistes de l'AFP dans plusieurs régions du sud du Liban montrent des boules de feu illuminant le ciel lors de ces intenses frappes aériennes. De nombreux habitants de la localité de Marjayoun disent avoir été pris de panique.

Le Hezbollah a répliqué vendredi, revendiquant des tirs de roquettes sur six sites militaires israéliens. L’armée israélienne a annoncé qu'environ 140 roquettes avaient été tirées du Liban vers Israël à la mi-journée.

Le jour-même, Israël a frappé la banlieue sud de Beyrouth, où un important chef du Hezbollah et une dizaine de commandants ont été tués. Au moins 12 personnes sont mortes et 66 autres blessées dans ce raid israélien, qui a causé l'effondrement de deux immeubles dans une zone densément peuplée d'après la défense civile. Israël a confirmé une frappe "ciblée" sur la ville.

Déplacement des troupes vers la frontière avec le Liban

Le discours des dirigeants israéliens et des hauts responsables militaires a lui aussi évolué. "L'armée, le Premier ministre et le ministre de la Défense en ont parlé ces derniers jours comme si nous entrions dans une nouvelle phase et que les choses étaient différentes. La rhétorique change. Ils déplacent davantage de forces vers la frontière nord", souligne Steven Wagner, historien et spécialiste du renseignement au Moyen-Orient.

Sur le terrain, des préparatifs avaient été menés par Israël durant l’été avec le transfert de troupes dans le nord, près de la frontière avec le Liban. Un redéploiement qui se poursuit, si l’on en croit la radio militaire israélienne. Elle a annoncé mercredi l’envoi de la 98e division d'élite, qui comprend des brigades de parachutistes et commandos, actuellement engagée dans la bande de Gaza, vers le nord de l’État hébreu.

Pour le général Dominique Trinquand, ancien chef de la mission militaire française auprès de l'ONU, soit Israël continue dans la voie du "ciblage" comme avec l’affaire des bipeurs piégés et avec les bombardements visant les rampes de lancement des missiles du Hezbollah et son artillerie, "ou bien tout ceci est préparatoire à une offensive terrestre".

L’attaque des bipeurs, une opération précipitée ?

D’autres spécialistes, à l’image de Steven Wagner, soutiennent que si les Israéliens avaient vraiment l'intention de lancer une guerre de haute intensité, "ils l'auraient déjà fait jeudi soir", en plein chaos, alors que le système de communication du Hezbollah venait d’être attaqué une deuxième fois en deux jours.

Un avis partagé par plusieurs experts interrogés par France 24, qui estiment que l’opération des bipeurs n’avait pas pour but de préparer une offensive terrestre imminente. Selon eux, elle a été déclenchée in extremis, parce que le système des appareils piégés était sur le point d’être découvert. "C'était du ‘maintenant ou jamais’", juge Steven Wagner.

Sur X, le journaliste d’Associated Press Bassem Mroue va dans le même sens. Il cite une source du Hezbollah selon laquelle des membres du mouvement islamiste étaient sur le point d’emmener leurs bipeurs en réparation "parce qu’ils ne fonctionnaient pas correctement", ce qui aurait pu faire échouer cette opération, qu’Israël n'a toujours pas officiellement revendiquée.

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Mandat prolongé pour la Finul

"La communauté internationale, si tant est qu'elle puisse dire quelque chose, est très opposée à une guerre au Liban", estime Dominique Trinquand. Elle pourrait faire entendre sa voix au moment de l’Assemblée générale de l’ONU prévue le 24 septembre et à laquelle le Premier ministre israélien doit théoriquement participer, même s’il a annoncé vendredi retarder son départ pour les États-Unis en raison de la situation sécuritaire dans le nord d’Israël.

Dans ce contexte hautement inflammable, le Conseil de sécurité de l'ONU vient de prolonger d'un an le mandat de la force de maintien de la paix des Nations unies au Liban, la Finul. "Nous sommes toujours dans une situation très, très dangereuse", s’est inquiété, vendredi, le chef des Casques bleus, Jean-Pierre Lacroix, en marge d'une réunion des ministres de la Défense des 27 pays de l'Union européenne.

Forte de plus de 10 000 hommes, la Finul est stationnée dans le sud du Liban depuis 1978 pour faire tampon avec Israël. Son rôle a été renforcé depuis le conflit de 33 jours qui a opposé le Hezbollah à Israël à l'été 2006.

"La dernière opération terrestre israélienne au Liban [2006] s’est très mal passée. Elle a été catastrophique tant pour le Liban que pour l’armée israélienne", rappelle le général Trinquand. "Il a fallu une résolution de l'ONU et le déploiement 12 000 Casques bleus français, italiens et espagnols pour protéger le retrait israélien. Donc je pense que lancer une nouvelle opération au Liban relèverait de la folie. Mais Benjamin Netanyahu veut aller jusqu'au bout de sa logique".

Gagner du temps jusqu’à la présidentielle américaine

Le Premier ministre et son gouvernement sont par ailleurs poussés par la population israélienne qui a quitté le nord d'Israël depuis onze mois maintenant et qui veut y revenir, souligne Dominique Trinquand. Le gouvernement israélien a en effet promis mardi que le retour des 60 000 déplacés du nord du pays figurait désormais parmi ses "objectifs de guerre".  

Or c’est là que se joue tout le pouvoir de nuisance du Hezbollah. "Vous ne pourrez pas ramener les habitants du nord (…) Le front du Liban avec Israël restera ouvert jusqu'à la fin de l'agression à Gaza chez eux", a ainsi rétorqué à l’adresse des dirigeants israéliens le chef du parti, Hassan Nasrallah, lors de son discours télévisé de jeudi.

Le directeur de l’Institut Issam Farès de politique publique et de relations internationales à l’Université américaine de Beyrouth, Joseph Bahout, estime, quant à lui, que Benjamin Netanyahu cherche surtout à gagner du temps. "Le but est de maintenir la tension à un niveau acceptable afin de maintenir sa coalition en ordre de marche, attendre début novembre l’élection présidentielle américaine et ensuite décider soit d’étendre cette guerre à la région - avec le risque de confronter l’Iran -, ou bien de changer de cap si la politique américaine est moins en sa faveur".

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Avec AFP