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Explosions de bipeurs au Liban : Motorola accusé à tort de complicité
Au lendemain de l'explosion simultanée, le 17 septembre à travers le Liban, de bipeurs qui ont fait au moins 12 morts et plus de 2 800 blessés, de nombreux internautes ont accusé la marque de téléphonie Motorola, qui collabore depuis plusieurs années avec l’armée israélienne, d'avoir aidé à piéger ses propres appareils. Mais les photos des bipeurs détruits sur place montrent que les appareils ne sont pas fabriqués par Motorola mais par la marque Gold Apollo.

L'entreprise de téléphonie mobile Motorola complice de l'attaque aux bipeurs au Liban du 17 septembre avec les services israéliens ? Sur X, de nombreux internautes soutiennent que les bipeurs qui ont explosé au Liban étaient de la marque Motorola, un élément à charge contre l'entreprise américaine, alors que l'hypothèse d'ajout d'explosifs lors de la fabrication de ces appareils est désormais privilégiée. 

"Les bipeurs [...] ont été fabriqués par la firme américaine Motorola et ont été activés par les Israéliens", a notamment affirmé l'internaute propalestinienne Sarah Wilkinson, dans un post sur X publié le 17 septembre et vu plus de 1,7 million de fois.

Tim Anderson, compte aussi connu pour ses positions propalestiniennes, a de son côté intitulé cette opération "the Israeli Motorola massacre", dans un post vu plus de 400 000 fois sur X.

Explosions de bipeurs au Liban : Motorola accusé à tort de complicité

Au lendemain de ces attaques qui visaient ce système de radiomessagerie utilisé par le Hezbollah, mouvement libanais proche de l'Iran, des responsables iraniens ont eux aussi dénoncé l'entreprise de téléphonie.

Le 18 septembre, le porte-parole de la commission sur la sécurité nationale au parlement iranien, Alaeddin Boroujerdi, a même demandé des sanctions contre l'entreprise américaine en l'accusant d'avoir coopéré avec Israël sur cette attaque.

Des bipeurs de la marque Gold Apollo…

Ces accusations de proximité de Motorola avec Israël ne sont pas récentes. La firme fait en effet partie des nombreuses entreprises dénoncées par les mouvements de boycott de l’Etat hébreu pour sa collaboration étroite avec les autorités israéliennes. 

Mais Motorola n'a rien à voir avec ces explosions. Plusieurs des photos ayant circulé à la suite des attaques, débutées aux alentours de 15 h 30 heure locale, montrent en effet que les bipeurs utilisés seraient des modèles Rugged Pager AR924 de l'entreprise taïwanaise Gold Appolo.

Deux photos prises le 17 septembre au Liban montrent un bout d'étiquette de modèles qui ont explosé. Sur ces deux appareils, on distingue le début du nom du distributeur ("Gold…") et le début du nom de modèle utilisé ("AR-9…")

Explosions de bipeurs au Liban : Motorola accusé à tort de complicité

Plusieurs internautes ont également souligné que le modèle d'étiquette ("Distri" / "Model" / "Freq" – voir ci-dessous) était très similaire à celui d'autres modèles de bipeurs de la marque.

Explosions de bipeurs au Liban : Motorola accusé à tort de complicité

Ces éléments sont également confirmés par le New York Times : le média américain rapporte que plusieurs sources américaines et issues d'autres pays ont indiqué que 3 000 bipeurs au nom de la marque Gold Appolo avaient été trafiqués pour intégrer des charges d'explosifs lors de leur construction. 

…construits par une autre entreprise

Dans la tourmente depuis hier, le PDG de l'entreprise Gold Apollo, Hsu Ching-Kuang, a lui-même incidemment reconnu que les bipeurs utilisés étaient de la marque Gold Appolo le 18 septembre dans un communiqué de presse, tout en donnant des indications sur l'origine de ces appareils.

Le dirigeant a déclaré ne pas avoir fabriqué directement ces bipeurs et a renvoyé la responsabilité à un autre fabriquant, BAC Consulting, avec lequel Gold Apollo possède un contrat de licence pour la fabrication de ce type d'appareils au nom de la marque. 

"Le produit n'était pas le nôtre. C'est seulement qu'il portait notre marque", a indiqué Hsu Ching-Kuang lors d'une conférence de presse tenue à Taipei le même jour. "La conception et la fabrication des produits sont entièrement prises en charge par BAC".

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Cristiana Bársony-Arcidiacono, directrice générale de BAC Consulting, a de son côté répondu au média américain ne pas avoir non plus fabriqué ces appareils. "Je ne suis que l'intermédiaire. Je pense que vous vous trompez."

Au vu des images et de l'importance des explosions, la piste de l'insertion d'explosifs au cours de la fabrication est en tout cas l'hypothèse privilégiée par de nombreux spécialistes. 

"La piste la plus probable est que les bipeurs aient été piégés en amont – ce qu’on appelle une attaque à la chaîne d’approvisionnement, que des charges explosives aient été placées dedans et que les microcontrôleurs aient été modifiés pour réagir à la réception d’un message spécifique", indique à la rédaction des Observateurs une ingénieure en cybersécurité qui a souhaité rester anonyme.

Des critiques anciennes contre Motorola 

Comment toutefois expliquer la confusion autour de Motorola ? À la suite des explosions, de nombreux comptes sur X ont diffusé des photos d'un bipeur de la marque Motorola pour illustrer le modèle d'appareil qui aurait explosé.

Explosions de bipeurs au Liban : Motorola accusé à tort de complicité

Dans le même temps, de premières photos de débris montrent l'étiquette, difficilement déchiffrable, d'un des bipeurs. Le terme "Gold" indiqué sur l'étiquette (voir ci-dessus) a pu induire en erreur plusieurs internautes sur la piste d'un des modèles de Motorola, le Motorola Gold Advisor. 

Mais des photos retrouvées en ligne de ce type de modèle (notamment sur le site d'enchères Ebay) prouvent que le modèle d'étiquette ne correspond pas à ceux visibles sur les photos diffusées depuis le 17 septembre.

Explosions de bipeurs au Liban : Motorola accusé à tort de complicité

Comme de nombreuses autres entreprises occidentales, Motorola est ciblée depuis plusieurs années par le mouvement BDS ("Boycott, Désinvestissement & Sanctions"), qui milite contre l'occupation par Israël des territoires depuis la guerre des Six jours, en 1967, dont la Cisjordanie.

Motorola, détenue depuis 2014 par l'entreprise chinoise d'ordinateurs Lenovo, est notamment accusée de fournir à la fois du matériel de communication auprès des autorités israéliennes et de fabriquer les détonateurs utilisés dans les bombes de l'armée israélienne.