Le Bangladesh se prépare pour des élections législatives, le premier scrutin organisé depuis sept ans. Plus de 150 observateurs européens sont sur place pour rencontrer les candidats et s'assurer du bon déroulement du vote.
Reuters - Deux ans après la prise du pouvoir par les militaires, le Bangladesh vote lundi pour se doter d'un nouveau gouvernement civil en espérant le changement, sans trop y croire.
Le scrutin législatif oppose principalement la Ligue Awami et le Parti nationaliste du Bangladesh, dirigés respectivement par Sheikh Hasina et la bégum Khaleda Zia, ex-Premiers ministres qui dominent la vie politique du pays.
Les deux femmes ont tour à tour conduit le gouvernement bangladais pendant 15 ans jusqu'à la fin 2006, quand le régime d'exception a été instauré par l'armée à la suite de violences à grande échelle.
Le gouvernement intérimaire, dirigé par l'ancien gouverneur de la banque centrale Fakhruddin Ahmed, a pris le pouvoir en janvier 2007, annulé les législatives prévues le même mois, interdit les activités politiques et les manifestations et déclenché une vaste offensive contre la corruption.
Le retour à la démocratie et la formation d'un gouvernement civil stable devraient permettre en théorie à ce pays de plus de 140 millions d'habitants, l'un des plus pauvres de la planète, d'attirer de nouveau l'aide internationale.
Mais les commentateurs redoutent aussi un retour de la violence, étant donné l'histoire politique turbulente du pays et les déclarations enflammées des candidates.
Khaleda Zia, dans un discours jeudi soir, a demandé à ses partisans de surveiller tous les bureaux de vote en accusant un groupe de comploter en vue de manipuler les résultats, visant apparemment la Ligue Awami et le gouvernement en place. "Ils conspirent aussi en vue de me tuer", a-t-elle affirmé.
Hasina a accusé de son côté le BNP et son allié islamique, le Jamaat-e-Islami, de chercher à créer un climat violent afin de saboter le scrutin qu'ils craignent de perdre. Elle se dit aussi menacée de mort.
Léger avantage à la ligue
Atiur Rahman, professeur à l'université de Dacca, estime que trois grands critères influenceront le choix des 81 millions d'électeurs inscrits: les prix alimentaires, l'amélioration des conditions de vie des paysans, et la lutte contre la corruption.
"Les électeurs jugeront qui, des deux ex-Premiers ministres, ont le mieux travaillé sur ces dossiers", souligne-t-il, en accordant une meilleure note à Sheikh Hasina.
D'autres commentateurs parient également sur une victoire de la Ligue Awami mais l'institut Eurasia Group est plus prudent et redoute que les perdants refusent les résultats du vote et ouvrent une nouvelle période d'instabilité.
Le gouvernement intérimaire et les observateurs étrangers affirment toutefois que les conditions d'un scrutin crédible seront assurées grâce à des mesures de sécurité renforcées et de strictes règles électorales.
"Nous voulons que les élus parlent moins et agissent davantage. Hasina et Khaleda se sont comportées de manière quasi identique, à l'intérieur comme à l'extérieur du parlement", note Ainul Islam, un enseignant. "Nous espérons vraiment qu'elles changeront dans leur approche et leur attitude."
Certains électeurs y croient, notant d'abord que chacune des deux femmes a été emprisonnée pendant un an pour corruption par les militaires, et que ces derniers n'hésiteront pas à recommencer. D'autres remarquent que Hasina et Khaleda sont désormais sexagénaires, et qu'elles seront désormais peut-être plus préoccupées de laisser leur marque sur le pays.