La photo la montrant à l'aéroport de Tokyo entourée par des policiers lors des derniers Jeux olympiques avait fait le tour du monde. À la veille des séries du 200 m, le 1er août 2021, la sprinteuse biélorusse Krystsina Tsimanouskaya avait réussi à échapper à un rapatriement de force dans son pays après avoir critiqué des entraîneurs de sa délégation sur les réseaux sociaux.
Trois ans plus tard, l'athlète a pu enfin prendre part à cette course olympique. Elle a participé, dimanche 4 août, aux séries du 200 m au stade de France sous les couleurs de la Pologne.
"Paris était mon objectif", a-t-elle raconté à l'AFP lors d'un entretien dans le village olympique à quelques jours de son entrée dans la compétition. "Les rêves deviennent réalité", estime l'athlète, arborant un t-shirt rouge avec "Polska" gravé sur sa poitrine. Un tatouage sur son avant-bras gauche indique, dans sa langue maternelle, le russe : "Trop forte pour abandonner".
Tenir tête à son pays
Cette spécialiste du 100 et 200 m s'était retrouvée au cœur d'un scandale international au Japon, qu'elle avait fui avec l'aide du Comité international olympique (CIO), craignant un rapatriement de force et la prison en Biélorussie après avoir critiqué sa fédération.
Lors des derniers JO, elle avait tenu des propos négatifs contre des entraîneurs de son équipe nationale sur son compte Instagram. L'athlète avait critiqué le fait qu'elle participe au relais 4x400 m, qui n'est pas sa spécialité, en raison de l'absence de certains membres de l'équipe qui n'avaient pas réalisé suffisamment de tests antidopage. Après avoir reçu l'ordre de faire ses valises, la jeune femme avait trouvé refuge à l'ambassade de Pologne et s'était ensuite envolée pour ce pays.
L'incident diplomatique s'était produit en pleine répression des dissidents après les élections contestées qui ont ramené au pouvoir l'homme fort Alexandre Loukachenko en 2020. Krystsina Tsimanouskaya faisait partie des plus de 2 000 personnalités sportives biélorusses qui avaient signé une lettre ouverte appelant à de nouvelles élections.
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Accepter Gérer mes choixUne nouvelle nationalité
Trois ans après cette médiatique affaire, l'athlète semble détendue, heureuse de sentir l'ambiance olympique, cette fois sans drame. "J'ai le sentiment d'être de retour à Tokyo", dit-elle en souriant. "Dans un sens positif". Mais pour arriver jusqu'à Paris, la sportive a dû se battre.
Même si elle a obtenu la citoyenneté polonaise neuf mois après avoir fait défection, elle n'était pas assurée de pouvoir concourir pour la Pologne au niveau international. L'invasion de l'Ukraine par la Russie en février 2022 a en effet compliqué sa tentative de changement de nationalité.
World Athletics, l'instance dirigeante de l'athlétisme, lui a permis en août 2023 de concourir sous les couleurs du pays qui l'accueille, juste avant les championnats du monde d'athlétisme à Budapest. Parallèlement, l'athlète a dû travailler dur pour s'intégrer même si elle a été bien accueillie par ses pairs et ses entraîneurs.
La coureuse, qui a appris le polonais, a aussi reçu des menaces en ligne en provenance de Biélorussie, si bien qu'elle a dû être escortée pendant des mois. Sa sécurité reste une préoccupation constante.
Krystsina Tsimanouskaya préfère ainsi rester dans l'enceinte du village olympique et espère éviter les officiels et athlètes de son pays d'origine qui concourent à Paris sous un statut neutre, en raison du soutien de leur pays à la Russie dans l'invasion de l'Ukraine. Elle se souvient de ces agents du KGB biélorusse qui accompagnaient son ancienne équipe nationale. Et aux JO de Paris, "on m'a prévenue de n'aller nulle part seule".
Pour afficher ce contenu Instagram, il est nécessaire d'autoriser les cookies de mesure d'audience et de publicité.
Accepter Gérer mes choixElle paie aussi le prix du stress permanent de ces dernières années. "Je tombe malade tous les deux mois", confie-t-elle. Après les JO de Paris, elle entend se consacrer à sa santé et se préparer pour les championnats du monde de Tokyo l'année prochaine.
Ses problèmes de santé pourraient néanmoins la pousser à prendre sa retraite prématurément. Elle ne sait pas aujourd'hui si elle pourra participer aux Jeux de Los Angeles en 2028.
Des menaces toujours présentes
La campagne de harcèlement en ligne s'est apaisée, mais le régime de Loukachenko a toujours Tsimanouskaya en ligne de mire. En mai, les autorités biélorusses ont ouvert une procédure pénale contre elle et plus de 250 autres opposants, accusés de "formation d'un groupe extrémiste" et de "complot visant à renverser le gouvernement".
Les autorités ont également perquisitionné le domicile des parents de la sprinteuse, dans la petite ville de Klimavitchy, où ils vivent toujours. "C'est absurde", dit-elle. "Depuis trois ans, je fais du sport et je me prépare pour les Jeux olympiques".
Quoique parfois nostalgique du passé, elle a appris à accepter "les choses telles qu'elles sont". "Si vous pleurez sur ce qui a été perdu, vous n'avancez pas", souffle-t-elle.
Même si elle n'a pas réussi à se qualifier directement dimanche pour les demi-finales du 200 m, elle a l'occasion de participer au repêchage lundi. "Demain, j'ai une deuxième chance de repasser. Croisez les doigts", a-t-elle commenté sur son compte Instagram où elle aime partager son quotidien de sportive de haut niveau. Elle sera également en lice jeudi avec l'équipe de Pologne relais du 4X100 m.
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Accepter Gérer mes choixAvec AFP