Un épisode digne des meilleures séries politiques : un chef qui se barricade et refuse de quitter le navire, des candidats au bord de la crise de nerfs et des cadres qui s'affligent d'un spectacle "ridicule"...
La crise amorcée lundi avec l'annonce de l'alliance d'Éric Ciotti avec le Rassemblement national a repris de plus belle mercredi 12 juin au matin : les cadres de LR veulent faire exclure Éric Ciotti, patron honni pour avoir décidé, seul, de collaborer avec le RN aux législatives anticipées.
Plus insensé encore, il ordonne la fermeture du siège des Républicains pour "garantir la sécurité du personnel". À midi pile, les larges portes bleues du 4, place du Palais Bourbon se referment. Le personnel est sorti, la sécurité ne répond pas à l'interphone... La secrétaire générale Annie Genevard ne rouvrira le portail qu'après 17 h avec un double des clés, dans une nouvelle scène ahurissante.
En quelques heures, le parti gaulliste a étalé ses divisions au grand jour, jouant une partition au moins aussi insensé que la mémorable élection du patron de l'UMP en 2012, lorsque Jean-François Copé et François Fillon s'étaient disputé la présidence à couteaux tirés.
"On est chez les dingues"
Mais où est donc passé Éric Ciotti ? "Il se terre à la questure", son bureau de l'Assemblée, répond une source LR.
Une bonne partie de son équipe l'a lâché : "Il n'a consulté personne. Il nous l'a caché même à nous", raconte un démissionnaire. "Il lui reste deux collaborateurs".
"On est chez les dingues", tonne le député du Lot Aurélien Pradié. "On appellera Jordan Bardella pour le sortir de son bureau", ironise-t-il. À ses côtés, la vice-présidente Florence Portelli se demande s'il ne faudra pas plutôt "appeler le Samu".
Les autres forces politiques ne loupent pas une miette. Le ministre du Logement Guillaume Kasbarian, porteur d'une loi anti-squatteurs décriée l'année passée, ironise : "Attention Éric Ciotti, depuis un an, la procédure en cas de squat est accélérée."
"Vous vous rendez compte comment LR a l'air ridicule aujourd'hui ? Certains nous disent d'envoyer un serrurier", se désespère Agnès Evren, sénatrice de Paris.
Il est bientôt 15 h, la meute de journalistes s'est déplacée de 500 mètres. Direction le musée social, un centre de documentation plus à même d'accueillir tout le gotha de la droite républicaine pour un crucial bureau politique.
Celle-ci arrive unie : Gérard Larcher, Laurent Wauquiez, Xavier Bertrand, Bruno Retailleau, Valérie Pécresse... Et la colère est palpable : "Il n'y a pas de place pour les traîtres et les putschs à la Poutine", lance la candidate à la présidentielle de 2022.
Les passants sont abasourdis. "C'est un film ?", demande une dame.
"C'est le bordel, je ne sais pas où on va"
Éric Ciotti n'est toujours pas là, mais deux huissiers ont été envoyés par le patron pour contrôler la tenue de cette réunion.
La cohue est telle que la police tente de disperser la foule au moment précis où les dirigeants sortent annoncer l'exclusion du patron, décidée à l'unanimité.
Mais la riposte est immédiate : ce dernier juge cette décision "illégale", tout comme la commission d'investiture tenue dans la foulée, et martèle qu'il "reste" président.
Personne ne se fait d'illusions : la bataille juridique sur l'interprétation des statuts et du règlement de LR s'annonce rude.
"C'est totalement irresponsable et assassin d'engager ce débat à 18 jours d'une élection, alors qu'on a 60 sortants qui jouent leur bille dans leur circonscription", peste le sénateur LR Philippe Tabarot. "C'est surréaliste".
Dans le marasme ambiant, les futurs candidats de la droite sont démunis : seront-ils investis officiellement ? Comment réagir aux approches du RN ?
"C'est le bordel, je ne sais pas où on va. On n'a aucune info", confirme une collaboratrice d'un député sortant.
"On est tous sidérés", s'inquiète Marie-Christine Dalloz, qui repart au combat dans le Jura et envisage de le faire sans étiquette. La députée sortante ajoute, fataliste : "Je préfère perdre avec mes valeurs que gagner en y renonçant."
Avec AFP