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Fred Dewilde, survivant du Bataclan et auteur de quatre BD autour des attentats du 13 novembre 2015, s'est donné la mort dimanche 5 mai. France 24 l'avait rencontré à l'occasion de la sortie de ses deux premiers romans graphiques.

Le 13 nombre 2015, Fred Dewilde était au Bataclan. Il était resté allongé, immobile, à faire "le mort" dans la fosse de la salle de concerts parisienne alors qu'un commando terroriste, affilié à l'organisation État islamique, décimait 90 personnes parmi les 1 500 spectateurs venus participer au concert des Eagles of Death Metal. Dans une mare de sang, au milieu des corps déchiquetés et de l'horreurs des cris, des tirs de Kalashnikov, il a tenu pendant deux heures la main d'une inconnue blessée, Élisa. Le 5 mai 2024, Fred Dewilde s'est donné la mort.

Pilier de Life for Paris, l'association a annoncée son suicide sur la plateforme X. En 2016, il avait raconté son long travail de reconstruction dans la BD  "Mon Bataclan", Lemieux éditeur. Graphiste et père de trois enfants, Fred Dewilde "a mis fin à ses jours (...) terrassé par la violence des traumas contre lesquels il luttait sans relâche", écrit l'association.

"Son immense appétit de vivre porté par l’amour qu’il donnait autant qu’il recevait, son énergie communicative, son humour décapant, ses œuvres poignantes, ses projets pleins les tiroirs ont été fauchés en une nuit par une pulsion suicidaire insurmontable le rendant sourd à tout avenir, écrivent ses proches. Cette nuit-là, une étincelle a ouvert béantes ses insupportables blessures qui le meurtrissaient depuis tant d’années, anéantissant toutes les digues de bonheur qu’il avait construites avec nous."

Fred Dewilde, pilier de notre association et artiste de talent, a mis fin à ses jours ce dimanche. Le 13 novembre a fini par le rattraper. Nous pensons à sa famille qui nous a transmis ce texte et ce dessin intitulé « L’amour, le pardon, le partage et la connaissance ». pic.twitter.com/G1DjwYS2zP

— Life for Paris (@lifeforparis) May 7, 2024

 "Ils l'ont tué une seconde fois, sans plus de seconde chance de "survie"", écrit sa famille dans un texte poignant. France 24 avait rencontré ce grand gaillard, dont les dessins en noir et blanc, les mots forts et bouleversants avaient raconté l'horreur de cette nuit du 13-Novembre 2015.

Fred Dewilde n'a jamais basculé dans la haine. Son histoire, il l'a racontée dans ses BD mais aussi devant les collégiens, comme le rappelle sa famille. Il voulait transmettre "sa foi en la tolérance et son refus de toutes formes de haine".

Parmi ses nombreuses œuvres, Fred Dewilde avait notamment signé le visuel très émouvant de nos premières commémorations en 2016.

Il prend malheureusement encore une autre dimension aujourd'hui. pic.twitter.com/3pFbkdOg8j

— Life for Paris (@lifeforparis) May 7, 2024

Le chemin de la guérison était long. Fred Dewilde le savait. Entre 2016 et 2022, il a publié quatre bandes dessinées : "Mon Bataclan", "La Morsure", "Conversation avec ma mort" et "La Mort émoi". Il y racontait comment survivre, gérer le choc post-traumatique. Fred Dewilde parlait aussi de résilience.

"Il y a des moments où notre réalité est tellement insupportable qu’on a envie de la fuir. Il y a des moments où je doute que ça me soit arrivé. Qu’est-ce qu’il me reste de ça ? Je n’ai que des blessures psychologiques et non physiques. J’ai un mal-être qui est difficilement explicable puisque je n’ai rien, physiquement parlant", insistait Fred Dewilde auprès de France 24 en 2018.

"Certains étaient morts, d'autres comme moi, juste sans vie", avait-il écrit dans "La Morsure". 

La mort était omniprésente. Elle ne l'a jamais quitté. Vivre était difficile. Impossible. La mort a fini par le rattraper.