
L'orientation prorusse prise récemment par le gouvernement slovaque pourrait connaître un coup de frein en cas de victoire du libéral Ivan Korcok, arrivé en tête du premier tour de l'élection présidentielle, ont estimé les analystes dimanche 24 mars.
Soutenu par l'opposition, Ivan Korcok a obtenu samedi 42,51 % des voix, devançant le président du Parlement, Peter Pellegrini, qui a recueilli 37,02 % des suffrages, selon les résultats définitifs.
Les deux principaux candidats à la succession de la présidente libérale sortante Zuzana Caputova s'affronteront lors d'un second tour le 6 avril.
Erreur des sondages
Avant l'élection, les experts s'attendaient à un résultat serré, tout en donnant Peter Pellegrini légèrement favori.
"Aucun sondage ne prévoyait que Korcok aurait une avance de cinq points", a déclaré à l'AFP Tomas Koziak, analyste à l'Université des affaires internationales ISM. "Maintenant, il semble être un candidat fort."
L'invasion de l'Ukraine par la Russie est devenue un élément incontournable de la campagne électorale, après que le chef du gouvernement slovaque Robert Fico a remis en question la souveraineté de ce pays et appelé à la paix avec la Russie. En place depuis octobre, le gouvernement slovaque a également mis fin à l'aide militaire à l'Ukraine.
Dans un post publié sur Facebook après le scrutin, le Premier ministre a salué Peter Pellegrini comme une "meilleure solution" pour la Slovaquie, pays de 5,4 millions d'habitants, membre de l'UE et de l'Otan.
Selon les analystes, la politique étrangère continuera d'être un sujet majeur avant le second tour.
Si Ivan Korcok est élu, la présidence slovaque "conservera une attitude critique à l'égard de la Russie, des positions proeuropéennes et un soutien à l'Ukraine", a déclaré à l'AFP Grigorij Meseznikov, directeur de l'Institut des affaires publiques de Bratislava.
Peter Pellegrini, quant à lui, "soutiendra l'idée, représentée par la coalition gouvernementale (...), d'un relâchement de nos liens avec nos alliés et partenaires de l'Otan et de l'UE, un soutien plus faible à l'Ukraine et un penchant pour la Russie", a-t-il ajouté.
Une victoire d'Ivan Korcok pourrait également entraver, selon les analystes, le rapprochement avec la Hongrie de Viktor Orban, proche de la Russie. "Il y a une chance que 'l'orbanisation' de la Slovaquie ne se réalise pas", juge Tomas Koziak.
Quel report des voix ?
L'élection d'Ivan Korcok à la présidence n'est néanmoins pas assurée. Peter Pellegrini aura en effet plus de facilité à recueillir les voix des partisans des candidats les plus nationalistes.
Parmi ces derniers, Stefan Harabin, qui a critiqué l'UE et fait l'éloge de Vladimir Poutine pendant la campagne, est arrivé en troisième position, avec près de 12 % des voix.
"La plupart des électeurs slovaques veulent un président qui défendra les intérêts nationaux, qui n'entraînera pas la Slovaquie dans une guerre mais parlera de paix, qui fera passer les intérêts de la Slovaquie en premier", a déclaré Peter Pellegrini samedi.
Il doit séduire les électeurs de Stefan Harabin qui réagissent "comme un taureau à une muleta rouge" à des penchants pro-occidentaux, juge Tomas Koziak.
Âgé de 48 ans, Peter Pellegrini a été ministre dans les précédents gouvernements de Robert Fico et l'a remplacé à la tête du gouvernement en 2018 après sa démission consécutive au meurtre d'un journaliste d'investigation et de sa fiancée.
De son côté, Ivan Korcok, 59 ans, est un diplomate de carrière et a représenté la Slovaquie aux États-Unis, en Allemagne et en Suisse avant de devenir ministre des Affaires étrangères entre 2020 et 2022.
"Je veux m'adresser aux électeurs qui ne sont pas d'accord avec la direction que ce gouvernement donne à la Slovaquie, (...) y compris en matière de politique étrangère", a lancé ce dernier samedi.
Sur le plan intérieur, Robert Fico est critiqué pour ses tentatives d'ingérence dans le système judiciaire, avec sa réforme récemment adoptée qui assouplit les peines pour corruption, et pour ses tentatives d'altération des médias publics.
Les partis d'opposition ont soutenu Ivan Korcok, affirmant qu'une victoire de Peter Pellegrini ouvrirait la voie à des grâces présidentielles pour les alliés du gouvernement jugés coupables de corruption.
"S'il est élu, Ivan Korcok équilibrera les positions du gouvernement", estime Grigorij Meseznikov.
Avec AFP