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Marie Toussaint : "L'UE est dans un état critique écologiquement, socialement, institutionnellement"

L’atmosphère était électrique mercredi au Parlement européen, lors du discours de la présidente de la Commission européenne Ursula von der Leyen sur l'état de l’Union, avec des clivages très apparents sur des sujets divers, notamment la transition énergétique. Nous en parlons avec Marie Toussaint, tête de liste Europe Écologie-Les Verts en France pour les élections européennes de juin 2024. Elle s’est illustrée en 2018 dans l'Affaire du Siècle, dénonçant l’inaction climatique de l’État français, condamné fin 2021, et mène depuis son combat écologiste au sein de l'hémicycle européen.

"L’Union européenne est dans un état critique !" C’est le constat alarmant que fait Marie Toussaint. Des nappes phréatiques qui se vident, un taux de pauvreté qui augmente partout sur le territoire : “On voit bien que la situation à la fois écologique et sociale – et d'ailleurs, à mon sens c'est la même – est extrêmement difficile. (...) Quant à l'Union européenne, en termes d'institutions, de politique, elle est effectivement dans un moment charnière, un moment critique”. À l’approche des élections européennes, l’heure des choix est venue, selon elle. “Allons-nous faire le choix d'un renforcement des nationaux populismes, d'un projet politique qui est celui d'une Europe blanche, chrétienne inamovible, d'une Europe de la haine ? Ou est-ce qu'on va, au contraire, faire le choix d'une Europe qui continue, d’un Pacte vert qui accélère la transformation écologique et sociale de notre société ? Le discours d’Ursula von der Leyen n'a pas permis de trancher la direction qui sera la sienne”, regrette-t-elle. D’autant plus que la droite et le centre européens ont appelé, en mai dernier, à une pause environnementale, alors même que “seulement 40 % des législations relatives au Pacte vert avaient été adoptées”. Elle rappelle par ailleurs que ce Pacte vert avait été proposé par cette même majorité politique et que les écologistes ne l’avaient pas adopté “parce que nous considérions que ça n'allait pas assez loin”.

“La droite traditionnelle regarde de plus en plus du côté de l'extrême droite pour prendre ses décisions (...) et c’est un signal inquiétant avec une droite qui passe de plus en plus d'accords – y compris dans les États, en Italie, en Suède, en Finlande et au sein du Parlement – avec l'extrême droite, pour lutter contre les droits humains, pour lutter contre la nature et ce qui était inimaginable il y a encore cinq ans devient totalement possible pour la prochaine mandature.” Mais même si elle fait ce constat pessimiste, elle ne reste pas fataliste. "Je crois tout à fait possible ce choix d'une autre Europe : une Europe du cœur, qui prenne soin tant des êtres humains que des écosystèmes. Cette Europe existe, elle est possible et elle est désirable."

Lors de son discours sur l'état de l’Union européenne, Ursula von der Leyen a longuement parlé économie en opposition à l'écologie, laissant envisager des manœuvres houleuses autour des prochains textes du Pacte vert qui pourraient faire l’objet d’un blocage. L’eurodéputée écologiste rappelle que, “outre le climat, il y a huit autres limites planétaires, dont le CO2, la biodiversité, l'eau, les pollutions chimiques et toxiques, qui définissent l'espace dans lequel la vie humaine est en sécurité sur terre, et nous dépassons six de ces neuf limites (...) De plus, 80 % des écosystèmes européens sont dégradés”. Elle s’inquiète donc des oppositions de la droite aux textes restants de ce Pacte vert, qui est d’ailleurs “quasiment vidé de sa substance”.

L’une des menaces pour la planète sont les produits toxiques et chimiques, dont Marie Toussaint rappelle “qu'on a absolument besoin de réviser d’urgence les règles qui sont aujourd'hui en vigueur dans l'Union européenne, parce que ça rend les gens et les écosystèmes malades. Elle pointe alors du doigt le commissaire au marché intérieur, le Français Thierry Breton, car “ avec le lobby de la chimie, il s'oppose à ce que ces législations soient révisées, tout simplement pour préserver leurs profits. Et donc, quel que soit l'endroit où l’on regarde, il y a une lutte acharnée d'un certain nombre d'industries contre de meilleures législations environnementales”.

Déjà plus de 18 mois que la guerre fait rage en Ukraine. Marie Toussaint se félicite que “l'Europe ait été au rendez-vous. Elle s'est montrée unie et solide. Je suis d'accord avec madame von der Leyen, on peut aussi le mettre à son crédit”. Elle souhaite “tout faire pour continuer ce soutien au peuple ukrainien qui ne passe pas que par la livraison d'armes, mais qui est aussi un soutien économique, un soutien dans l'accueil des Ukrainiennes et des Ukrainiens”, et “si l'Ukraine souhaite rentrer dans ce projet politique d’une l’Europe qui est la terre des droits et libertés, qui respecte l'État de droit, la séparation des pouvoirs, les droits et libertés fondamentaux et fondamentales des citoyennes et des citoyens, alors il faut y aller”. Mais elle y met “un bémol”. Il faudrait, selon elle, “changer les règles de fonctionnement de l’Union européenne, parce qu'un certain nombre de décisions sont bloquées, car elles sont prises à l'unanimité, ce qui conditionne la capacité de l'Union à agir. Il y a quelques années, cette sortie de l'unanimité avait été promise par Ursula von der Leyen, mais nous n'en entendons plus parler aujourd'hui” regrette-t-elle.

Les Verts ont toujours promu le fait que “l’Union européenne doit se doter d’une défense intégrée, qui se décide au niveau des Etats, mais qui soit transeuropéenne, sous supervision et dans la transparence par le Parlement européen”, et face à la guerre en Ukraine, “c'est normal de lui fournir un soutien militaire, qui passe aussi par la livraison d'armes”. Mais pour les Verts, “une Europe de la Défense doit aussi avoir pour objet la construction de la paix à travers le monde et donc aussi la lutte pour le désarmement”.

Les partis politiques désignent leurs têtes de liste pour les élections européennes au compte-gouttes. Marie Toussaint a été élue en juillet par son parti Europe Écologie-Les Verts – le parti “le plus pro-européen, le plus fédéraliste” de l’union de la gauche française – laissant envisager qu’une liste commune de la NUPES ne serait pas à l’ordre du jour pour ce scrutin. Cela lui a d’ailleurs valu des huées lors de son discours devant l’Université d’été de la France insoumise. Selon elle, “l'existence d'une coalition politique en France ne trouve pas d'écho au niveau européen (...)  et il est normal que nous présentions chacun des listes autonomes”, même si, reconnaît-elle, “un travail de convergence a eu lieu entre les différents partis de la gauche française, partenaire de la Nupes. Mais ce travail n'a pas abouti.” Elle tient par ailleurs à rappeler aux partis de la gauche française “nous sommes ensemble pour mener les combats que nous devons mener sur le terrain en France quand il en ait besoin. Nous sommes ensemble aussi au Parlement européen, mais laissons au peuple souverain le choix de décider de la teinte qu'il souhaite donner aux listes dans le cadre des élections européennes.”

Émission préparée par Isabelle Romero, Perrine Desplats et Sophie Samaille

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