
Des affrontements ont éclaté durant la manifestation contre les "mégabassines" – symboles des tensions autour de l'accès à l'eau – samedi dans les Deux-Sèvres. Plusieurs milliers de personnes se sont mobilisées malgré l'interdiction du rassemblement et le déploiement d'un important dispositif policier. Des gendarmes et des manifestants ont été blessés, selon un premier bilan, qui fait été de deux personnes dans un état grave.
De violents affrontements ont éclaté lors du rassemblement organisé contre les "mégabassines" dans les Deux-Sèvres, samedi 25 mars. Des milliers de personnes se sont rassemblées lors de cette manifestation interdite et des gendarmes et des manifestants ont été blessés. Deux personnes sont dans un état grave, selon les autorités.
"Parmi les manifestants pris en charge par les secours, à ce stade, il y a deux blessés graves, dont un victime d'un traumatisme crânien qui a été classé en urgence absolue par le médecin de la gendarmerie", ont indiqué les autorités peu après 16 h.
Seize gendarmes ont également été blessés, dont six évacués vers les hôpitaux de la région et un grièvement touché qui va être héliporté, selon la même source.
D'après un des organisateurs du rassemblement à Sainte-Soline, le mouvement écologiste des Soulèvements de la Terre, les affrontements ont fait "plusieurs dizaines de blessés graves" parmi les manifestants, dont trois ont été secourus en "urgence vitale".
Selon la députée LFI de Haute-Vienne Manon Meunier, interrogée sur place par l'AFP, deux blessés auraient leur pronostic vital engagé, information non confirmée par les autorités.
"J'ai vu au moins 30 blessés mais il y en a plus. Certains avaient perdu connaissance, d'autres avaient la tête en sang. Beaucoup de blessés aux pieds et à la tête", avait indiqué plus tôt Claire Auger, une institutrice qui leur a porté secours."Le Samu ne pouvait pas venir les chercher. On a vu juste une ambulance. On a sollicité les élus pour qu'ils fassent quelque chose. C'était la panique totale, ça a duré plus d'une heure avant que ça commence à évacuer", a ajouté ce témoin.
"Le Samu nous répondait qu'ils avaient ordre de ne pas approcher du site, qu'il fallait qu'on évacue nous-mêmes les blessés jusqu'au village de Sainte-Soline où ils seraient pris en charge", a complété Marc Parenthoën, enseignant-chercheur. Selon la députée LFI, des élus sont partis à pied chercher des voitures pour transporter les blessés.
Interrogée à ce sujet, la préfecture des Deux-Sèvres a expliqué que "pour faciliter et sécuriser l'arrivée des secours", les gendarmes les retrouvent d'abord en un point spécifique pour les escorter ensuite "jusqu'à la zone à risques".
Interpellation par la Ligue des droits de l'Homme
"Cela permet ainsi une approche des services de secours en toute sécurité" pour la prise en charge des blessés, la manœuvre étant "soutenue par des équipes médicales opérationnelles de gendarmerie" formées à cet effet, a ajouté la préfecture.
Cette situation a valu à la préfète des Deux-Sèvres d'être interpellée par la Ligue des droits de l'Homme, qui avait envoyé des observateurs à Sainte-Soline.
"Madame la préfète, laissez passer les secours d'urgence ! Nos observateurs ont constaté l'entrave par les forces de l'ordre à l'intervention des secours pour une situation d'urgence absolue", écrit la LDH dans un communiqué de presse.
Selon elle, le blessé se trouvait dans une zone "parfaitement calme", où rien ne faisait "obstacle à l'intervention du Samu", et il aurait dû être pris en charge "sans délai" par les secours.
Un long cortège avait commencé à défiler en fin de matinée, composé d'au moins 6 000 personnes selon la préfecture et d'environ 25 000 selon les organisateurs – le collectif d'associations "Bassines non merci", le mouvement écologiste des Soulèvements de la Terre et la Confédération paysanne.
Plus de 3 000 gendarmes et policiers ont été mobilisés par les autorités, alors qu'"au moins un millier" d'activistes violents, en partie venus de l'étranger, dont l'Italie, "prêts à en découdre avec les forces de l'ordre", sont présents, selon les autorités.
La manifestation, interdite comme la dernière à l'automne, a convergé vers la "bassine" de Sainte-Soline, surnom donné par leurs adversaires à ces réserves d'eau en construction dans la région pour l'irrigation agricole.
À l'approche du chantier, aux allures de bastion médiéval avec son talus entouré par les forces de l'ordre, de violents affrontements ont éclaté avec des militants radicaux qui ont fait usage "de mortiers d'artifices, de chandelles romaines et de cocktails Molotov de forte contenance", parmi d'autres projectiles, selon la gendarmerie, qui a riposté notamment avec des gaz lacrymogènes et un canon à eau.
Pendant environ une heure, les abords de la bassine se sont transformés en scène de guerre, avec de très nombreuses détonations, observées de loin par la plupart des manifestants restés pacifiques. Plusieurs véhicules de gendarmerie ont pris feu.
Les assaillants ont ensuite reflué et un calme relatif était revenu dans l'après-midi, la foule ayant reculé.
"C'est pas les écolos contre les agriculteurs"
"Alors que le pays se soulève pour défendre les retraites, nous allons simultanément faire front pour défendre l'eau", avaient lancé les organisateurs vendredi en installant leur "camp de base" dans une commune voisine.
Des armes avaient été saisies en amont du rassemblement – boules de pétanque, frondes, lance-pierres, produits incendiaires, couteaux et haches selon la gendarmerie – et 11 personnes interpellées, selon le parquet de Niort.
Les affrontements ont largement éclipsé le débat de fond sur le partage de l'eau face au changement climatique.
La bassine de Sainte-Soline fait partie d'un ensemble de 16 retenues, d'une capacité totale de six millions de mètres cubes, programmées par une coopérative de 450 agriculteurs avec le soutien de l'État.
Ce projet vise à stocker de l'eau puisée dans les nappes superficielles en hiver afin d'irriguer les cultures en été quand les précipitations se raréfient, selon un principe de "substitution". Ses partisans en font une condition de la survie des exploitations face à la menace de sécheresses récurrentes.
Son coût de 70 millions d'euros est financé à 70 % par des fonds publics en échange de l'adoption de pratiques agroécologiques par les bénéficiaires, une vaine promesse selon les opposants, qui dénoncent un "accaparement" de l'eau par "l'agro-industrie" et réclament un moratoire sur le projet.
Cette manifestation, "c'est pas les écolos contre les agriculteurs. Il faut une concertation de la société sur ces sujets", a déclaré à l'AFP Vic, 29 ans, technicienne en maraîchage, venue manifester pour la première fois depuis la Bretagne.
Avec AFP