Le billet vert a atteint son plus bas niveau depuis 15 mois, ce mardi, au grand dam des dirigeants chinois et européens. Pour l'heure, Washington ne semble pourtant pas disposer à changer de politique monétaire...
Pression de toute part sur le dollar. Président de la Banque centrale européenne (BCE), Jean-Claude Trichet n'est que le dernier en date à s'inquiéter de la faiblesse du billet vert. "Un dollars fort est dans l'intérêt des États-Unis et de la communauté internationale", vient-il d'affirmer alors que la monnaie américaine ne cesse de chuter.
Le dollar a effectivement atteint son plus bas niveau depuis 15 mois face aux principales devises internationales, ce mardi. Pis : il se dirige tout droit vers les bas-fonds qu’il n’avait plus connus depuis 1967, selon le blog Economix du New York Times.
Conséquence directe de ce dévissage : à l'occasion de l'entretien qu'il a eu avec son homologue chinois Hu Jintao ce mardi, le président américain Barack Obama a eu droit à quelques remontrances. "Hu Jintao lui a fait savoir qu’il souhaitait un dollar plus fort", explique Joris Zylberman, correspondant en Chine de FRANCE 24. Pour Pékin, l'enjeu est de taille : de la valeur du dollar dépend celle des immenses réserves chinoises en bons du Trésor américain.
Contre-productive ?
La Chine n'est toutefois pas la seule à suivre de très près l’évolution de la monnaie américaine : le monde entier craint, en effet, que la politique monétaire actuelle des États-Unis soit contre-productive et précipite le pays dans une nouvelle crise. Le vieil adage qui affirme que, "quand les États-Unis éternuent, la planète entière s'enrhume", a la vie dure...
Les risques de la faiblesse du dollar sont mondialement connus : plus il baisse, plus la pression inflationniste s'intensifie, plus les taux d’intérêts s'accroissent, plus la consommation des ménages - principal moteur de l’économie américaine - se réduit. Ce scénario, qui avait été à l’origine de la crise mondiale du début des années 1980, est toujours d'actualité, explique l'économiste américain Fred Bergsen, dans l’édition de novembre-décembre du magazine Foreign Affairs.
À plus court terme, un dollar faible handicape aussi les exportations européennes, de moins en moins compétitives. Depuis le mois de février, l'euro s'est apprécié de 15,6 % par rapport à la monnaie américaine.
Avantages immédiats
Reste que, pour l'heure, la Réserve fédérale américaine (Fed) voit surtout les avantages immédiats qu'elle peut retirer de cette politique monétaire. Si les États-Unis veulent asseoir leur croissance sur leurs exportations plutôt que sur leur demande intérieure, il faut qu’ils déprécient massivement et continûment, affirme en substance Patrick Artus, directeur de la recherche et des études économiques de Natixis, dans une étude publiée en novembre.
Ben Bernanke, le patron de la Fed, n'a d'ailleurs pas caché, lundi, qu'il comptait maintenir les taux d’intérêt américains à leur niveau historiquement bas "pendant une période de temps prolongée". Outre la question des exportations, cette politique lui permet de faciliter les prêts interbancaires pour continuer à redonner confiance au secteur financier et de pouvoir sortir très vite de fortes sommes d’argent afin de renflouer les établissements bancaires en quasi-faillite... Une stratégie à court terme qui fait craindre un scénario catastrophique similaire à celui qu'a connu la Russie à la fin des années 1990, lorsque le rouble avait perdu 50 % de sa valeur en un rien de temps, rappelle, notamment, le New York Times.