L'auteur sénégalais Mohamed Mbougar Sarr a reçu mardi le prix Goncourt pour "La Plus Secrète Mémoire des hommes" (Éd. Philippe Rey). Le narrateur du roman, Diégane Latyr Faye, jeune écrivain sénégalais, mène l’enquête pour savoir ce qu’est devenu l’auteur d’un livre mythique et introuvable, "Le Labyrinthe de l'inhumain". Écrit des décennies plus tôt par un certain TC Elimane, l'ouvrage a connu un immense succès avant d'être descendu en flammes, son auteur accusé de plagiat.
Voilà pour le roman. Mais c’est une histoire vraie, très proche, qui l’a inspiré : celle de l'écrivain malien Yambo Ouologuem. En 1968, son "Devoir de violence" reçoit le prix Renaudot, attribué pour la première fois à un écrivain noir. Le livre remporte un énorme succès, jusqu'à ce que le supplément littéraire du Times l’accuse de plagiat en 1972. Le scandale poursuit Yambo Ouologuem jusqu'à sa mort, en 2017.
Plus qu’une enquête, "La Plus Secrète Mémoire des hommes" est une réflexion sur le métier d’écrivain, menée par un auteur sénégalais de 31 ans dont c’est le quatrième livre. Grand favori parmi les finalistes du Goncourt, Mohamed Mbougar Sarr était sur les listes de tous les prix littéraires de la rentrée – Renaudot, Femina, Médicis… Plusieurs de ses précédents romans avaient déjà été remarqués par la critique, notamment "Terre ceinte" en 2014 et "Silence du chœur", en 2018 (Éd. Présence africaine).
Hasard du calendrier, ce Goncourt revient à un écrivain africain 100 ans exactement après qu’un écrivain noir l’a reçu pour la première fois. En 1921, le Goncourt avait été attribué à l’auteur martiniquais René Maran, pour "Batouala".
Fatimata Wane a reçu Mohamed Mbougar Sarr, qui lui expliquait n'être pas encore sûr d’être vraiment un écrivain, mais qu’il aspirait à écrire une "œuvre universelle", c'est à dire un livre qui, déconnecté de tout contexte historique, racial, religieux… aurait tout de même quelque chose à dire.
Par ailleurs, le prix Renaudot a été remis à Amélie Nothomb pour son roman "Premier sang" (Éd. Albin Michel). L’écrivaine belge y prend la plume comme si elle était son père, Patrick Nothomb. Elle y raconte, en son nom, son enfance et ses vacances chez ses grands-parents paternels, sous l’autorité d’un aristocrate qui se voulait poète et oubliait de veiller au bien-être des siens. L’autrice y revient aussi sur la prise d’otage de Stanleyville, au Congo, en 1964. Son père y était alors diplomate et avait tenté de négocier avec les rebelles pour protéger, pendant des mois, des dizaines d’otages.
Il s’agit là d’un des livres les plus personnels d’Amélie Nothomb, alors que son père est décédé en mars 2020.