Washington a fait appel d'une décision de la justice britannique qui avait rejeté, en janvier, la demande américaine d’extradition de Julian Assange, le fondateur de WikiLeaks. La Haute Cour de Londres va étudier ce recours, dès mercredi.
En matière de contre-espionnage, les États-Unis ont la mémoire longue. Après un premier échec, Washington revient à la charge, mercredi 27 octobre, devant la justice britannique pour obtenir l’extradition du fondateur de WikiLeaks Julian Assange, qu’ils poursuivent pour une fuite massive de documents.
Après avoir passé sept ans reclus à l’ambassade d’Équateur à Londres et deux ans et demi à la prison de haute sécurité de Belmarsh, l’Australien de 50 ans, considéré par ses partisans comme une victime d’attaques contre la liberté d’expression, a fait un pas majeur vers la liberté en janvier dernier. La juge britannique Vanessa Baraitser avait alors rejeté la demande américaine d’extradition en raison du risque de suicide de Julian Assange, qui risque 175 ans de prison aux États-Unis.
Mais Washington a obtenu de pouvoir faire appel de cette décision, remettant notamment en cause la fiabilité d’un expert qui avait témoigné en sa faveur.
Le psychiatre Michael Kopelman avait en effet reconnu avoir trompé la justice en "dissimulant" le fait que son client était devenu père alors qu’il était cloîtré à l’ambassade d’Équateur à Londres.
Cet appel, qui doit se dérouler pendant deux jours à la Haute Cour, constitue l’un des derniers recours pour Washington, qui, en cas de nouvelle défaite, n’aurait plus comme possibilité que de saisir la Cour suprême britannique, sans être assuré que cela lui soit accordé. En cas de victoire, ce ne serait pas la fin de l’affaire, qui serait alors renvoyée devant un tribunal amené à se prononcer sur le fond.
Pas d’inflexion depuis l'élection de Joe Biden
Julian Assange, soutenu par nombre d’organisations de défense de la liberté de la presse, est poursuivi pour avoir diffusé, à partir de 2010, plus de 700 000 documents classifiés sur les activités militaires et diplomatiques américaines, notamment en Irak et en Afghanistan.
Il a été arrêté par la police britannique en avril 2019 après avoir passé sept ans reclus à l’ambassade d’Équateur à Londres, où il s’était réfugié alors qu’il était en liberté sous caution. Il craignait une extradition vers les États-Unis ou la Suède, où il a fait l’objet de poursuites pour viol qui ont depuis été abandonnées.
Les poursuites le visant ont été lancées sous la présidence de Donald Trump. Sous son prédécesseur Barack Obama, qui avait Joe Biden pour vice-président, la justice américaine avait renoncé à poursuivre le fondateur de WikiLeaks.
Mais l’élection de Joe Biden à la Maison Blanche n’a pas apporté l’inflexion espérée par les soutiens de Julian Assange.
La directrice des campagnes internationales de Reporters sans frontières, Rebecca Vincent, a estimé que le président démocrate avait manqué l’occasion de se "distancer de ses prédécesseurs". "Les États-Unis semblent déterminés à poursuivre sur cette voie mais ce n’est pas inévitable", a-t-elle déclaré à la presse. "Cela doit cesser."
Alors que la Haute Cour du Royaume-Uni s'apprête à examiner l'appel des États-Unis dans l'affaire de l'extradition de Julian Assange/@wikileaks, RSF demande à nouveau que l'affaire soit classée et qu'Assange soit immédiatement libéré. #FreeAssange https://t.co/FZKQeFZrIb pic.twitter.com/hcnDQ2LLoj
— RSF (@RSF_inter) October 26, 2021Des soutiens mobilisés
Selon sa compagne, Stella Moris, qui lui a rendu visite en prison samedi, Julian Assange est "très mal en point". "Julian ne survivrait pas à une extradition, c’est la conclusion de la juge" en janvier, a-t-elle déclaré lundi.
"Julian veut pouvoir rentrer en Australie et voir sa famille, sa mère qu’il n’a pas vue depuis huit ans", a-t-elle expliqué, tout en reconnaissant que ce serait difficile car "l’Australie n’a rien fait pour assurer sa sécurité".
Pour le rédacteur en chef de WikiLeaks, Kristinn Hrafnsson, il serait "impensable" que la Haute Cour de Londres parvienne à toute autre conclusion qu’une confirmation du refus de remettre Assange à Washington.
Samedi, des centaines de manifestants – munis de pancartes "N’extradez pas Assange", "Le journalisme n’est pas un crime" ou encore "10 ans, ça suffit, libérez Assange maintenant !" – se sont réunis devant la Haute Cour de Londres, aux côtés de Stella Moris, pour réclamer sa libération.
Plusieurs organisations de défense des droits humains et de la liberté de la presse – dont Amnesty International, Human Rights Watch et Reporters sans frontières –, "profondément inquiètes", ont demandé mi-octobre dans une lettre ouverte au procureur général américain d’abandonner ses poursuites.
Avec AFP