logo

Meurtre de Mireille Knoll en 2018 : le procès s'est ouvert devant la cour d'assises de Paris

Le procès des deux hommes accusés du meurtre, à caractère antisémite, de Mireille Knoll s'est ouvert, mardi, aux assises de Paris. Le corps de cette femme de 85 ans, atteinte de la maladie de Parkinson, avait été retrouvé poignardé et partiellement brûlé à son domicile.

L'affaire avait provoqué indignation et émoi en France et à l'étranger. Le procès de deux hommes, accusés du meurtre à caractère antisémite de Mireille Knoll, une femme âgée juive tuée chez elle en 2018, s'est ouvert mardi 26 octobre, à Paris.

À l'ouverture du procès dans la matinée, le président Franck Zientara a rappelé les faits : en mars 2018, les pompiers, appelés pour un incendie, avaient découvert, dans le modeste appartement parisien de Mireille Knoll, son corps partiellement carbonisé.

La femme de 85 ans, atteinte de la maladie de Parkinson et qui ne pouvait se déplacer seule, avait été frappée de 11 coups de couteaux, notamment à la gorge. 

Dans le box des accusés, Yacine Mihoub, 31 ans, et Alex Carrimbacus, 25 ans, écoutent sans ciller. Tous deux se rejettent la responsabilité du crime, qui avait suscité une vague d'émotion en France, un an après le meurtre à Paris de Sarah Halimi, une sexagénaire juive jetée de son balcon. L'affaire avait entraîné une grande "marche blanche" et relancé le débat sur un "nouvel antisémitisme" lié à l'islamisation de certains quartiers.

Mireille Knoll a été tuée "parce que juive" avait clamé le président Emmanuel Macron, une indignation partagée notamment aux États-Unis et en Israël, face au sort de cette femme qui, enfant, avait fui Paris en 1942 pour échapper aux rafles antisémites.

Meurtre de Mireille Knoll en 2018 : le procès s'est ouvert devant la cour d'assises de Paris

La personnalité des deux hommes scrutée

"Des monstres", a dit d'eux Daniel Knoll, l'un des fils de la vieille dame, avant d'entrer dans la petite salle d'audience. Pendant le rappel des faits, le petit-fils de la victime n'a pas lâché les accusés de son regard furieux. 

La cour a ensuite commencé à s'intéresser à la personnalité des deux hommes, connus selon l'enquête pour être "menteurs" et "manipulateurs".

"J'affabule parfois, pour me valoriser, mais je ne mens pas", corrige Yacine Mihoub, 31 ans, petites lunettes, gilet noir sur chemise blanche. 

L’homme de 31 ans, petites lunettes, gilet noir sur chemise blanche, connaissait Mireille Knoll, voisine de sa mère, depuis l'enfance. Il faisait des courses au marché pour elle en échange d'argent de poche. Elle était devenue une sorte de "grand-mère de substitution", avait-il expliqué pendant l'enquête. 

"Une relation de confidents, elle m'a beaucoup aidé sur beaucoup de choses", dit-il aujourd'hui, assurant la voir "une fois, parfois deux, par semaine". Les parties civiles s'exaspèrent.

"J'apprends depuis trois ans que ça dérange beaucoup de monde que je rende visite à Mme Knoll, mais je ne m'en cachais pas", répond-il.

Addiction à l'alcool  

L'audience est tendue à plusieurs reprises. Alors que le ton chauffe entre un avocat des parties civiles et Yacine Mihoud, le petit-fils de Mireille Knoll lui fait plusieurs fois signe qu'il le garde à l'œil.

Yacine Mihoub, qui "parle bien", note un avocat, revient aussi sur son enfance, "heureuse" avec sa mère et frère et sœurs. Son père ? "C'est un alcoolique, j'ai rien à dire sur lui."

Tout change à ses 12 ans, alors qu'il est victime d'un viol par ses camarades de chambre à l'internat. "J'en voulais à tout le monde."

Il décrit ensuite sa plongée dans l'alcool, les "crises", les clefs de l'appartement que sa mère refuse de lui donner : "Je volais de l'argent pour m'acheter de l'alcool et des drogues."

Pouvait-il avoir l'alcool mauvais, demande le président. "En famille", uniquement assure-t-il. "Irritable, à fleur de peau, mais dangereux, non", soutient-il. 

"Il nous pourrissait la vie", avait dit sa mère avant lui. Elle est accusée d'avoir nettoyé le couteau du crime et comparaît, libre, aux côtés des deux hommes.

La cour veut savoir ce qu'il buvait. "J'ai eu une période whisky, vodka, rhum...", "Et du porto ?", demande le président. "Ça c'était que quand j'allais voir Mme Knoll."

Le jour du meurtre, il en avait bu une dizaine de verres chez la vieille dame, en compagnie de son co-accusé Alex Carrimbacus.

"Mon corps était habitué à recevoir des doses assez fortes. Le porto, c'est pas comme si je buvais du jus de raisin mais ça se rapproche." Les parties civiles soufflent à nouveau.

Le président fait ensuite la longue liste de ses condamnations : vols, violences, agressions sexuelles, exhibitions, menaces de mort... Yacine Mihoub argumente, explique, reconnaît a minima. Notamment un nombre considérable de fausses alertes à la bombe, dont une dans un centre de réinsertion pour jeunes qui l'avait renvoyé.

"Pourquoi vous avez fait ça ?", demande le président. "Pour les faire chier."

Les problèmes psychiatriques d’Alex Carrimbus

Quand vient le tour d’Alex Carrimbus, l’audience est moins tendue, d’ailleurs les parties civiles n’ont aucune question pour lui.

Le jeune homme, qui présente bien en chemise bleu clair et coiffure sage, revient sur son enfance dans un climat "particulièrement instable", sans père, violenté par son beau-père. Il est placé à l’âge de 8 ans, sa mère trouvant que ses crises de violence "incontrôlables" mettent sa demi-sœur en danger.

Il écumera les foyers et les ennuis - des "chamailleries" entre jeunes qu’il minimise. Le président énumère lui les "coups de boule", "Allah Akbar" crié dans un bus, les "menaces au couteau".

"Beaucoup d’armes blanches quand même", note le président. Comme son co-accusé, Alex Carrimbacus justifie et minimise, d’un ton plus scolaire de son côté. "J’étais jeune", répète celui qui vivra un moment à la rue et dépensait "96 euros" en crack par jour.

Pour vivre, il vole et a été de nombreuses fois condamné. "Il est d’une agilité hors pair" à l’escalade, avaient noté des policiers. "C’est ça", "oui", confirme souvent Alex Carrimbacus, moins volubile que son voisin.

Il fera plusieurs séjours en hôpital psychiatrique. La défense de Yacine Mihoub lui demande combien. Alex Carrimbacus hésite : "Quatre ou cinq je pense." Non, "25", reprend Me Charles Consigny, qui les a comptés. "J’ai bien rencontré des médecins qui m’ont confirmé que je n’étais pas fou", assurera-t-il à la cour. "J’ai fait beaucoup d’efforts ."

Alex Carrimbacus a fait plusieurs tentatives de suicide, dont certaines depuis qu’il est en prison. Il s’y est aussi scarifié, note le président. Il confirme. Sur sa jambe, il a gravé "innocent".

L’audience reprend mercredi à 9 h 30 avec les auditions d’enquêteurs.

Avec AFP