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L'émissaire américain en Haïti démissionne et dénonce des expulsions "inhumaines" de migrants

L'émissaire américain en Haïti, Daniel Foote, a démissionné, mercredi, pour dénoncer les expulsions "inhumaines" par les États-Unis de milliers de migrants haïtiens. Sa démission constitue un coup dur pour Joe Biden : sa politique d'expulsions massives de migrants haïtiens vers leur pays, en plein chaos sécuritaire, se voit ainsi critiquée par son propre émissaire. 

Dans une lettre datée du mercredi 22 septembre, l'émissaire américain en Haïti Daniel Foote a démissionné de son poste qu'il occupait seulement depuis juillet, pour dénoncer les expulsions "inhumaines" par les États-Unis de milliers de migrants haïtiens, alors que le pays est en proie à l'insécurité grandissante des gangs armés. 

"Je ne m'associerai pas à la décision inhumaine et contreproductive des États-Unis d'expulser des milliers de réfugiés haïtiens et d'immigrants illégaux en Haïti, un pays où nos fonctionnaires sont confinés dans des complexes sécurisés en raison du danger que représentent les gangs armés contrôlant la vie quotidienne", assène Daniel Foote dans sa lettre de démission adressée au secrétaire d'État Antony Blinken.

"Notre approche politique en Haïti reste profondément défectueuse et mes recommandations ont été ignorées et rejetées, lorsqu'elles n'ont pas été modifiées", dénonce également Daniel Foote dans sa missive.

L'émissaire américain en Haïti démissionne et dénonce des expulsions "inhumaines" de migrants

Interrogé lors d’une conférence de presse à New York, Antony Blinken a remercié le diplomate pour son travail, tout en ajoutant : "Cela ne signifie pas que nous ne pouvons pas avoir des désaccords sur la bonne approche." "Le niveau de désespoir parmi les migrants ne peut que tous nous affecter fortement, donc je comprends vraiment la passion qui entoure cette affaire", a-t-il ajouté.

Son porte-parole, Ned Price, avait plus tôt rejeté de manière plus directe les accusations de Daniel Foote, "simplement fausses", selon lui. L’émissaire "n’a pas saisi l’opportunité d’émettre" ses "inquiétudes à propos des migrants durant son mandat, et au lieu de cela, a choisi de démissionner", a-t-il déploré.

Daniel Foote avait été nommé le 22 juillet avec pour objectif de "faciliter la paix et la stabilité" et la tenue d'élections "libres et justes" après l'assassinat du président Jovenel Moïse, tué dans sa résidence privée par un commando armé le 7 juillet.

Quelque 1 400 expulsions de migrants

Le gouvernement américain peine à gérer un afflux soudain et massif de milliers de migrants, dont de nombreux Haïtiens, qui tentent de traverser le Rio Grande et se sont massés sous un pont la semaine dernière dans la petite ville frontalière de Del Rio, au Texas cherchant refuge aux États-Unis.

Les États-Unis avaient suspendu les expulsions de migrants haïtiens en situation irrégulière après le séisme qui avait ravagé la moitié sud d'Haïti le 14 août, mais le regroupement en quelques jours de plus de 15 000 migrants, sous un pont au Texas, a changé la donne.

Depuis dimanche, les services migratoires américains ont déjà affrété 12 vols pour renvoyer plus de 1 400 personnes dont plusieurs centaines d'enfants, dans la capitale Port-au-Prince et Cap-Haïtien, la deuxième ville du pays. 

Selon la Maison blanche, il ne resterait plus que quelques 5 000 migrants à Del Rio, au Texas, mais le flux n'est pas près de s'arrêter. Depuis des semaines, des milliers de migrants qui tentent de rejoindre les États-Unis via l'Amérique centrale se retrouvent bloqués sur la côte nord de la Colombie, en attente de leur passage vers le Panama. Il sont près de 19 000 migrants, en majorité haïtiens, a-t-on appris mercredi de source officielle.

Joe Biden critiqué dans son propre camp

La démission de Daniel Foote constitue un coup dur pour Joe Biden : sa politique d'expulsions massives de migrants haïtiens vers leur pays en plein chaos sécuritaire se voit ainsi critiquée par son propre émissaire. 

Dans une rare critique, le chef démocrate du Sénat, Chuck Schumer, avait aussi exhorté mardi Joe Biden à mettre fin immédiatement aux expulsions qualifiées d'"ignobles". "Une telle décision va à l'encontre du sens commun" et de "la décence", s'est-il insurgé, en soulignant que les conditions difficiles à Haïti faisaient que le pays ne pouvait "pas les recevoir". 

Le ministre américain à la Sécurité intérieure, Alejandro Mayorkas, a de son côté affirmé mercredi, que les photos montrant des membres de la police aux frontières repoussant à cheval des migrants haïtiens à la frontière américano-mexicaine ne reflétaient pas l'identité des États-Unis, ni l'action de l'ensemble de cette force. Ces clichés, qui ont fait le tour du monde, ont suscité un vif émoi aux États-Unis. Alejandro Mayorkas a rappelé avoir ordonné l'ouverture d'une enquête et promis des résultats rapides.

Les États-Unis sont l'une des principales puissances susceptibles d'exercer une influence sur Haïti, pays qu'ils ont occupé militairement pendant 19 ans, de 1915 à 1934. Mais le président Joe Biden a exclu tout envoi de militaires américains, malgré la demande en ce sens du gouvernement haïtien qui souhaitait des troupes pour sécuriser le pays caribéen.

Avec AFP