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Nasser Kamel (UpM) : les Européens ont eu "des pratiques déplorables au début de la crise Covid-19"

Secrétaire général de l’Union pour la Méditerranée (UpM) depuis trois ans, Nasser Kamel nous plonge dans la grande bleue pour établir un bilan de santé économique, sanitaire et diplomatique de l’organisation régionale. Dans cette émission enregistrée le 11 juin 2021, il insiste sur le besoin d’un "esprit de solidarité qui commence à s’installer tranquillement, mais il n’y a pas de solidarité complète" entre les rives nord et sud pour répondre aux crises migratoire et environnementale. 

L'Union pour la Méditerranée rassemble au total 43 pays : les 27 de l'Union Européenne (UE) et 16 pays de la rive sud de la Méditerranée. En tant qu'organisation régionale, si une réciprocité est attendue entre les rives nord et sud, Nasser Kamel reproche aux Européens "des pratiques déplorables au début de la crise Covid-19". La solidarité Nord-Sud n'ayant pas été au rendez-vous, l'ancien ambassadeur égyptien plaide pour que "l'UE déploie une part de vaccins de manière ciblée vers le sud de la Méditerranée".

Par ailleurs, Nasser Kamel rappelle que tourisme représente 10 % du PNB des pays méditerranéens, néanmoins, "le passeport européen ne sera pas opérationnel pour les pays du sud", pense-t-il. Il soulève alors l'intérêt d'harmoniser les normes entre l'UE et le sud du bassin méditerranéen car "si les populations du sud sont protégées, alors l'Europe sera mieux protégée aussi".

Outre le tourisme, le Nord et le Sud sont liés par les flux commerciaux : 60 % des échanges régionaux concernent l'UpM. Malgré l'amélioration des productions et leur diversification, il pointe que "les déséquilibres économiques et, avec la crise Covid, les inégalités se sont aggravées". En effet, l'Espagne dispose d'une économie équivalente à celle de cinq pays du Sud.

Le Secrétaire général de l'UpM insiste aussi et surtout sur le défi auquel le monde doit faire face : celui de la crise migratoire, dont la Tunisie en est un vif exemple. "L'Europe est trop concentrée sur le management plutôt que les causes réelles", estime-t-il. Réclamant de la reconnaissance et de la sécurité, 12 000 Tunisiens ont migré vers l'Italie. C'est pourquoi, l'UpM veut "donner à ces jeunes Tunisiens la possibilité d'un avenir prometteur dans leur propre pays". Il prend aussi l'exemple de deux enclaves espagnoles, Ceuta et Melilla : 8 000 Marocains sont arrivés au printemps dernier sur leurs côtes.

Nasser Kamel ajoute que l'accompagnement des femmes pour leur offrir une vie professionnelle est au cœur des projets et actions de l'UpM, mais qui ne sont "qu'une goutte de ce que pourrait faire l'UE".

Le Secrétaire général de l'UpM tient enfin à évoquer le moteur principal de la migration : "le changement climatique ne connaît pas de frontières". Or la dégradation de l'environnement constitue une menace permanente pour l'Europe et le monde en général. Nasser Kamel s'enthousiasme à l'idée d'un New Green Deal profitant à la fois au Nord et au Sud, mais il demande à ce que ce pacte vert soit traduit par des programmes définis. Il met en avant le besoin de considérer davantage l'utilité, l'efficacité et la puissance des ressources naturelles : "En investissant dans tous les pays du Sud et en construisant des interconnexions entre les deux régions, la seule énergie solaire suffit pour répondre aux besoins en électricité".

(Émission enregistrée le 11 juin 2021)

Une émission préparée par Mathilde Bénézet, Perrine Desplats, Isabelle Romero et Céline Schmitt.