Un socialiste, un conservateur ? Un homme, une femme ? Qui incarnera le visage de l'Union européenne ? Un temps favoris, Tony Blair et Jean-Claude Juncker semblent, en tout cas, ne plus faire l'unanimité...
La bataille est rude entre les prétendants à la présidence du Conseil européen, un poste-clé destiné à incarner le visage de l’Union européenne (UE). L’ancien Premier ministre britannique Tony Blair et le Premier ministre luxembourgeois, Jean-Claude Juncker, considérés encore récemment comme des candidats idéaux, ne font plus l’unanimité depuis le sommet européen de Bruxelles, fin octobre.
Le président du Conseil européen sera élu par les 27 chefs d’État et de gouvernement à la majorité qualifiée pour deux ans et demi (renouvelable une fois). Il sera chargé de "présider et d’animer les travaux du Conseil" ou encore d’"assurer la représentation extérieure de l’Union", en coopération avec le futur haut représentant des Affaires étrangères.
Le haut représentant des Affaires étrangères, élu pour cinq ans, sera chargé de conduire le service d'action extérieur européen. Il occupera également le poste de vice-président de la Commission, disposera d’un budget de 8 milliards d’euros ainsi que de bureaux dans la plupart des capitales.
Dès l’entrée en vigueur du traité de Lisbonne - au plus tôt au début décembre -, le poste de président "permanent" du Conseil mettra fin au système de la présidence tournante de l’UE. Sa mission : incarner la voix de l’Union européenne sur la scène internationale face aux Etats-Unis, la Chine et la Russie. Il sera élu par les 27 chefs d’État et de gouvernement, qui désigneront aussi le haut représentant pour les Affaires étrangères et la politique de sécurité, l'autre nouvelle fonction qui sera créée dès l'entrée en vigueur du traité.
Si rares sont ceux qui se sont officiellement portés candidats à la présidence, les tractations font rage dans les coulisses. Les socialistes semblent prêts à laisser le fauteuil aux conservateurs, majoritaires en Europe et au Parlement, préférant se positionner sur le poste de haut représentant pour les Affaires étrangères, plus stratégique à leurs yeux.
Au poste de président, l'ancien Premier ministre travailliste britannique Tony Blair (1997-2007), grand communicant, charismatique et de renommée internationale a longtemps été perçu comme le profil idéal pour incarner la voix de l’Union sur la scène internationale. Mais depuis le sommet européen de Bruxelles, l’option Tony Blair semble définitivement enterrée.
"Dans ce jeu européen, les noms de la première vague ne sont pas forcément les vainqueurs de la dernière", a commenté, vendredi, à Bruxelles, Nicolas Sarkozy, qui a évoqué la tenue d'un sommet extraordinaire pour nommer le président du Conseil "probablement" à la mi-novembre.
Le chef de l'Etat français, qui avait un temps soutenu la candidature de Tony Blair, a affirmé que Paris et Berlin "soutiendront le même candidat". Or, la chancelière allemande, Angela Merkel, a toujours émis des réserves sur le candidat britannique.
Car Tony Blair a notamment l’inconvénient d’avoir été associé au président américain George W. Bush et à la guerre en Irak. Il ne fait pas non plus l’unanimité car son pays ne figure ni dans la zone euro ni dans la zone Schengen.
Pourtant, il reste populaire en Europe de l’Est, en tant que champion de l’extension de l’UE et de l’Otan. Mais le Royaume-Uni semble aujourd’hui privilégier le poste de haut représentant. Et à ce poste, le chef du Foreign Office, David Miliband, 44 ans, paraît être un candidat adéquat.
Autre postulant à la présidence : Jean-Claude Juncker, un des rares à s’être officiellement porté candidat. Soutenu par les Néerlandais et les Belges, il présente un engagement sans faille envers l'UE : président de l’Eurogroupe, il siège au Conseil européen depuis 1995, ce qui fait de lui le doyen des dirigeants en exercice de l'UE. Encore favori l’an passé, il ne suscite plus le même enthousiasme en raison de sa mauvaise gestion de la crise financière et économique.
D'autres noms circulent dans les couloirs du Conseil européen, notamment celui du Premier ministre néerlandais, Jan Peter Balkenende. Même si le démocrate-chrétien a affirmé, mercredi, qu'il n'était "pas candidat", il est considéré comme un président potentiel de compromis. Soutenu par l’Allemagne, il pourrait aussi bénéficier de l'appui des petits pays. Mais le Néerlandais compte quelques défauts : il a perdu en 2005 le référendum sur le traité constitutionnel et est quasiment inconnu sur la scène internationale.
Est également cité Paavo Tapio Lipponen, l'ancien chef du gouvernement socialiste finlandais. Fin connaisseur des questions européennes, il a publié, jeudi, dans le "Financial Times" une tribune sur l'avenir institutionnel de l'Union qui ressemble étrangement à une déclaration d'intérêt pour le poste.
Enfin, Mary Robinson, l'ancienne présidente de l'Irlande. Selon le quotidien "Irish Times", la conservatrice affirme ne pas être candidate et préférer se consacrer à la lutte contre le réchauffement climatique. Mais la nomination d’une femme à ce poste serait un signe fort pour l'UE. C’est en tout cas ce que souhaite le président du Parlement européen, Jerzy Buzek.