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Au lendemain du coup d'État militaire et de l'arrestation de la dirigeante birmane Aung San Suu Kyi, son parti, la Ligue nationale pour la démocratie (LND), a appelé mardi à sa libération immédiate. De leur côté, de jeunes birmans ont annoncé sur les réseaux sociaux une campagne de "désobéissance civile".
La Ligue nationale pour la démocratie (LND), le parti d'Aung San Suu Kyi, a appelé mardi à "la libération" immédiate de la dirigeante, au lendemain d'un coup d'État en Birmanie condamné par la communauté internationale, Washington faisant planer la menace de sanctions avant une réunion d'urgence du Conseil de sécurité de l'ONU.
Le putsch s'est fait sans effusion de sang, mais des soldats étaient encore déployés dans la capitale Naypyidaw, où Aung San Suu Kyi, 75 ans, et d'autres dirigeants de la LND ont été interpellés lundi à l'aube.
Des militaires encerclaient également les bâtiments où résident les parlementaires, une députée LND décrivant à l'AFP un "centre de détention à ciel ouvert". "Nous avons des vivres, mais nous ne pouvons pas sortir de l'enceinte" à cause des soldats, a-t-elle expliqué, sous couvert d'anonymat.
Selon cette même députée, Aung San Suu Kyi et le président de la République Win Myint sont "assignés à résidence" dans la capitale. Des voisins l'ont aperçue se promenant dans le jardin de sa résidence officielle entourée de murs, a indiqué un autre membre de son parti.
La LND a appelé sur Facebook à la "libération" immédiate de la prix Nobel de la paix 1991 ainsi que des autres responsables du mouvement, dénonçant une "tache dans l'histoire de l'État et de Tatmadaw [l'armée birmane]". Cette dernière doit "reconnaître le résultat" des élections de novembre, a ajouté le parti.
Contestant la validité de ce scrutin, remporté massivement par la LND, les militaires ont proclamé lundi l'état d'urgence pour un an, mettant fin à une parenthèse démocratique de dix ans.
"Inquiet et effrayé"
Plus de 24 heures après le putsch, les langues avaient du mal à se délier de peur de représailles dans un pays qui a vécu, depuis son indépendance en 1948, sous le joug de la dictature militaire pendant près de cinquante ans.
"Les gens ne vont pas descendre dans les rues pour manifester. Tout le monde sait que les soldats sont armés et peuvent tirer", relève un vendeur de journaux à Rangoun. "On a peur de critiquer ouvertement, même si nous n'aimons pas ce qu'il se passe", souligne cet autre commerçant qui tient un petit étal de viande tandis qu'un chauffeur de taxi se dit "inquiet et effrayé".
Aucun signe de présence militaire significative n'était toutefois visible dans la ville, capitale économique de plus de 5 millions d'habitants, preuve de la confiance des militaires en leur emprise sur le pays, d'après des observateurs.
Les connexions téléphoniques et l'accès à Internet, très perturbés la veille, fonctionnaient à nouveau, les banques étaient rouvertes, mais l'aéroport international restait fermé.
Les marchés et les rues, généralement animés malgré la pandémie de coronavirus, étaient toutefois plus calmes qu'à l'ordinaire.
Pressentant les événements, Aung San Suu Kyi avait préparé un message par anticipation, exhortant les Birmans à "ne pas accepter le coup d'État".
De jeunes birmans ont annoncé sur les réseaux sociaux une campagne de "désobéissance civile", mais elle ne s'est pas encore matérialisée dans les rues. Le coup de force de l'armée a aussi ses supporters : des centaines de partisans pro-militaires se sont rassemblés autour de la pagode Shwedagon à Rangoun, agitant le drapeau du pays.
L'armée a promis d'organiser de nouvelles élections "libres et équitables", une fois que l'état d'urgence d'un an serait levé, mais les Birmans se montraient assez pessimistes.
"Ils ont osé mener un coup d'État en pleine pandémie. Ils peuvent tout se permettre", estime un chauffeur de taxi.
Les généraux restaient en tous cas silencieux face aux vives condamnations venues de l'étranger.
Le président américain, Joe Biden, a appelé la communauté internationale à "parler d'une seule voix pour exiger de l'armée birmane qu'elle rende immédiatement le pouvoir", l'ONU et l'Union européenne condamnant unanimement le coup d'État.
À l'inverse, Pékin a refusé de critiquer qui que ce soit, appelant simplement toutes les parties à "résoudre les différends".
Une réunion d'urgence du Conseil de sécurité de l'ONU doit avoir lieu ce mardi.
Paria à l'international
Le chef de l'armée, Min Aung Hlaing, qui concentre désormais l'essentiel des pouvoirs, est un paria pour les capitales occidentales du fait de la répression sanglante menée par les militaires contre la minorité musulmane rohingya, un drame qui vaut à la Birmanie d'être accusé de "génocide" devant la Cour internationale de Justice (CIJ), la plus haute juridiction de l'ONU.
Aung San Suu Kyi, très critiquée à l'international pour sa passivité dans cette crise qui a conduit des centaines de milliers de Rohingyas à se réfugier au Bangladesh, reste toutefois adulée dans son pays.
Longtemps exilée, "la dame de Rangoun" est rentrée en Birmanie en 1988, devenant la figure de l'opposition face à la dictature militaire. Elle a passé quinze ans en résidence surveillée avant d'être libérée par l'armée en 2010.
En 2015, la LND avait obtenu une large majorité et l'ex-dissidente avait été contrainte à un délicat partage du pouvoir avec l'armée encore très puissante.
Malgré la crise des Rohingyas, l'Occident "doit respecter" le résultat des législatives de novembre qu'elle a remportées haut la main, estime Derek Mitchell, ex-ambassadeur des États-Unis en Birmanie. "Ce n'est pas la personne, c'est le processus" démocratique qui est en jeu.
Avec AFP