En France, l'examen d'un projet de loi sécuritaire, qui prévoit notamment l'encadrement controversé de la diffusion de l'image des policiers et gendarmes, a débuté mardi soir à l'Assemblée nationale, sur fond de contestations dans l'hémicycle comme dans la rue.
Les députés français ont commencé, mardi 17 novembre vers 21 h, à s'atteler à la proposition de loi "sécurité globale" portée par LREM ainsi que son allié Agir, et ses 1 300 amendements.
Au même moment, de sérieuses échauffourées ont éclaté entre plusieurs centaines de personnes et les forces de l'ordre à la fin d'un rassemblement près du Palais Bourbon, en dépit du confinement. D'autres rassemblements réunissant au total plusieurs milliers de manifestants ont eu lieu à Lyon, Grenoble, Toulouse, Bordeaux, Marseille ou encore Rennes.
Dans la ligne de mire des manifestants : une loi jugée "liberticide" mais destinée "à protéger ceux qui nous protègent", les forces de l'ordre, selon le ministre de l'Intérieur Gérald Darmanin. "Lisons le texte sans fantasmes", a-t-il demandé mardi soir.
Réquisitoire
"La liberté recule dans notre pays", lui a répondu le chef de file des députés de La France Insoumise (LFI) Jean-Luc Mélenchon, défendant une motion de rejet préalable qui a récolté 41 voix pour et 281 contre. Deux ans jour pour jour après le début du mouvement des Gilets jaunes, Jean-Luc Mélenchon s'est livré à un réquisitoire des orientations sécuritaires de l'exécutif, provoquant remous et interpellations sur les bancs de la majorité et de la droite.
Le député LR Eric Ciotti a accusé le leader LFI d'alimenter la "haine des nervis d'extrême gauche" et a salué mollement un texte qui contient des "mesures positives".
Pour Marine Le Pen, il n'est "pas à la hauteur des enjeux".
Initialement, la proposition de loi ne devait être que la traduction d'un rapport parlementaire consacré au "continuum de la sécurité", avec de nouvelles prérogatives pour les polices municipales et la structuration du secteur de la sécurité privée.
Les députés aborderont d'abord ces deux thématiques réputées plus consensuelles, mais qui n'échapperont pas aux banderilles des oppositions, les communistes rejetant en bloc "un désengagement de l'État sur ses missions régaliennes". À l'inverse, le groupe Agir souhaite aller plus loin et notamment généraliser l'armement de la police municipale.
"Pas d'utilité"
Mais c'est le dernier versant du texte qui sera le plus périlleux avec une série de mesures sécuritaires controversées pour lesquelles la place Beauvau a tenu la plume. La disposition la plus polémique est l'article 24, qui prévoit de pénaliser d'un an de prison et de 45 000 euros d'amende la diffusion de "l'image du visage ou tout autre élément d'identification" d'un policier ou d'un gendarme en intervention lorsque celle-ci a pour but de porter "atteinte à son intégrité physique ou psychique".
Soutenue par les syndicats policiers, la mesure fait bondir représentants des journalistes et défenseurs des libertés publiques qui dénoncent "une atteinte disproportionnée à la liberté d'expression".
"Cette loi n’a pas d’utilité parce dans le droit pénal français, il y a déjà plusieurs dispositions pour protéger les policiers et sanctionner" ceux qui voudraient leur nuire, a assuré l'avocat Arié Alimi, de la Ligue des droits de l'Homme, lors du rassemblement parisien.
"Guerre des images"
Face aux critiques, le chef de file des députés LREM, Christophe Castaner, a tenté de déminer un texte "loin des caricatures". "Ni la liberté de la presse, ni le droit à l'information, ni le fait de pouvoir filmer à n'importe quel moment les forces de sécurité intérieure en intervention ne sont remis en question", a promis l'ex-ministre de l'Intérieur.
Selon l'un des corapporteurs, Jean-Michel Fauvergue : il s'agit de "regagner du terrain" dans la "guerre des images" que "l'autorité, l'État en particulier, est en train de perdre", alors que se sont multipliées, dans le sillage des Gilets jaunes, les accusations de violences policières.
Les "marcheurs" ne pourront compter sur leurs alliés du MoDem qui veulent supprimer la disposition et affichent des réticences sur le texte.
Avec AFP
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