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Haut-Karabakh : des mercenaires syriens, soutenus par la Turquie, épaulent l'Azerbaïdjan

Des centaines de miliciens proturcs recrutés en Syrie ont été déployés dans la région séparatiste de Haut-Karabakh, pour combattre les forces arméniennes au côté de l'Azerbaïdjan. Une présence militaire qui inquiète particulièrement la communauté internationale.

Se dirige-t-on vers une nouvelle escalade du conflit dans le Haut-Karabakh ? Des miliciens syriens pro-Ankara ont été déployés ces dernières semaines dans les montagnes de la région, pour épauler l'Azerbaïdjan face aux séparatistes arméniens. Vingt-huit d'entre eux auraient déjà péri dans les combats, a indiqué, vendredi 2 octobre, l'observatoire syrien des droits de l'Homme (OSDH). L'AFP a pu confirmer la mort de trois d'entre eux, en contactant leurs familles.

La veille, le président français Emmanuel Macron s'était inquiété de la présence de ces combattants, les qualifiant de "jihadistes", et ajoutant que ces individus "sont connus, tracés, identifiés et viennent de groupes jihadistes qui opèrent dans la région d'Alep". Une affirmation qui relève du "raccourci", estime Wassim Nasr, journaliste à France 24 et spécialiste des mouvements jihadistes.

"Des mercenaires, plus que des jihadistes"

"Ces miliciens sont loin d'être des jihadistes, ce sont plutôt des mercenaires. Car des jihadistes ne combattraient jamais sous la bannière turque, ni aux côtés des Azéris. Les jihadistes ont d'ailleurs fermement condamné l'engagement des miliciens en Azerbaïdjan, en accusant ces derniers d'abandonner le combat en Syrie. Ces hommes ont été recrutés sur la base du volontariat au sein de l'Armée nationale syrienne, qui n'est qu'une sorte de cadre unificateur de plusieurs factions rebelles syriennes aujourd'hui totalement dépendantes d'Ankara", explique le journaliste de France 24. Ces combattants supplétifs auraient été recrutés en Syrie et acheminés par avion dans le Caucase depuis la mi-septembre par des groupes privés de sécurité turcs.

Haut-Karabakh : des mercenaires syriens, soutenus par la Turquie, épaulent l'Azerbaïdjan

"Il s'agit pour la plupart de très jeunes gens d'ethnie turkmène et arabe, qui partent pour la solde. Certains trouvent des justifications à leur engagement : ils vont, dans ce cas, affirmer vouloir défendre la Turquie. Mais la plupart ne le font que pour des raisons mercantiles. Car avec le Covid-19, il est encore plus compliqué pour eux de ramener de l'argent", note Wassim Nasr. 

"Nos chefs nous ont proposé une paye oscillant entre 1 300 et 1 800 dollars. La situation à Idleb est très difficile et j'ai une famille à entretenir. Quel que soit l'endroit où les Turcs me demanderont d'aller, j'irai. Ce sont nos alliés", a ainsi expliqué au Monde, Mohamed Ali, un mercenaire syrien pro-Ankara affilié au groupe Faïlak al-Cham, une composante de l'Armée nationale syrienne (ANS).

850 combattants sur le terrain, selon l'OSDH

Si la présence de ces combattants dans la région du Caucase est démentie aussi bien par Bakou qu'Ankara, alliés de longue date, elle reste confirmée par de nombreux observateurs locaux. Il reste toutefois difficile de déterminer combien se trouvent précisément sur le champ de bataille. Au moins 850 combattants syriens pro-Ankara y auraient été envoyés, estime l'Observatoire syrien des droits de l'Homme. Autre fait pouvant attester leur présence, des avis de décès montrant des photos de présumés combattants morts se sont multipliés ces derniers jours sur les réseaux sociaux. 

"C'est de la désinformation", a réagi le conseiller à la présidence azerbaïdjanaise, Hikmet Hajiyev. "L'Azerbaïdjan n'a pas besoin de combattants étrangers car nous avons des forces armées professionnelles et nous avons également suffisamment de réservistes", a-t-il ajouté. De son côté, l'Arménie n'a cessé depuis le début des hostilités d'accuser la Turquie d'envoyer des mercenaires syriens dans la zone disputée. 

Pression de la communauté internationale

Ce déploiement de combattants syriens recrutés temporairement par Ankara n'est pas une première. L'an dernier, ces miliciens avaient déjà été envoyés au Kurdistan syrien, ainsi qu'en Libye, où ils avaient participé à la défense de Tripoli lorsque la capitale était assiégée par les forces du maréchal Khalifa Haftar.

La présence de ces miliciens syriens pourrait accentuer la pression internationale sur Ankara. Ainsi, sans accuser directement la Turquie, Vladimir Poutine a exprimé, vendredi, pour la première fois, sa "profonde préoccupation" quant à l'arrivée dans la région séparatiste de ces combattants.

Si la diplomatie arménienne a amorcé vendredi une timide ouverture, se disant favorable à la reprise de négociations pour un cessez-le-feu, l'Azerbaïdjan signifie toujours que les hostilités n'ont qu'une issue : le retrait arménien des "territoires occupés" du Haut-Karabakh.

"Nous voulons rétablir notre intégrité territoriale", a affirmé le président de l'Azerbaïdjan, Ilham Aliev, assurant que le droit international était "du côté" de Bakou. De son côté, l'Arménie défend le droit à l'autodétermination des Arméniens vivant dans l'enclave, qui ont proclamé leur indépendance (non reconnue sur le plan international), après la chute de l'URSS.