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Comment l'axe Trump-Poutine a redéfini l'ordre mondial en 2025
À Washington, Donald Trump souffle le chaud et le froid sur sa relation avec Vladimir Poutine. Mais derrière ces hésitations, une trajectoire se dessine : celle d’un réalignement diplomatique américain qui fragilise Kiev et bouscule l'ordre international.
Vladimir Poutine et Donald Trump ont été réunis en 2025, lorsque ce dernier est revenu au pouvoir à Washington. Ces retrouvailles ont ébranlé l'ordre mondial. © Studio graphique France Médias Monde
À retenir

Les dates clés de l'année 2025 pour les relations américano-russes

  • 15 août : Le sommet en Alaska entre Donald Trump et Vladimir Poutine signe un réchauffement des relations américano-russes.
  • 20-21 novembre : Le plan américain de paix pour l'Ukraine fuite dans la presse, il reprend la plupart des revendications russes.
  • 5 décembre : Les États-Unis publient leur nouvelle stratégie de sécurité nationale qui épargne la Russie et réoriente en profondeur les priorités américaines.

Lorsque le président russe, Vladimir Poutine, avance sur le tarmac de l'aéroport militaire américain en Alaska ce 15 août 2025, il a la main tendue et arbore un grand sourire. À quelques mètres de là, son homologue américain, Donald Trump, l'attend patiemment pour ce sommet à deux.

Cette première visite du dirigeant russe dans un pays occidental depuis le début de la guerre en 2022 en Ukraine avait un petit air de retrouvailles entre vieilles connaissances. Voici le grand retour de la "bromance" Trump-Poutine, se sont empressés de noter médias et observateurs. Cette relation privilégiée entre les deux hommes avait déjà été mise en avant par Donald Trump lors de son premier mandat présidentiel, entamé en 2016.

De la "bromance" aux "frènemis" ?

Pourtant, en octobre, soit deux mois plus tard à peine, le ton changeait à Washington, Donald Trump n'hésitant pas à déclarer que Vladimir Poutine représentait un "obstacle" à la paix en Ukraine.

La politique étrangère de l'administration Trump reste cependant alignée sur des priorités de la Russie. Le plan américain de paix en Ukraine de mi-novembre ressemble à un décalque des exigences de Moscou, tandis que la nouvelle stratégie américaine de sécurité nationale, dévoilée début décembre, n'évoque même pas la responsabilité russe dans le déclenchement de la guerre en Ukraine.

"C'est une relation avec des hauts et des bas, et surtout à sens unique", souligne Natasha Lindstaedt, spécialiste des régimes autoritaires à l'université de l'Essex. Le principal moteur "reste l'admiration de Donald Trump pour les hommes forts comme Vladimir Poutine et la manière dont le président russe l'exploite à son avantage", précise Veronika Hinman, spécialiste des relations internationales et de la Russie à l'université de Portsmouth.

Difficile de résumer cette dynamique à des termes comme "bromance" ou "frènemis". En revanche, les experts interrogés par France 24 sont unanimes : cette relation ambiguë a déjà eu, en une année seulement, des "conséquences énormes sur l'ordre mondial", assure Natasha Lindstaedt.

À commencer, bien sûr, par la guerre en Ukraine. "Vladimir Poutine semble avoir réussi à convaincre le président américain que la Russie avait un droit sur le territoire de l'Ukraine et Donald Trump semble avoir été contaminé par la rhétorique et les éléments de langage du président russe sur le Donbass et la Crimée", affirme Natasha Lindstaedt.

L'Ukraine a, ainsi, perdu son soutien le plus puissant depuis que Donald Trump a remplacé Joe Biden à la Maison Blanche. Par ricochet, ce réalignement diplomatique de Washington sur une ligne plus russo-compatible a contraint l'Europe occidentale à repenser son rôle. "C'est la raison pour laquelle l'Union européenne a décidé de mobiliser 90 milliards d'euros de prêt pour l'Ukraine, car elle sait ne plus pouvoir compter sur les États-Unis", estime Scott Lucas, spécialiste de politique internationale et de la diplomatie américaine à l'université de Dublin.

Ordre mondial qui "a volé en éclats"

Le cas de l’Ukraine est unique : le réalignement de la diplomatie américaine met davantage en péril la survie du pays, tout en illustrant les bouleversements mondiaux liés à la nouvelle dynamique des relations américano-russes.

À l'instar de Kiev, l'ordre mondial se retrouve otage d'un Donald Trump qui "imite le style et la manière de faire de Vladimir Poutine", assure Natasha Lindstaedt.

Aux yeux du président américain, un dirigeant fort "ne croit pas au système d'alliance et préfère les relations individuelles", note Scott Lucas. Donald Trump, tout comme Vladimir Poutine, "ne joue plus selon les règles du système international fondé sur les traités", affirme Veronika Hinman.

Il ne s'agit pas seulement des critiques incessantes des États-Unis à l'égard de l'Otan, mais également des bombardements à la légalité discutable contre des embarcations au large des côtes vénézuéliennes, accusées par Washington de transporter de la drogue.

Le risque, d'après les experts interrogés par France 24, est que d'autres pays suivent plus ouvertement cet exemple. À commencer par la Chine qui, jusqu'à présent, cherchait plutôt à se positionner comme le bon élève, voire le garant de l'ordre international. "L'ordre mondial tel que nous le connaissions a volé en éclats", résume Scott Lucas.

Bouleversements idéologiques

Vladimir Poutine s'est aussi senti encouragé par l'attitude de Donald Trump, estime Natasha Lindstaedt. Dans sa guerre hybride menée contre l'Europe, les opérations ont peut-être été moins nombreuses en 2025, mais elles ont été plus tape-à-l'œil : "Les incursions de drones en Europe, et autres provocations (tentatives d'assassinat d'opposant russe (lien vers mon autre retro), présence de navire espion russe au large des côtes anglaises, NDLR), peuvent s'expliquer en partie parce que Vladimir Poutine estime qu'il peut se le permettre", assure Natasha Lindstaedt.

La proximité Trump-Poutine risque également d'avoir des conséquences politiques. Jusqu'à présent, la Russie poutinienne faisait face au monde occidental, emmené par le champion américain des libertés individuelles.

La donne idéologique a changé avec Donald Trump et son mouvement MAGA. "Certaines idées développées en Russie par Alexandre Douguine (l'un des principaux idéologues du pouvoir, NDLR), telles que l'ultra-nationalisme comme priorité politique, et l'idée que la civilisation occidentale est menacée par les tensions raciales et sociales se retrouvent presque à l'identique dans certains cercles de la mouvance MAGA", affirme Scott Lucas.

De quoi fragiliser la démocratie au-delà des frontières russes ou nord-américaines. "Les Russes comme les Américains vont soutenir activement des mouvements et partis d'extrême droite à travers le monde, comme l'AfD en Allemagne", conclut Scott Lucas.