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Régulation de la tech : l'Europe s'alarme après les sanctions de l'administration Trump
La présidente de la Commission européenne, Ursula von der Leyen, a défendu sur X la "liberté d'expression", après que l'administration Trump eut banni l'ancien commissaire européen Thierry Breton et quatre autres personnalités européennes engagées pour la régulation de la tech. Emmanuel Macron a, lui, exprimé son soutien à Thierry Breton.
Les drapeaux de l'Union européenne flottent au vent devant le siège de l'Union européenne, à Bruxelles, le 25 mars 2024. © Virginia Mayo, AP

L'Union européenne (UE) a exigé mercredi 24 décembre des "clarifications" et condamné fermement les sanctions "injustifiées" imposées par l'administration Trump à l'ancien commissaire Thierry Breton et quatre autres personnalités européennes engagées pour une stricte régulation de la tech et contre la désinformation.

Tous les cinq sont interdits de séjour aux États-Unis et accusés de "censure" au détriment des intérêts américains par le département d'État.

Le président français, Emmanuel Macron, s'est entretenu mercredi avec l'ancien commissaire européen Thierry Breton, qu'il a remercié pour son travail. Plus tôt, il avait dénoncé sur X des mesures qui "relèvent de l'intimidation et de la coercition à l'encontre de la souveraineté numérique européenne". "La France dénonce les décisions de restriction de visa prises par les États-Unis à l'encontre de Thierry Breton et de quatre autres personnalités européennes", a-t-il ajouté, affirmant que les Européens continueraient à défendre leur "souveraineté numérique" et leur "autonomie réglementaire".

"L'Union européenne continuera à protéger la liberté d'expression", a de son côté déclaré sur X la présidente de la Commission européenne, Ursula von ‍der Leyen. "La liberté d'expression est le fondement de notre démocratie européenne forte et dynamique. Nous en sommes fiers. Nous la protégerons", a-t-elle affirmé.

L'UE affirme qu'elle répondra "rapidement"

Les Européens n'ont généralement pas besoin de visa pour se rendre dans le pays, mais doivent toutefois obtenir une autorisation électronique de voyage aux États-Unis (ESTA).

À Bruxelles, la Commission a indiqué avoir "demandé des clarifications aux autorités américaines". "Si nécessaire, nous répondrons rapidement et de manière décisive pour défendre notre autonomie réglementaire contre des mesures injustifiées", a-t-elle protesté dans un communiqué.

Le Français Thierry Breton, ancien ministre et artisan de la directive européenne sur les services numériques, a été commissaire au Marché intérieur de 2019 à 2024, avec de larges compétences en particulier sur les dossiers numériques et industriels.

Sur X, il a dénoncé un "vent de maccarthysme" aux États-Unis, en référence à la chasse aux sorcières anticommuniste menée par le sénateur américain Joseph McCarthy dans les années 1950.

Pour la diplomatie américaine, la législation européenne confine à la censure.

"Depuis trop longtemps, les idéologues européens mènent des actions concertées pour contraindre les plateformes américaines à sanctionner les opinions américaines auxquelles ils s'opposent", a fustigé mardi le chef de la diplomatie américaine, Marco Rubio, sur X. "L'administration Trump ne tolérera plus ces actes flagrants de censure extraterritoriale", a-t-il ajouté.

Les quatre autres Européens sanctionnés sont des représentants d'ONG luttant contre la désinformation et la haine en ligne au Royaume-Uni et en Allemagne : Imran Ahmed, qui dirige le Center for Countering Digital Hate (CCDH), Clare Melford, à la tête d'un index de la désinformation (Global Disinformation Index, GDI) au Royaume-Uni, ainsi que Anna-Lena von Hodenberg, fondatrice de HateAid, une ONG allemande, et Josephine Ballon, de la même association.

Les sanctions américaines "constituent une attaque autoritaire contre la liberté d'expression et un acte flagrant de censure gouvernementale", a réagi GDI dans un communiqué, évoquant des menées "contraires aux valeurs américaines".

"Nous ne nous laisserons pas intimider par un gouvernement qui instrumentalise les accusations de censure pour museler ceux qui défendent les droits humains et la liberté d'expression", a protesté HateAid à Berlin, alors que l'Allemagne a dénoncé des mesures "inacceptables". 

Cette organisation allemande offre un soutien psychologique et juridique aux personnes victimes de discrimination, de menaces ou d'attaques en ligne.

La réglementation européenne dans le collimateur

Le président américain Donald Trump mène une offensive d'envergure contre les règles de l'Union européenne sur la tech, qui imposent aux plateformes des régulations comme le signalement de contenus problématiques, jugées par les États-Unis comme une atteinte à la liberté d'expression.

L'UE dispose, de fait, de l'arsenal juridique le plus puissant au monde pour réguler le numérique.

Washington a notamment très mal pris l'amende de 140 millions de dollars infligée par l'UE début décembre à X, le réseau social du milliardaire Elon Musk, décrite par Marco Rubio comme une "attaque contre toutes les plateformes technologiques américaines et le peuple américain par des gouvernements étrangers".

Depuis son retour au pouvoir, Donald Trump a l'Europe dans le collimateur.

Dans sa nouvelle stratégie de sécurité nationale, publiée récemment, qui parle d'un "effacement civilisationnel" de l'Europe, les États-Unis ciblent pêle-mêle les instances européennes "qui sapent la liberté politique et la souveraineté", les politiques migratoires ou encore "l'effondrement des taux de natalité" sur le Vieux Continent.

Dès février dernier, le vice-président américain, JD Vance, avait consterné les Européens lors d'un discours à Munich dans lequel il avait affirmé que la liberté d'expression "reculait" sur le continent, épousant les vues des partis d'extrême droite comme l'AfD, en Allemagne.

Par ailleurs, un récent mémo du département d'État, cité dans la presse américaine, évoque de nouvelles consignes du gouvernement américain visant à restreindre les visas pour des personnes travaillant dans la tech (les visas H-1B), notamment spécialisées dans la modération de contenu.

Le Réseau international de vérification des faits (International fact-checking network, IFCN), basé aux États-Unis et qui rassemble plus de 170 entités luttant contre la désinformation, avait exprimé sa "profonde préoccupation" à ce sujet. L'AFP en fait partie au titre de ses activités internationales de fact-checking.

Avec AFP et Reuters