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La Cour de cassation a rejeté, mercredi, le pourvoi de Félicien Kabuga, accusé d'être le "financier" du génocide au Rwanda et arrêté en mai près de Paris après 26 ans de cavale, validant ainsi définitivement sa remise à la justice internationale.

Après 26 ans de cavale, celui qui est considéré comme le "financier" du génocide au Rwanda va pouvoir être transféré devant une cour de justice internationale. La Cour de cassation de Paris a rejeté, mercredi 30 septembre, le pourvoi de Félicien Kabuga, arrêté en mai dernier près de Paris. Cette décision valide définitivement la remise de l'homme d'affaire rwandais à la justice internationale.

Dans son arrêt, la plus haute juridiction de l'ordre judiciaire a confirmé la décision rendue en juin par la cour d'appel de Paris, qui "a pu valablement considérer qu'il n'y avait pas d'obstacle juridique ou médical à l'exécution du mandat d'arrêt" visant à transférer Félicien Kabuga.

La Cour de cassation a aussi rejeté une question prioritaire de constitutionnalité (QPC) qui faisait valoir que la loi française était "inconstitutionnelle dès lors qu'elle ne prévoit pas que la chambre de l'instruction saisie d'une demande d'arrestation aux fins de remise formée par le Mécanisme international contrôle le respect des droits fondamentaux de la personne réclamée".

Génocide rwandais : la France valide la remise de Félicien Kabuga à la justice internationale

Un mois pour remettre Kabuga à La Haye ou Arusha 

Tous les recours ayant été épuisés, les autorités françaises ont désormais un mois pour remettre l'octogénaire au Mécanisme pour les tribunaux pénaux internationaux (MTPI), qui dispose de deux branches, l'une à La Haye, aux Pays-Bas, et l'autre dans la ville tanzanienne d'Arusha. Cette juridiction de l'ONU est chargée d'achever les travaux du Tribunal pénal international pour le Rwanda (TPIR). 

La question reste de savoir s'il sera transféré à Arusha ou à La Haye, les avocats de Félicien Kabuga ayant invoqué la condition de santé de leur client et l'état sanitaire en Tanzanie pour plaider en faveur de La Haye. "Nous allons notamment demander qu'il soit transféré à La Haye plutôt qu'à Arusha, parce qu'à La Haye ses droits seront mieux protégés", a confirmé Me Emmanuel Altit, l'un de ses avocats.

"Félicien Kabuga a 84 ans, selon son mandat d'arrêt, 87 selon ses propres dires. Il souffre de diabète, d'hypertension, aurait subi une opération récente pour une occlusion intestinale", détaille Stéphanie Maupas, correspondante de France 24 à La Haye. 

En mai dernier, le procureur du MTPI, Serge Brammertz, avait demandé à ce que Kabuga soit plutôt transféré à La Haye. "Il estimait que les conditions seraient plus favorables en raison de l'état de santé de Kabuga et de la pandémie de Covid-19", rappelle Stéphanie Maupas. Serge Brammertz a par ailleurs rappelé que le MTPI était la seule juridiction compétente pour juger le fugitif, alors que des victimes rwandaises ont émis le souhait de le voir juger au Rwanda, "à moins que le Conseil de sécurité (de l'ONU) n'en décide autrement".

La Commission nationale de lutte contre le génocide (CNLG) estime ainsi qu'"un procès en Tanzanie permettrait aux survivants de venir témoigner et d’y apporter d’importants éléments factuels", précise notre correspondant à Kigali, Simon Wohlfarth. 

Les chefs d'accusation 

Depuis l'arrestation de l'octogénaire le 16 mai dernier à Asnières-sur-Seine, le procureur a entièrement revu le dossier.  "Nous travaillons d'arrache-pied pour actualiser le dossier en vue d'obtenir une condamnation au terme du procès", avait-il indiqué.

Félicien Kabuga est notamment accusé d'avoir participé à la création et au financement des milices hutu Interahamwe, principaux bras armés du génocide de 1994 qui fit, selon l'ONU, 800 000 morts, essentiellement au sein de la minorité tutsie. "Pendant le génocide, il avait quitté Kigali et s'était rendu à Guisenyi, à la frontière du Rwanda et de la RD Congo (ex-Zaïre), où il avait créé le fonds national de défense qui visait à soutenir les milices Interahamwe", précise Stéphanie Maupas. 

Il est également soupçonné d'avoir contribué, en 1993, à l'achat massif de machettes qui seront distribuées aux miliciens en avril 1994, une accusation qui appuie la thèse d'une planification du génocide, jamais tranchée par la justice internationale au grand dam de Kigali.

"L'examen de tous ces éléments permettra de savoir enfin comment le génocide rwandais a été financé", ajoute la journaliste. Félicien Kabuga, ancien président de la tristement célèbre Radio télévision libre des Mille collines (RTLM), qui diffusa des appels aux meurtres des Tutsis, conteste l'intégralité des sept chefs d'inculpation qui le visent.

Avec AFP et Reuters