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Procès du Front national : lourdes amendes et prison ferme requises

Le Parquet de Paris réclame 500 000 euros au Rassemblement national, notamment accusé d'escroquerie et d'abus de biens sociaux dans l'affaire des kits de campagne des législatives 2012, quand le parti s'appelait encore Front national. L'État réclame de son côté près de 12 millions d'euros de dommages et intérêts.

Le parti de Marine Le Pen pourra-t-il se relever si les demandes du parquet sont suivies ? La question se pose à l'énonciation des montants réclamés à l'ex-Front national (FN). Le parquet de Paris a en effet requis, mercredi 27 novembre, une amende de 500 000 euros contre le Rassemblement national (RN) dans l'affaire des kits de campagne des législatives de 2012, l'avocat de l'État réclamant quant à lui 11,6 millions d'euros de dommages et intérêts, ce qui a suscité la colère du parti d'extrême droite.

"Montages fumeux", "prêts fictifs", "prix excessifs" : dans un réquisitoire à deux voix, les procureurs Céline Ducournau et Nicolas Barret ont détaillé pendant six heures une "litanie d'escroqueries" destinées à "détourner de l'argent public de manière systémique".

"Entendez-vous les grondements actuels des justiciables ?", ont-ils demandé au tribunal correctionnel en réclamant la condamnation des sept protagonistes jugés depuis le 6 novembre.

Ils ont réclamé la peine la plus lourde contre Frédéric Chatillon, proche conseiller de Marine Le Pen, autour duquel "tout le système tient" : quatre ans de prison, dont deux avec sursis, 200 000 euros d'amende et une interdiction de gestion définitive pour ce patron de la société de communication Riwal.

Ancien président du Gud, le syndicat étudiant d'extrême droite, Frédéric Chatillon, 51 ans, est aussi accusé de s'être enrichi frauduleusement en détournant les bénéfices juteux engrangés par ses sociétés dans l'affaire.

L'État réclame 11,6 millions d'euros, une somme très supérieure aux amendes prévues par le code pénal

Contre deux cadres du parti, le trésorier Wallerand de Saint-Just et le juriste Jean-François Jalkh, le ministère public a requis de la prison avec sursis, respectivement dix mois et deux ans. Il a aussi réclamé leur inéligibilité, pendant deux ans pour le premier, élu francilien, et cinq ans pour le second, eurodéputé.

Dans la matinée, l'avocat de l'État avait réclamé 11,6 millions d'euros de dommages et intérêts pour les législatives de 2012. Cette somme, très supérieure aux amendes prévues par le code pénal, est, en cas de condamnation, beaucoup plus inquiétante pour les finances déjà mal-en-point du parti frontiste, devenu Rassemblement national en 2018.

Tenant pour responsable le président Emmanuel Macron et le Premier ministre Édouard Philippe, le RN a dénoncé sur Twitter une "volonté de ces politiciens de tuer le RN, plutôt que de le laisser gagner dans les urnes !"

???? La demande scandaleuse et incohérente du gouvernement de #Macron et Philippe de nous faire condamner à payer 11 millions d’euros démontre la volonté de ces politiciens de tuer le Rassemblement National, plutôt que de le laisser gagner dans les urnes ! https://t.co/G7tnL3hIQ1

— Rassemblement National (@RNational_off) November 27, 2019


Pour l'accusation, l'ex-FN a joué, en pratique, "un rôle de premier plan" dans ce système de kits – tracts, affiches, site Internet, prestations comptables... – vendus par Jeanne, le micro-parti de Marine Le Pen, et fournis par Riwal.

Ces kits "obligatoires", "identiques", "non-modulables", "surfacturés", cachaient, selon le parquet, une manœuvre frauduleuse "pour constituer des fonds à partir des remboursements prévus de l'État", qui couvre les dépenses des candidats ayant dépassé 5 % des voix.

"Ils s'entendent sur le dos de l'État et pour les candidats l'opération est blanche"

Jeanne, dont le parquet demande la dissolution, prêtait en effet le montant du kit, et les intérêts du prêt, aux candidats qui lui rendaient immédiatement l'argent en achetant le matériel. Cet "aller-retour comptable" permettait à Jeanne, quasi dénué de fonds propres, d'avancer presque 9 millions d'euros. Le micro-parti attendait ensuite le remboursement étatique pour payer Riwal, son unique intermédiaire auprès des imprimeurs.

"Ils s'entendent sur le dos de l'État et pour les candidats l'opération est blanche", ont relevé les procureurs.

Depuis trois semaines, la défense, en bloc, a tenté de justifier la légalité et l'ingéniosité de ce système, imaginé pour pallier les difficultés de financement du FN après les catastrophes électorales de 2007.

Avec AFP