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Législatives en Autriche : scandale ou pas, l'extrême droite attire toujours

Au cœur du scandale qui a mené à la fin de la coalition au pouvoir en Autriche, le parti FPÖ aborde les législatives anticipées de dimanche sans perte massive de voix. Cela grâce à une campagne de communication stratégique et à un électorat fidèle.

"Ils s'en fichent, des scandales", tempête Monika Salzer. Cette militante, fondatrice des Omas gegen Rechts ("les mamies contre l'extrême droite"), ne mâche pas ses mots quand elle évoque les électeurs du parti d'extrême droite FPÖ, évincés en mai du pouvoir en Autriche à la suite d'un scandale de corruption. À quelques jours des législatives anticipées, elle manifestait encore avec son association et d'autres formations de gauche contre la reconduction de la coalition entre conservateurs et extrême droite. Mais ce scénario reste l'un des plus probables.

Le FPÖ est crédité, pour les élections législatives du dimanche 29 septembre, d'environ 20 % des voix. Une baisse certes par rapport aux 26 % récoltés lors du précédent scrutin en 2017, mais assez limitée au vu du scandale généré par le leader de ce parti d'extrême droite en mai dernier.

Une vidéo avait alors montré Heinz-Christian Strache, président du FPÖ depuis 2005 et vice-chancelier depuis deux ans, dans une villa à Ibiza, proposant à la prétendue nièce d'un oligarque russe de financer de manière occulte son parti, en échange de contrats publics. S'en était suivi sa démission, puis celle de tous les ministres FPÖ, mettant fin à près de 18 mois d'alliance avec les conservateurs.

Le FPÖ, "victime" de l''Ibizagate'…

"L''Ibizagate' a nui au parti, mais le FPÖ a bien réussi à en limiter les conséquences", analyse Florian Oberhuber, de l'institut de sondages Sora, "notamment en se posant comme victime". Éludant le contenu de la vidéo, les cadors du FPÖ ont questionné son origine, son timing, pour la présenter comme une cabale contre leur chef.

Ce dernier est rapidement passé à l'arrière-plan, abandonnant toutes ses fonctions au gouvernement et dans le parti. "Le FPÖ a directement contre-attaqué. Du point de vue de la communication, ça leur a très bien réussi", souligne Julia Partheymüller, chercheuse en science politique à l'université de Vienne.

Sur le fond, le scandale n'a pas choqué les électeurs de cette formation bien ancrée dans le paysage politique autrichien. "C'est dommage pour Strache car il s'est fait pincer, mais tous les partis politiques ont des casseroles", relativise Manfred Schneider, un employé de banque de 55 ans interrogé par l'AFP, résumant le sentiment de beaucoup d'électeurs du FPÖ.

Le cœur de l'électorat de cette formation s'est ainsi peu ému du scandale. "Il y a un bon nombre d'électeurs qui continuent de voter FPÖ. Quand on est critique de l'UE, des élites, il n'y a pas de réelle alternative [au FPÖ] en Autriche", résume Julia Partheymüller.

… et les conservateurs grands gagnants

Crédité d'environ 20 % des voix, le parti d'extrême droite est bien placé pour former une coalition avec le parti conservateur ÖVP de Sebastian Kurz, le jeune prodige de la politique autrichienne, devenu en 2017 chancelier à seulement 31 ans.

La liste de ce dernier pourrait récolter, selon les sondages, de 33 à 35 % des votes, soit plus de 10 points que les sociaux-démocrates, à 22-23 %, et mieux qu'en 2017 (31,5 %).

"L'ÖVP est le grand gagnant de l'Ibizagate", analyse Julia Partheymüller. Sebastian Kurz a mis la barre à droite en arrivant au pouvoir, avec la coalition, mais aussi dans son discours. Et malgré son jeune âge, celui qui a su prendre la tête du puissant parti conservateur "est vu comme plus compétent". "Il a réussi à convaincre les électeurs déçus et les attirer à l'ÖVP, en abordant des thèmes classiques de l'extrême droite comme l'immigration et la sécurité", poursuit la chercheuse.

Une appropriation des thèmes qui n'est pas du goût de tous. "Kurz est aussi extrême [que le FPÖ]. Chez lui, c'est juste caché", dénonce la militante Monika Salzer, qui s'inquiète du tournant à droite pris par l'Autriche depuis 2017.

Un partenaire de gouvernement "instable" ?

"Son positionnement politique à la droite du centre correspond bien à la position actuelle des électeurs", souligne de son côté Florian Oberhuber, qui pense également que le scandale de la vidéo d'Ibiza pèsera peu dans le vote de dimanche. "Les électeurs ne votent pas pour le passé, mais pour ce qu'ils espèrent va se passer."

Et selon les sondages, la coalition ÖVP-FPÖ est l'une des variantes qui plaisent le plus aux Autrichiens. Le parti d'extrême droite a ouvertement fait campagne sur cette option ("Sans nous, Kurz passera à gauche", prévient l'une de leurs affiches), mais le leader conservateur s'est bien gardé d'émettre une préférence et a laissé toutes les portes ouvertes.

"Ce n'est pas sûr que rééditer la dernière coalition soit le choix de Sebastian Kurz", explique Julia Partheymüller, évoquant les tensions au sein du FPÖ. Avec le départ de Strache, le parti est mené par un duo formé de Norbert Hofer, ancien candidat malheureux à la présidence et visage présentable de l'extrême droite, et Herbert Kickl, ex-ministre de l'Intérieur et habitué des déclarations plus agressives. "Il y en a un pour chaque aile du parti", poursuit la chercheuse, qui y voit aussi un signe de tensions potentielles qui feraient du FPÖ un "partenaire instable" pour l'ÖVP.

Les conservateurs, ajoute-t-elle, "vont s'orienter selon ce que préfère la base du parti", qui n'a pas forcément goûté les frasques du FPÖ. L'autre option populaire dans les sondages est une alliance avec les Verts, portés par la thématique écologiste durant la campagne, et le petit parti libéral Neos, donnés respectivement à environ 12 % et 8 %. Deux formations qui se rejoignent sur plusieurs points, parmi lesquels la probité du personnel politique.