Le président camerounais Paul Biya a annoncé mardi la tenue d'un "grand dialogue" national pour résoudre la crise séparatiste qui sévit dans les régions anglophones du pays.
Un "grand dialogue national" a été annoncé au Cameroun. Le président Paul Biya a en effet annoncé mardi 10 septembre la convocation à la fin du mois d'une vaste consultation nationale portant sur le conflit meurtrier entre des groupes séparatistes de la minorité anglophone et les forces de sécurité dans l'ouest, au moment où son régime fait juger pour "insurrection" des leaders de l'opposition.
"J'ai décidé de convoquer, dès la fin du mois en cours, un grand dialogue national qui nous permettra (...) d'examiner les voies et moyens de répondre aux aspirations profondes des populations du Nord-Ouest et du Sud-Ouest, mais aussi de toutes les autres composantes de notre Nation", a déclaré le chef de l'État, 86 ans et au pouvoir depuis près de 37 ans, dans une adresse à la nation retransmise sur les antennes de la radio et la télévision nationale.
Encouragements de l'ONU
Une annonce saluée par le secrétaire général de l'ONU Antonio Guterres, qui "encourage le gouvernement camerounais à veiller à ce que le processus soit inclusif et réponde aux défis auxquels le pays est confronté", a déclaré mardi dans un communiqué son porte-parole, Stéphane Dujarric.
Le dialogue sera présidé par le Premier ministre, Joseph Dion Nguté, et rassemblera les différentes composantes sociales, y compris des représentants des forces de défense et de sécurité, ainsi que ceux des groupes armés, a assuré Paul Biya.
En prélude aux assises, dont le lieu n'a pas été annoncé, le chef du gouvernement mènera de "larges consultations" et "des délégations (iront) dans les prochains jours à la rencontre de la diaspora", a indiqué le président camerounais.
Populations marginalisées
Depuis novembre 2016, les régions anglophones du Nord-Ouest et du Sud-Ouest sont confrontées à une grave crise socio-politique, les populations originaires de ces zones s'estimant marginalisées.
Il y a plus d'un an, celle-ci a dégénéré en conflit armé entre soldats et séparatistes en lutte pour la création d'un État anglophone indépendant.
Les combats et les exactions de part et d'autre ont fait plus de 2 000 morts depuis début 2017, selon Human Rights Watch, et forcé plus de 530 000 personnes à fuir leur domicile, selon l'ONU, dans ces régions peuplées majoritairement par la minorité anglophone qui représente un peu plus de 16 % de la population du Cameroun.
"Pardon"
Dans son discours, Paul Biya a réitéré son offre de "pardon" aux séparatistes armés qui "déposent volontairement les armes", mais promis à ceux qui s'y refuseraient de subir "toute la rigueur de la loi" et de "faire face aux forces de sécurité et de défense".
Le leader des séparatistes anglophones, Julius Ayuk Tabe, et neuf de ses partisans ont été condamnés à la prison à vie le 20 août.
De nombreux observateurs avaient alors estimé que cette condamnation n'était pas de nature à favoriser le dialogue, puisque les séparatistes réclament notamment la libération des prisonniers.
Les indépendantistes ont appelé à deux semaines de blocus dans les régions anglophones après ce jugement.
Opposant emprisonné
"La propagande des sécessionnistes a voulu présenter les décisions de justice récemment rendues à l'encontre d'un certain nombre de nos compatriotes, dans le contexte de cette crise, comme un obstacle au dialogue envisagé. Il n'en est rien", a réagi Paul Biya.
Bien avant sa condamnation, Julius Ayuk Tabe s'est dit ouvert au dialogue, tout en posant comme préalable sa libération, ainsi que celle des autres des prisonniers anglophones. Il a aussi exigé le retrait de l'armée des régions anglophones, une option que Yaoundé n'envisage pas.
Le discours de Paul Biya a été prononcé alors que son pays est aussi confronté à une autre crise politique. Son opposant à la présidentielle d'octobre 2018, Maurice Kamto, a été arrêté en janvier et est écroué depuis lors. Lui et environ 90 de ses alliés et partisans sont poursuivis devant le tribunal militaire de Yaoundé pour "insurrection" et outrage au chef de l'État, notamment. Paul Biya n'en a pas parlé dans son allocution.
Avec AFP