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Pour les élections européennes, la France insoumise joue la carte Gilets jaunes

Pour le lancement de sa campagne des européennes, la France insoumise a choisi des territoires ruraux dans lesquels elle peut compter sur le soutien de Gilets jaunes attachés à la défense des services publics.

"Maintenant, le peuple !"   : l’inscription s’affiche en grand sur la scène installée par la France insoumise, mercredi 13   février, dans le petit palais des congrès de Souillac, dans le nord du Lot. À trois mois et demi des élections européennes (26   mai), les deux têtes de liste de la France insoumise (LFI), Manon Aubry et Manuel Bompard, ont choisi de s’adresser à ces Français qui ont le sentiment d’être oubliés par la République.

Ils se sont donc rendus dans la même ville que le chef de l’État, qui était venu promouvoir son grand débat national à Souillac le 18 janvier. Mais contrairement au passage du président qui avait paralysé la ville et rendu l’accès au palais des congrès impossible, le meeting de la France insoumise n’a pas perturbé le quotidien des 3   000 habitants de Souillac. Nombreux sont ceux qui n’étaient même pas au courant de la tenue du meeting   : les tracts en faisant la publicité ne sont pas arrivés à temps pour être distribués le samedi précédent sur le marché.

Trois cent personnes – âgées pour la plupart d’entre elles – venues des villes environnantes étaient présentes mercredi soir. Parmi elles, une trentaine portaient fièrement leur gilet jaune, à l’image de Pierre et Yvonne, un couple de retraités octogénaires devenus adhérents de la France insoumise en juin   2017.

"On ne faisait pas tellement attention aux européennes avant, mais on se dit maintenant que c’est important. Que ce soit la santé, l’éducation ou les autres services publics, vu au train où ça va, on se fait beaucoup de soucis pour nos petits-enfants", reconnaît Pierre. "Il y a trop de choses qui ne vont pas dans le bon sens, abonde Yvonne. J’adore Émile Zola et quand on lit ses livres, on a l’impression d’être à la même époque."

Jean-Luc Mélenchon tente comme il peut de tirer profit du mouvement des Gilets jaunes qui a mis en avant des thèmes qui sont aussi les siens depuis plusieurs années. L’ancien candidat à l’élection présidentielle est notamment allé dans la rue avec les Gilets jaunes, a appelé en décembre à un "acte V de la révolution citoyenne" et a décrit dans une longue lettre postée sur Facebook sa "fascination" pour Éric Drouet, l’une des figures du mouvement.

"Nous allons ramenés les services publics !"

Pour leur premier meeting de campagne, Manon Aubry et Manuel Bompard ont donc largement insisté mercredi soir sur la défense des services publics. "C’est bien l’Europe qui grave dans le marbre la règle des 3   % qui empêche d’investir et qui écrit des directives qui cassent les services publics", a souligné le bras droit de Jean-Luc Mélenchon.

"Nous ne sommes pas condamnés à l’austérité budgétaire, il est possible de changer les règles du jeu, a ajouté Manon Aubry. Nous voulons dire à toutes ces zones oubliées   : nous allons ramener les services publics !"

Les deux têtes de liste des Insoumis prêchent des convaincus. Le Lot est un département particulièrement touché par la raréfaction progressive des services publics. Dix-huit bureaux de poste y ont été fermés en 2018 et il n’existe plus qu’une seule maternité, à Cahors.

À la promesse de défendre les services publics viennent se mêler des propositions qui ne relèvent pas du Parlement européen   : SMIC à 1   700   euros   brut, augmentation du nombre de tranches pour l’impôt sur le revenu, rétablissement de l’ISF, baisse de la TVA sur les produits de première nécessité, création d’une "TVA grand luxe" et passage à la VIe République.

Les candidats de la France insoumise préfèrent insister sur les convergences entre leur programme national et les revendications des Gilets jaunes. Une façon, aussi, d’éviter de clarifier la position de leur parti sur une éventuelle sortie de l’Union européenne.

Jean-Luc Mélenchon avait en effet fait de cette menace, en 2017, la pierre angulaire de son "plan B" en cas d’impossibilité de renégocier les traités européens. Mais cette stratégie semble aujourd’hui avoir disparu du logiciel insoumis. À l’image de Marine Le Pen qui a jeté aux oubliettes sa volonté de sortir de l’euro, Jean-Luc Mélenchon a sans doute compris qu’une sortie de l’Union européenne faisait peur aux Français.

"Nos politiques ont les mains liés"

Le "Frexit", il en est pourtant question dès le lendemain sur une étape d’un des quatre "holovans" de la France insoumise. Ces camions, qui attirent les passants en projetant des hologrammes des candidats aux élections européennes, sillonnent la France depuis le début de la campagne. Et ce jeudi 14   février, au Hayan, dans la banlieue de Bordeaux, les quelques curieux présents sur la place de la mairie sont interpellés par deux adhérents de l’Union populaire républicaine (UPR) de François Asselineau, farouche militant d’une sortie de l’UE.

"Est-ce Macron ou l’Europe qui nous pousse vers l’austérité   ?", demande Pierre-Yves, 44   ans, venu spécialement voir l’holovan "pour débattre" avec des Insoumis. "La France a besoin de retrouver sa souveraineté pour mener les bonnes politiques, poursuit-il. Mélenchon, c’est comme Podemos ou Tsipras, ils sont obligés de se plier au final."

Le débat d’idées est lancé et la discussion s’anime parfois. "C’est vrai que tout notre quotidien est impacté par les politiques européennes et que nos politiques ont les mains liés", estime Hélène, 69   ans, pas opposée à une sortie de l’euro. "On pourrait très bien avoir deux monnaies, dit-elle. Il y a déjà des endroits où des monnaies locales existent."

En fond sonore, les discours des hologrammes de Jean-Luc Mélenchon, Manon Aubry et Manuel Bompard tournent en boucle sur la défense des services publics. Convaincront-ils les Gilets jaunes de voter LFI aux européennes   ? Entre le R assemblement national de Marine Le Pen, Debout la France de Nicolas Dupont-Aignan ou le Ralliement d’initiative citoyenne (RIC), d’autres partis espèrent eux aussi convaincre les Gilets jaunes qu’ils peuvent être leur porte-voix à Bruxelles.