Tête de liste annoncée de son propre mouvement Génération.s aux élections européennes du 26 mai, Benoît Hamon ne ferme pas totalement la porte à une union de la gauche. Il demande une clarification du projet politique.
L’union de la gauche aux européennes, c’est un peu le "running gag" de l’hiver. Europe Écologie-Les Verts (EELV), le Parti socialiste (PS), Génération.s, le Parti communiste (PCF) et Place publique jouent au chat et à la souris depuis plusieurs semaines. L’idée d’une liste d’union qui occuperait l’espace politique entre Jean-Luc Mélenchon et Emmanuel Macron est séduisante, mais tout le monde ou presque s’y refuse.
Deux scénarios se dessinent par conséquent. Selon un sondage Ifop datant de début décembre, 69 % des sympathisants de gauche souhaitent une liste d’union (PS-Place publique-Génération.s-EELV-PCF), qui obtiendrait alors 14 % des voix aux européennes. En cas de désaccord, l'émiettement des voix est la seconde option en mai prochain à gauche : EELV recueillerait alors 6,5 % des suffrages, le PS 4 %, Génération.s 2,5 % et le PCF 2,5 %, selon un autre sondage récent Ifop Fiducial.
Au cœur des crispations des uns et des autres : le Parti socialiste. Considéré par de nombreux électeurs comme un parti ayant trahi la gauche lors du quinquennat de François Hollande, le PS est devenu répulsif pour toute formation opposée au libéralisme. Ainsi, ni Yannick Jadot, ni Benoît Hamon, ni Ian Brossat – les têtes de liste respectives d’EELV, de Génération.s et du PCF – ne souhaitent être associés au parti d’Olivier Faure.
Le premier secrétaire du PS, qui a bien conscience de cette problématique, a fait un premier pas vers la rédemption, lundi 28 janvier, en dressant un bilan très critique du quinquennat Hollande, y voyant un pouvoir sorti de son "socle de valeurs", "un pouvoir droit dans ses bottes, avec deux pieds droits".
Ce premier pas peut-il suffire à venir à bout des réticences à s’unir ? Pour Benoît Hamon, interrogé par France 24, "la clarification du PS a commencé" mais il lui manque encore une "clarification stratégique" sur la question européenne. L’enjeu, selon l’ancien candidat socialiste à l’élection présidentielle, est désormais de savoir dans quel groupe les eurodéputés socialistes siègeront au Parlement européen.
Qu’avez-vous pensé du bilan du quinquennat de François Hollande proposé par Olivier Faure ?
C’est intéressant de noter que la direction actuelle du Parti socialiste dit aujourd’hui que ceux qui frondaient et étaient voués aux gémonies avaient raison. Les Frondeurs avaient raison sur la Loi travail, ils avaient raison sur le CICE, ils avaient raison sur la déchéance de nationalité. C’est plutôt positif de le reconnaître, c’est mieux que le déni dans lequel demeure aujourd’hui François Hollande. Maintenant, il manque une clarification sur la question européenne. Quelle conséquence stratégique le Parti socialiste tire-t-il de ce bilan ? Olivier Faure compte-t-il rester allié en Europe avec des formations qui veulent poursuivre les politiques de rigueur, d’austérité budgétaire et qui plaident pour la dérégulation ? Est-ce qu’il soutient Frans Timmermans (comme candidat à la présidence de la Commission européenne) ou est-ce qu’il fait le choix d’une rupture politique ? La clarification a commencé. C’est utile pour l’avenir. Mais il manque une clarification importante : c'est la clarification stratégique.
Le mouvement Place publique fait campagne depuis plus de deux mois pour une alliance des partis de gauche. Une liste d’union est-elle encore possible ?
Évidemment. Mais il ne faut pas que ça commence par une opération de sauvetage du PS. Parce que si Raphaël Glucksmann fait cela, cela mènera in fine à une opération de sauvetage de François Hollande et ça intéressera évidemment beaucoup moins les citoyens de gauche. Est-ce que ça a du sens de faire une liste pour sauver des appareils et que tout le monde reprenne sa liberté au lendemain de l’élection ? Ce n’est pas possible. J’ai beaucoup de bienveillance à l’égard de l’initiative de Place publique mais maintenant qu’on est à un moment un peu charnière, il faut être clair. C’est ce que j’ai dit au moment de la fondation de Génération.s : oui à une maison commune de la gauche mais sur la base d’un projet politique clair et d’une stratégie claire.
Les leaders de Place publique ont tout de même mis sur la table "dix combats pour l’Europe" sur lesquels les partis de gauche sont appelés à se réunir. Vous les partagez ?
C’est un peu la recherche du plus petit dénominateur commun : ne pas trop en dire pour ne pas se fâcher. Or il n’y a pas de reconstruction possible de la gauche sur un discours un peu moins-disant et opaque sur le plan stratégique. On doit être plus exigeant sur le fond. Là, je trouve l’ensemble un peu décevant. Je m’attendais à de la fraicheur et à être surpris, mais ça manque un peu de chair et de corps à mon goût.