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Restée pendant deux ans aux mains des républicains, la Chambre des représentants passe, jeudi, sous le contrôle des démocrates, qui entendent bien garder l’œil sur le président républicain.
Désormais majoritaires à la Chambre des représentants des États-Unis, les démocrates semblent bien décidés à demander des comptes à Donald Trump ainsi qu'à son administration concernant les soupçons d'ingérence russe dans la campagne présidentielle en 2016, ou encore les accusations de conflits d’intérêts à l’encontre du gouvernement. En prenant la tête de commissions parlementaires dotées de puissants pouvoirs d'investigation, les démocrates, parmi lesquels figurent certains des plus virulents détracteurs du président américain, seront en mesure de contraindre Donald Trump et des membres de son administration à se conformer aux demandes et aux enquêtes de l’organe législatif.
La nouvelle chambre restera attentive à l’administration Trump , a prévenu Nancy Pelosi, assurée de redevenir la présidente de la Chambre des représentants . "Ne vous méprenez pas, la supervision est une responsabilité du Congrès", avait-elle déclaré fin novembre lors d’une conférence de presse avant d’ajouter : "L'administration peut essayer d’assimiler la supervision à une enquête. Mais non, le contrôle est notre responsabilité... Nous allons honorer nos responsabilités."
Mais d’abord faut-il, pour la Chambre des représentants qui prend ses fonctions le 3 janvier, que les administrations américaines, bloquées par le "shutdown" depuis plus de dix jours, puissent fonctionner. Les démocrates prévoient de présenter des mesures budgétaires temporaires pour la plupart des administrations jusqu'au 30 septembre tout en ne finançant que jusqu'au 8 février le budget sensible du département de la Sécurité intérieure.
La Maison Blanche a d’ores et déjà prévenu : elle refusera toute mesure n’incluant pas les cinq milliards de dollars budgétés pour financer le mur voulu par Donald Trump à la frontière avec le Mexique afin de lutter contre l'immigration clandestine. Le Sénat, toujours sous contrôle républicain, ne devrait même pas soumettre ces mesures au vote, quitte à ce que le pays s'enfonce dans l’impasse politique pour une troisième semaine. "Cela pourrait durer longtemps", a prévenu le président américain qui a convié les responsables des deux bords à une nouvelle rencontre vendredi.
"Restaurer notre démocratie"
La première résolution de la Chambre, communément appelée HR1 (pour House Resolution 1), déposée par la nouvelle majorité, englobe des mesures visant à réformer le financement des campagnes électorales, à lutter contre la corruption et à protéger le droit de vote.
Avec ces mesures, les démocrates entendent rendre à la démocratie américaine ses dimensions. "Malgré l’argent sale qui coule à flot et les manœuvres pour altérer et supprimer des données des registres électoraux, les électeurs ont choisi une majorité démocrate à la Chambre qui est déterminée à apporter de réels changements et à restaurer notre démocratie", affirmaient Nancy Pelosi et le représentant du Maryland, John Sarbanes, dans une tribune publiée en novembre dans le Washington Post. Les relations étroites entre le gouvernement et le secteur privé feront également l’objet d’une surveillance accrue puisque les démocrates ont proposé "de nouvelles lois éthiques strictes destinées à empêcher les fonctionnaires d’utiliser leurs fonctions publiques à des fins personnelles", avaient-ils ajouté.
"Enfin, rendons le vote plus facile, pas plus difficile !", ont également écrit Nancy Pelosi et John Sarbanes. Pour cela, les démocrates envisagent d’instaurer un système d'inscription automatique des électeurs sur les listes électorales, accompagné de mesures pour empêcher toute ingérence étrangère mais aussi pour éviter le redécoupage des circonscriptions électorales, souvent faites aux dépens des minorités.
Se rapprocher du peuple
Reste que ce projet de loi a peu de chances de passer au Sénat et d’être signé par Donald Trump. Axer leur combat sur la lutte contre la corruption permet toutefois aux démocrates de repousser les républicains et l’administration dans leur retranchement en les obligeant à justifier leurs prises de position impopulaires, telles que la protection des intérêts financiers en politique ou des mesures pour décourager les électeurs. Ainsi veulent-ils apparaître comme le parti au côté du peuple contre les intérêts des puissants. "Nous pensons que le programme HR 1 bénéficiera d'un soutien important [dans l’opinion publique] et que le message ne sera pas vain auprès du Sénat ou du président des États-Unis", a commenté Nancy Pelosi, qui devait retrouver son poste de présidente après l’avoir déjà occupé entre 2007 et 2010.
Sur la feuille de route législative de l’opposition figurent également la réforme de l’Affordable Care Act, l’emblématique réforme de l'assurance maladie de Barack Obama qui doit réduire le coût des médicaments prescrits sur ordonnance, ou encore la lutte contre les inégalités de revenus. "Dans les années qui ont suivi la grande récession (2009-2012), 91 % de la nouvelle richesse créée a été versée au 1 % de la population la mieux rémunérée", dénonce le Parti démocrate sur son site internet, promettant de "bâtir une économie qui fonctionne pour tous et pas seulement pour ceux d’en haut".
Toutefois, les représentants démocrates se disent prêts à collaborer avec les républicains sur un certain nombre de dossiers, comme la vérification des antécédents des personnes souhaitant acheter des armes à feu et la protection des "Dreamers", ces immigrants sans papiers arrivés aux États-Unis dès leur plus jeune âge et ayant grandi sur le territoire. Un choix pour le moins étonnant quand on sait que le contrôle des armes à feu et l’immigration sont des enjeux sur lesquels les deux camps peinent souvent à trouver un compromis. Le meilleur dossier susceptible de faire l’unanimité reste peut-être le projet de loi sur la rénovation des infrastructures dans le pays.
Répondre de ses actes
Enfin, les démocrates auront à cœur d’enquêter sur le rôle de la Russie lors de la dernière campagne électorale et sur les éventuels conflits d’intérêt au sein du gouvernement. Maxine Waters, fraîchement nommée à la présidence de la commission des services financiers, sera en mesure d’exiger les déclarations de revenus de Donald Trump, seul candidat présidentiel à s’être refusé à les fournir. Réputée pour ses attaques contre l’administration, la députée californienne a également promis d’enquêter sur le prêt accordé par la Deutsche Bank à Donald Trump alors que d’autres institutions refusaient de le faire. L’établissement allemand, "l'une des plus grandes banques de blanchiment de capitaux au monde", selon les termes de Maxine Waters, s'est notamment vu infliger une amende de 630 millions de dollars en 2017 par les autorités financières américaines et britanniques pour son rôle dans le blanchiment de capitaux en Russie.
"Il existe des allégations graves et crédibles selon lesquelles les Russes pourraient posséder un levier financier sur le président, y compris peut-être le blanchiment de l'argent russe par le biais de ses entreprises", estime le démocrate californien Adam Schiff en passe de devenir le prochain président de la commission spéciale permanente du renseignement de la Chambre. "Il serait négligent pour notre sécurité nationale de ne pas le découvrir."
.@AdamSchiff on the Russia Investigation: My takeaway is there's a very real prospect that on the day Donald Trump leaves office the justice department may indict him. That he may be the first president in quite some time to face the real prospect of jail time. pic.twitter.com/3kfwumFkh7
Face The Nation (@FaceTheNation) 9 décembre 2018De son côté, le démocrate Elijah E. Cummings assumera la direction du puissant comité de surveillance de la Chambre, en charge de quasiment toutes les activités du gouvernement. "Je veux enquêter sur les hauts responsables de l'administration à travers le gouvernement qui ont abusé de leurs pouvoirs et gaspillé l'argent des contribuables, ainsi que sur la décision du président Trump d'agir dans son propre intérêt financier plutôt que dans l'intérêt du peuple américain", a-t-il noté.
"Trop tôt" pour une procédure de destitution
Si les agissements de la campagne de Trump envers la Russie sont révélés, une procédure de destitution du président américain est fort probable, estime Maxine Waters. Il est "trop tôt" pour l’envisager, a toutefois prévenu en novembre Jerrold Nadler, le nouveau président de la commission judiciaire qui est celle à pouvoir lancer une telle démarche. Cette démarche constituerait un "pas décisif" avec "de vraies conséquences" qui risquerait de couper en deux le pays, a-t-il déclaré au New York Times Magazine.
"Vous ne voulez pas d'une situation où la moitié du pays dit : 'Nous avons remporté les élections ; vous nous les avez volées'." Que le gouvernement américain soit tenu pour responsable est, selon Nadler, ce que le peuple américain a demandé en élisant des démocrates à la Chambre des représentants.
Cet article a été adapté de l’anglais par Ségolène Allemandou.