Rebondissements en série au Brésil : un juge a ordonné mercredi la libération de l'ex-président Lula, incarcéré depuis avril pour corruption et blanchiment, avant que le président de la Cour suprême ne suspende cette décision.
L'espoir fut bref pour Lula et ses partisans. L'ex-président du Brésil a entrevu l'espoir de sortir de prison durant quelques heures mercredi 19 décembre, mais le président de la Cour suprême a fait déchanter les supporters de l'icône de la gauche en suspendant la décision d'un confrère.
En début d'après-midi, la décision du juge de la Cour suprême Marco Aurélio de Mello avait fait l'effet d'une bombe : tous les condamnés en appel ayant introduit des recours vers des instances supérieures pourraient être libérés, y compris Luiz Inacio Lula da Silva. De quoi déclencher un vif tollé, à treize jours seulement de l'investiture du président d'extrême droite élu, Jair Bolsonaro, qui avait manifesté durant la campagne son désir de voir Lula "pourrir en prison".
Quelques minutes plus tard, les avocats de Lula s'étaient empressés de déposer une requête pour que l'ex-président (2003-2010) soit libéré immédiatement. Mais la procureure-générale Raquel Dodge a présenté un recours contre la décision du juge Mello, qui a finalement été annulée par le président de la Cour suprême, José Antonio Dias Toffoli, mettant fin à environ cinq heures de flou juridique.
"Consécration de l'impunité"
Deltan Dallagnol, procureur en charge de l'opération anticorruption "Lavage-express", était auparavant monté au créneau, considérant la décision de Marco Aurelio Mello "erronée" et "aux effets catastrophiques", symbolisant "la consécration de l'impunité". Il s'est également élevé contre l'instabilité juridique que suscitent ce genre de décisions intempestives.
Déclenchée en 2014 au Brésil, l'opération "Lavage Express" a dévoilé un énorme réseau de corruption monté par les groupes brésiliens du bâtiment. L'ex-président Lula (2003-2010) a été condamné en première instance à neuf ans et six mois de prison pour corruption et blanchiment en juillet 2017, une peine alourdie à douze ans et un mois en appel en janvier.
Il a ensuite été incarcéré en avril, la Cour suprême ayant décidé par un vote très serré (six contre cinq) que la peine devait être appliquée dès la condamnation en deuxième instance, même si d'autres recours restaient en suspens.
Marco Aurelio Mello était l'un des juges qui avaient voté contre l'emprisonnement de Lula, tout comme Dias Toffoli, qui à l'époque n'était pas président de la plus haute juridiction du Brésil. En 2016, les 11 juges de la Cour suprême avaient rendu un jugement qui fait depuis jurisprudence : la peine doit être purgée dès le rejet d'un premier appel. Mardi, Dias Toffoli a décidé que le sujet serait débattu à nouveau en séance plénière le 10 avril 2019.
L'icône de la gauche, qui a quitté le pouvoir avec une cote de popularité record en 2010, se dit victime d'un complot ayant visé à l'empêcher de briguer un troisième mandat à la présidentielle d'octobre 2018, dont il était considéré comme le favori. Le scrutin a finalement été remporté par Jair Bolsonaro, qui prendra ses fonctions le 1er janvier. Mercredi, Jair Bolsonaro s'est réjoui de la décision de suspension dans une affaire qui "pourrait compromettre la tranquillité de la société brésilienne".
Temer inculpé pour corruption
Dans le même temps mercredi, le président Michel Temer a été inculpé pour corruption et blanchiment d'argent par le parquet général du Brésil, après qu'une enquête menée par la police fédérale a révélé qu’il avait reçu des pots-de-vin en lien avec les concessions portuaires, a annoncé le parquet dans un communiqué.
Michel Temer bénéficie d'une immunité jusqu'à la fin de son mandat au 1er janvier 2019. Il appartient à la chambre basse du Congrès de voter pour autoriser la tenue d'un procès contre lui. Procès qui pourrait, le cas échéant, s'ouvrir au début de l'année prochaine. Dans un communiqué, la présidence a déclaré que Michel Temer prouverait qu'il n'y a eu aucune irrégularité.
Avec AFP et Reuters