Ami fidèle de Donald Trump, l’influent David Pecker a longtemps utilisé les tabloïds qu’il dirige pour protéger le président américain. Le 23 août, il a toutefois accepté de collaborer avec la justice en échange d’une immunité.
Un fidèle parmi les fidèles de Donald Trump qui s’apprête à collaborer avec la justice… Pas une semaine ne se passe sans que ce genre d’informations ne fasse la une des journaux américains. Jeudi 23 août 2018, c’est David Pecker qui a rejoint le club, de plus en plus fourni, des "indéfectibles" proches du président américain ayant accepté d’apporter leur aide à une enquête fédérale dans laquelle ce dernier est impliqué. Selon plusieurs médias, dont le Wall Street Journal, ce patron de presse de 67 ans a en effet accepté, en échange d’une immunité, de coopérer avec les enquêteurs chargés de faire la lumière sur les paiements effectués par Michael Cohen, l’ex-avocat personnel du président, pour faire taire deux maîtresses supposées de Donald Trump.
Peu connu en dehors des États-Unis, David Pecker est une figure influente de la vie médiatique et politique américaine. En tant que patron du groupe American Media Inc. (AMI), il préside aux destinées de plusieurs titres de la presse tabloïd qui, tels National Enquirer, US Weekly ou encore Closer, touchent des millions de lecteurs chaque semaine. Mais c’est aussi, et surtout, en sa qualité d’ami et protecteur de Donald Trump qu’il est parvenu à se forger une certaine notoriété.
Pecker et Trump partagent de nombreux points communs. Tous deux ont grandi à New York (le premier dans le Bronx, le second dans le Queens). Tous deux possèdent aujourd’hui une propriété à Palm Beach, en Floride, et tous deux sont obsédés par leur propre réussite. Mais contrairement à l’actuel locataire de la Maison Blanche, qui doit une partie de sa fortune à celle de son père, l’homme de presse est ce qu’on appelle un "self made man". Loin des plus prestigieux campus du pays, c’est à la Pace University, à New York, qu’il a suivi ses études avant d’intégrer en tant que comptable le cabinet d’audit Price Waterhouse, puis CBS Magazines, groupe où il sera propulsé PDG lors de son rachat par Hachette. C’est à ce titre qu’il supervise, en 1997, la création du magazine Trump Style.
De la holding Hachette il passe à AMI, dont il prend la tête. Parallèlement, il se rapproche de Donald Trump qui l’invite fréquemment dans sa luxueuse propriété floridienne de Mar-a-Lago. De son côté, le magazine National Enquirer consacre de plus en plus de complaisantes unes à celui qui n’est alors que businessman. "Pecker prenait soin de Trump. C’était cela la nature de leur relation", a confié à CNN l'un des anciens rédacteurs en chef de la revue Stu Zakim.
Déclaration d’amour à Trump
Ainsi, lorsque Donald Trump se lance dans la course à la Maison Blanche, le National Enquirer lui apporte son soutien officiel, une première pour ce magazine qui jamais, depuis sa création en 1926, n’avait pris fait et cause pour un candidat à la présidentielle. D’un point de vue strictement éditorial, la déclaration d’amour à Trump se manifeste par une couverture très élogieuse de sa campagne. Aussi élogieuse que n’est déplaisante celle de sa rivale démocrate Hillary Clinton (en 2015, le tabloïd avait affirmé que l’ancienne First Lady, malade, n’avait plus que six mois à vivre…).
En coulisses, le positionnement politique du magazine se joue sur un tout autre plan. Selon plusieurs médias, David Pecker aurait usé de sa position à AMI pour protéger le milliardaire. Sa méthode : acheter l’exclusivité d’histoires susceptibles de compromettre son protégé afin de s’assurer qu’elles ne paraîtraient jamais au grand jour. Lorsque, le 21 août 2018, Michael Cohen a admis avoir, "à la demande d’un candidat", versé de l’argent provenant des comptes de campagne à l’ancienne playmate Karen McDougal et l’actrice de films X, Stormy Daniels, pour qu’elles taisent leurs relations passées avec Donald Trump, il a indiqué avoir été mis en relation avec Pecker. Durant la campagne, le patron d’AMI a proposé "de s’occuper des histoires négatives portant sur les relations de [Trump] avec les femmes, en aidant à les identifier, afin qu'elles puissent être achetées et leur publication évitée", a déclaré l’ancien avocat du président, selon le compte-rendu du tribunal fédéral de Manhattan.
Dans le cadre d’une autre affaire, le site Internet de la chaîne CNN a publié ce week-end des documents faisant état d’un accord d’exclusivité conclu en 2015 entre AMI et un ancien portier de la Trump Tower, prêt à se répandre sur l’existence d’un enfant illégitime que le président aurait eu avec une ancienne employée de maison. Dans le contrat, il était indiqué que la période d’exclusivité ne pouvait expirer et que le portier aurait dû payer un million de dollars à AMI s’il révélait l’histoire à un autre média. Depuis, aucun titre dirigé par David Pecker n’a publié d’article sur le supposé enfant illégitime du chef de l’État.
La prévenance dont le patron de presse a longtemps fait preuve à l’égard de Donald Tump s’est toutefois rapidement émoussée. Selon le Wall Street Journal, Pecker a déjà indiqué aux procureurs lui ayant accordé l’immunité que Donald Trump était dès le début au courant des montants versés à ses deux anciennes maîtresses présumées. Ce que nie l’intéressé.
Pour certains observateurs, la collaboration de patron d’AMI avec la justice pourrait être désastreuse pour le président américain. Si la sollicitude de Pecker à l’égard de Trump se mesure au nombre d’affaires qu’il a tenté d’enterrer, on peut s’attendre à de nombreuses révélations.