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Pourquoi l’Islande s’en tirerait sans dommage si elle avait vraiment harponné une espèce de baleine protégée

Des images d'un cadavre de baleine gisant dans une station baleinière islandaise ont fait le tour du monde. L'animal pourrait être une baleine bleue, une espèce protégée dont la chasse est strictement interdite. Mais resterait sans doute impunie.

Les baleiniers islandais ont-ils vraiment harponné une baleine bleue début juillet, ou s’agissait-il d’un hybride ? Le doute plane toujours, plusieurs jours après la mise en lumière de l’affaire par l’association de défense des océans Sea Shepherd. Et parce qu’ils sont des mammifères marins aussi rares l’un que l’autre, la polémique ne désenfle pas. Un groupe de bénévoles, qui surveille la station baleinière Hvalur hf, située à Hvalfjördur, au nord de Reykjavik, a en effet documenté, dans la nuit du 7 au 8 juillet, l’abattage d’un cétacé à l’apparence étrange.

Apparaissant sur une série de clichés, prêt à être dépecé, l’animal, au vu de sa taille hors norme, pourrait s’apparenter à une baleine bleue, la plus grande créature ayant vécu à ce jour sur Terre. Protégée depuis 1966, sa chasse est interdite par la Commission baleinière internationale, et ce même pour l’Islande, qui, comme le Japon et la Norvège, les deux autres pays du monde qui comptent encore parmi les chasseurs de baleines, sont habitués à contourner d’une manière ou d’une autre les traités de protection internationaux. Le harponnage d’un tel animal serait ainsi une première depuis cinquante ans.

Selon certains scientifiques, il pourrait aussi s’agir d’un hybride issu d’un croisement entre une baleine bleue et un rorqual commun, le spécimen présentant des caractéristiques communes aux deux espèces. La chasse au rorqual commun, elle, est autorisée, bien que régie par des quotas (en 2018, celui-ci a été fixé à 161 prises, contre 150 en 2017). Mais même croisé, l’animal n’en resterait pas moins exceptionnel : seulement cinq mammifères de ce type ont été observés depuis 1987 au large de l’Islande.

Les hybrides, aussi rares soient-ils, ne sont pas protégés 

"Je suis absolument certain qu'il s'agit d'un hybride", a ainsi estimé Kristján Loftsson, le dirigeant de l'entreprise, cité par la BBC. "Confondre un rorqual avec une baleine bleue est impossible. Nous voyons des baleines bleues en mer tout le temps sans jamais y toucher, car nous les identifions grâce au souffle émis par leur évent." A vrai dire, Kristján Loftsson sait exactement comment mener sa défense. Car si le spécimen est bel et bien un hybride, sa firme ne risque strictement rien : aucune loi ne régit la chasse à la baleine hybride. En revanche, son commerce est encadré par la Convention sur le commerce international des espèces de faune et de flore sauvages menacées d’extinction. La viande du spécimen abattu début juillet pourrait donc ne pas pouvoir être vendue au Japon, son pays de destination.

"Il n'y a pas vraiment de conséquences à ne pas se plier aux traités", explique le directeur juridique de Sea Shepherd Legal

Et s’il s’agissait vraiment d’une baleine bleue ? Le résultat ne serait pas franchement différent. D’abord parce que l’entreprise pourrait très bien jouer la carte de l’erreur humaine. "Nous l'avons harponné en pensant que c'était un rorqual commun", s'est déjà défendu Kristjan Loftsson auprès de l’AFP. Ensuite, parce qu’"il n'y a pas vraiment de conséquences à ne pas se plier aux traités", explique Brett Sommermeyer, directeur juridique de Sea Shepherd Legal, un cabinet d'avocats spécialiste de l'environnement et une organisation sœur de Sea Shepard, à Mashable. "Au pire, l’Islande risque une forme de ‘honte publique’, mais pas grand-chose d’autre." Catherine Pruett, directrice exécutive de Sea Shepard Legal, ajoute : "Ce n’est pas comme si une législation nationale, avec des sanctions significatives, s’appliquait."

Il faudra attendre la fin du mois de juillet, lorsque les premiers résultats d’analyse seront connus, pour y voir de toute façon plus clair. Sous la pression des associations et du battage médiatique, un test ADN, initialement prévu pour cet automne, devrait également être effectué d’ici la fin de ce mois.

Rien que depuis le 22 juin, l’Islande aurait harponné pas moins de 27 rorquals communs, selon les observations de l’association Sea Shepherd. Pourtant, on ne peut pas dire que le commerce de viande de baleine vaille encore tant de polémique : alors qu’en Islande, la consommation de chair de cétacé se résume désormais à une bien triste attraction touristique, le Japon, qui reste à ce jour le principal – pour ne pas dire l’unique – importateur de viande de baleine, peine à écouler ses stocks chaque année.

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