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"C'est l'Afrique qui a gagné la Coupe du monde", le commentaire qui fait polémique

Depuis la victoire des Bleus, des voix se sont élevées pour faire remarquer les origines de certains joueurs et conclure que c'est le continent africain qui a gagné. Pour beaucoup, ce commentaire ne passe pas.

La France n'est pas la seule grande gagnante de la Coupe du monde, selon Nicolas Maduro. En début de semaine, le président vénézuélien avait estimé que le titre remporté par les Bleus était davantage une victoire de l'Afrique, faisant ainsi référence aux origines de plusieurs joueurs. "L'équipe de France ressemblait à l’équipe d'Afrique. En vrai, c’est l’Afrique qui a gagné, les immigrants africains qui sont arrivés en France (…) L’Afrique a tellement été méprisée et dans ce Mondial, la France gagne grâce aux joueurs africains ou fils d’Africains", a-t-il commenté en marge d’une cérémonie officielle, en profitant ainsi pour enjoindre la France et l'Europe de cesser "le racisme contre les peuples africains" et "la discrimination contre les migrants".

Le même jour, le présentateur sud-africain Trevor Noah faisait une remarque similaire sur le plateau du "Daily Show", émission phare aux États-Unis. Après avoir d'abord félicité les Bleus, la star de Comedy Central a enchaîné : "Je suis tellement content, l'Afrique a gagné la Coupe du monde !", ajoutant à sa remarque acide un geste rappelant le film "Black Panther". "Je sais que ce sont les joueurs de l'équipe de France, mais regardez ces gars-là ! Vous n'êtes pas bronzés comme ça même en habitant dans le sud de la France...", a commenté Trevor Noah. Et le présentateur de conclure : "En fait, l'Afrique est la réserve de l'équipe de France..."

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Ce type de commentaire n'a pas tardé à faire débat sur la Toile. Même le top model Naomi Campbell a mis son grain de sel. En Italie, le même argumentaire a même servi des propos racistes, notamment sur les réseaux sociaux où certains internautes ont parlé de "champions du tiers-monde" et de "singes courant derrière un ballon".

Jugé très à-propos par certains internautes, il a aussi été qualifié d'analyse à l'emporte pièce par d'autres. Par exemple, lorsque le média en ligne qatari AJ+ s'est fendu d'un tweet pour faire remarquer que sur les 23 joueurs de l'équipe de France, 19 sont "des immigrés ou des fils d'immigrés", on trouve à la fois des réactions d'utilisateurs de Twitter rappelant que les Bleus sont tout simplement français et d'autres félicitant la diaspora africaine.

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Pour cet internaute, le raisonnement de Trevor Noah ne manque pas de "culot", surtout si l'on compare le football français au basket américain :

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Car au-delà de leurs origines, dont ils peuvent être fiers, les joueurs de l'équipe de France ont effectivement fait leurs armes dans des petits clubs du pays. Un point qu'a également tenu à rappeler à sa manière Benjamin Mendy, footballeur international certes d'origine sénégalaise, mais né à Longjumeau, commune située au sud-ouest de Paris :

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La discussion sur les origines des footballeurs français n'a pas désenflé. Deux jours après la victoire des Bleus, Barack Obama a salué depuis l'Afrique du Sud "ces mecs qui ne ressemblent pas à des Gaulois" mais "sont bien français", à l'occasion d'un discours célébrant les 100 ans de la naissance de Nelson Mandela. L'occasion pour l'ancien président américain de critiquer au passage la politique d’immigration de Donald Trump et de saluer la diversité de l'équipe de France. Car sur les 23 Bleus qui ont joué en Russie, 14 ont des origines du continent africain (Maroc, Sénégal, Guinée, Mali, Angola, Algérie...), deux y sont même nés (Samuel Umtiti à Yaoundé, Steve Mandanda à Kinshasa), mais tous ont évolué dans des clubs français.

Une vision des choses qui est aussi celle du basketteur Nicolas Batum, qui a exprimé un coup de gueule sur son compte Twitter, expliquant que malgré son nom de famille camerounais, "on se bat et on joue pour la France car nous sommes nés ici, avons grandi ici, avons appris notre sport en France, avons la fierté d'avoir la nationalité française" : 

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Alors, est-il vraiment approprié d'essayer de démêler le prétendu "authentique" du "factice" dans l'identité des Bleus, entre leurs origines, leurs lieux de naissance, le pays dans lequels ils ont grandi ? Les joueurs d'aujourd'hui sont les heureux modèles d'une France de la diversité, par-delà ses dysfonctionnements. Ils sont une vitrine de ce que l'ascenseur social a de meilleur à montrer en France, bien que comme le relève le sociologue du sport William Gasparini, "Si on retrouve en équipe de France autant de jeunes issus des classes populaires et de l'immigration, c'est aussi parce que d'autres sphères, politique et économique, leur sont fermées", avant de conclure : "C'est un miroir déformant de la réalité".

Comme le fait remarquer l'Ambassadeur de France aux États-Unis, le loisir de se définir d'une façon ou d'une autre n'appartient qu'à eux (notons que le milieu de terrain Corentin Tolisso aurait par exemple pu représenter le Togo). Or, en jouant sous les couleurs de la France, c'est bien ce pays que représentent les Bleus. Le slogan polémique de 1998 "black-blanc-beur" n'a presque plus besoin d'être brandi comme étendard en 2018. Vingt ans après, la seule figure de Kylian Mbappé semble en être la synthèse : né en France, à Bondy, de père d'origine camerounaise et de mère d'origine algérienne, il évolue au poste d'attaquant au Paris Saint-Germain après avoir peaufiné son jeu dans différents clubs français.

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