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Un sommet de l'Otan sous le signe de l'incertitude

Le sommet de l'Otan s'ouvre mercredi à Bruxelles dans un climat tendu alors que le président Donald Trump s'en prend de front à ses alliés européens sur l'insuffisance de leurs contributions de défense. Ceux-ci se montrent de plus en plus agacés.

Le sommet de l'Otan qui s'ouvre, mercredi 11 juillet, à Bruxelles s'annonce tendu. Il dépendra de l'humeur de Donald Trump, invité par les Européens à "mieux considérer" ses alliés. Tout est prêt : la déclaration finale, les projets, les engagements, ont confié à l'AFP plusieurs responsables de l'Alliance sous couvert de l'anonymat. "La seule inconnue vient des participants", a souligné l'un d'eux.

Le président des États-Unis a quitté Washington d'humeur belliqueuse, déclarant, avec le goût de la provocation qui est le sien, que sa rencontre avec le président russe Vladimir Poutine à Helsinki pourrait être "plus facile" que le sommet de l'Otan.

Le ton était toujours aussi revendicatif mercredi matin. Les États-Unis "payent beaucoup trop", a répété le président américain dans la matinée devant la presse, lors d'une rencontre à Bruxelles avec le secrétaire général de l'Otan, Jens Stoltenberg. "C'est disproportionné et injuste pour les contribuables des États-Unis."

"Nous protégeons l'Allemagne, la France. Nous protégeons tous ces pays", a-t-il poursuivi. "Et certains d'entre eux vont signer un contrat de gazoduc avec la Russie et des milliards de dollars vont dans leurs caisses", visant explicitement Berlin et le projet de gazoduc Nord Stream 2, qui doit relier la Russie à l'Allemagne via la Baltique, un projet qui inquiète Washington.

"Donc nous sommes supposés vous protéger contre la Russie et vous lui donnez des milliards de dollars, je pense que c'est très inapproprié", a-t-il ajouté.

Ce comportement exaspère sur le Vieux continent. Rompant avec le ton policé de ses prédécesseurs, le président du Conseil européen, le Polonais Donald Tusk, l'a interpellé mardi pour lui dire combien ses critiques presque quotidiennes étaient déplaisantes et l'a invité à "mieux considérer" ses alliés "car l'Amérique n'en a pas tant que ça". Il lui a également rappelé que l'Europe avait été "la première à réagir" après les attentats du 11 septembre 2001 sur le sol américain.

Dear @realDonaldTrump. US doesn’t have and won’t have a better ally than EU. We spend on defense much more than Russia and as much as China. I hope you have no doubt this is an investment in our security, which cannot be said with confidence about Russian & Chinese spending :-)

  Donald Tusk (@eucopresident) 10 juillet 2018

"Discussions franches"

Le secrétaire général de l'Otan, Jens Stoltenberg, est embarrassé par cette tension et n'a pas caché son appréhension sur le déroulement du sommet. "Je ne serais pas surpris qu'il y ait des discussions vigoureuses, notamment sur les dépenses de défense", a reconnu mardi le Norvégien.

Les Alliés se sont engagés en 2014 à consacrer 2 % de leur PIB à leur défense en 2024, mais une quinzaine d'États membres, dont l'Allemagne, le Canada, l'Italie la Belgique et l'Espagne sont sous la barre de 1,4 % en 2018 et seront incapables de respecter leur parole, ce qui ulcère Donald Trump. "Les pays de l'Otan doivent payer PLUS, les États-Unis doivent payer MOINS. Très injuste !", a-t-il tweeté avant son départ pour Bruxelles. "Ce n'est pas juste pour le contribuable américain."

Many countries in NATO, which we are expected to defend, are not only short of their current commitment of 2% (which is low), but are also delinquent for many years in payments that have not been made. Will they reimburse the U.S.?

  Donald J. Trump (@realDonaldTrump) 10 juillet 2018

"J'espère que nous pourrons avoir pendant le sommet des discussions franches et honnêtes sur les désaccords et les divergences de vues, mais il est de mon devoir de réduire leur impact sur l'Otan afin que l'Alliance puisse demeurer la pierre angulaire de la sécurité transatlantique", a tempéré Jens Stoltenberg.

Avant Poutine

Le chef de l'Otan n'a pas voulu commenter l'hypothèse d'une annulation – à la demande de Donald Trump – de l'exercice Trident Juncture prévu à l'automne en Norvège et annoncé comme le plus important jamais réalisé par l'Otan depuis la fin de la Guerre froide. Au motif que cela pourrait être considéré comme une menace par la Russie et que cela va coûter très cher aux contribuables américains.

Jens Stoltenberg a confirmé que les Alliés souhaitaient avoir des éclaircissements sur les intentions de Donald Trump avant sa rencontre avec son homologue russe. "Il est absolument essentiel que le président Trump rencontre Vladimir Poutine", a-t-il répété. "Nous serons en mesure de discuter avec lui pendant le sommet de la relation entre l'Otan et la Russie. Il est important que l'Otan reste unie"", a-t-il insisté.

Dans le cadre de l'initiative américaine "4x30", les membres de l'Otan vont s'engager à être en mesure en 2030 de déployer sous 30 jours 30 bataillons mécanisés, 30 escadrilles et 30 navires de combat pour pouvoir faire face à une opération militaire de la Russie, identifiée comme un potentiel agresseur.

"Nous avons augmenté la préparation de nos forces sur le flanc Est, et nous prenons des décisions pour acheminer rapidement des renforts le cas échéant. Tout cela contribue à rendre notre dissuasion crédible", estime le secrétaire général de l'Alliance.

Avec AFP