Donald Trump n'a pas abandonné son idée d'annexer le Groenland. Bien qu'occupé par les négociations de paix en Ukraine, la crise avec le Venezuela et le scandale Epstein, le président américain a décidé de nommer, lundi 22 décembre, un émissaire spécial pour le Groenland en la personne de Jeff Landry, le très droitier gouverneur de Louisiane. "C’est un type formidable, un négociateur né, et nous en avons besoin (du Groenland) pour des raisons de sécurité nationale", a déclaré Donald Trump.

"C'est un honneur de vous servir dans le cadre de cette fonction bénévole visant à intégrer le Groenland aux États-Unis", lui a répondu Jeff Landry dans un message sur X. "Cela n'affecte en rien ma fonction de gouverneur de Louisiane !"

Indigné, le gouvernement danois, qui administre le territoire autonome, a annoncé son intention de convoquer l'ambassadeur américain dans les prochains jours "pour obtenir des explications". Dans un message publié sur Facebook, la députée du Groenland Aaja Chemnitz a déclaré qu'"un gouverneur de Louisiane est le bienvenu, mais le Groenland n'est pas à vendre", rappelant que Donald Trump avait déjà perturbé les fêtes de Noël 2024 en menaçant le territoire d'annexion.

Mais alors comment expliquer ce regain de tensions un an plus tard ? "On ne peut pas s'empêcher de noter qu'il y a une actualité qui est assez déplaisante pour l'administration Trump depuis novembre, entre la publication du dossier Epstein, la fracture de la droite Maga, et les mauvais résultats électoraux", décrypte Lauric Henneton, maître de conférences à l’université de Versailles-Saint-Quentin-en-Yvelines (UVSQ). À l'image de cette élection partielle remportée de justesse par les Républicains dans leur fief du Tennessee, début décembre. "Trump semble perdre la main, notamment sur sa majorité au Congrès. Quand on a quelque chose à cacher à l'intérieur, on fomente une crise à l'extérieur pour accaparer l'attention des médias", ajoute le spécialiste des États-Unis.

Fidèle de la famille Trump

Jeff Landry, qui a fêté mardi ses 55 ans, doit-il voir sa nomination comme une diversion de la part de Donald Trump ? "Il n'y a pas grand-chose qui relie le gouverneur de Louisiane au Groenland mais Trump a tendance à récompenser la loyauté, et Jeff Landry en a fait preuve", constate Lauric Henneton. Et de citer en exemple Steve Witkoff "qui n'avait aucune expérience diplomatique mais qui est quand même envoyé en Russie à la place du secrétaire d'État [Marc Rubio]".

Si le gouverneur de Louisiane n'a, lui non plus, aucune expérience en matière de politique étrangère, il est un ami de longue date du fils aîné de Trump, Donald Trump Jr. En 2018, ce dernier a même participé à la Collecte de fonds annuelle organisée par le procureur général de Louisiane pour la chasse à l'alligator. "Jeff a toujours été présent lorsque l'équipe Trump avait besoin de lui... Il l'a fait même lorsque cela n'était pas politiquement opportun pour lui", a déclaré l'homme d'affaires au Rolling Stone magazine, qui a consacré un long reportage au gouverneur de Louisiane.

En 2020, il s'est aussi joint à neuf autres procureurs généraux pour contester devant la justice les résultats de l'élection présidentielle en Pennsylvanie, où Joe Biden était arrivé en tête de 80 000 voix par rapport à Donald Trump, sans succès.

Durcissement pénal

Il faut dire que Jeff Landry et Donald Trump partagent le même goût pour l'ordre et la répression. Ce mois-ci, le gouverneur de Louisiane a salué le déploiement d'agents de la police des frontières dans la région de la Nouvelle-Orléans après avoir déjà demandé l'envoi de la garde nationale dans son État pour lutter contre la criminalité.

Ancien policier et shérif adjoint, élu à la Chambre des représentants en 2010, Jeff Landry a ensuite officié comme procureur général de Louisiane entre 2016 et 2023, avant d'être élu gouverneur de l'État avec 52 % des voix.

Lors des sept premiers mois de son mandat de gouverneur de Louisiane, il a signé des lois très dures restreignant l'accès aux médicaments utilisés dans le cadre de l'avortement et des soins liés à la grossesse, ou autorisant la castration chirurgicale comme punition pour certains crimes sexuels commis contre des mineurs. Sous son impulsion, la Louisiane a également supprimé la libération conditionnelle et élargi les méthodes d'application de la peine de mort dans un État qui affiche déjà le plus fort taux d'incarcération des États-Unis.

Prosélytisme religieux

Mais c'est probablement l'année dernière que Jeff Landry a fait le plus parler de lui aux États-Unis, lorsqu'il a signé une loi imposant à toutes les écoles et universités publiques de Louisiane d'afficher les Dix Commandements de la Bible. Plusieurs familles de parents d'élèves ont alors porté plainte, arguant que cette mesure viole la Constitution américaine dont le premier amendement garantit la séparation de l'Église et de l'État. Un tribunal fédéral a finalement suspendu la loi en juin 2025.

"Les Dix Commandements sont le fondement de la civilisation, et vous me dites qu'on ne peut pas les afficher dans les écoles ?", a réagi le gouverneur en réponse aux nombreux opposants politiques qui se sont indignés. L'homme politique a d'ailleurs comparé l'affichage des Dix Commandements aux panneaux de signalisation qui rappellent les limitations de vitesse ou aux posters sensibilisant les étudiants aux dangers de la drogue. Selon Reuters, une cour d'appel fédérale devrait réexaminer la suspension de cette loi dans les prochains mois.